Self-hatred – Hlubiny

Avec son deuxième disque Self-hatred prend des risques. En s’essayant au concept album mais aussi en choisissant cette fois-ci de s’exprimer dans sa langue natale, tout n’était pas gagné d’avance pour le groupe tchèque. Pari réussi car Hlubiny donne encore dans le doom death de bonne facture et ne déroutera pas les auditeurs qui ont été séduits par leur précédent effort.

On avait découvert Self-hatred (sans majuscule au h finalement) en 2016 avec Theia, premier album qui remettait au goût du jour le doom death typique des années quatre-vingt-dix. Les Tchèques appliquaient une recette déjà connue mais se montraient convaincants niveau composition.

Deux mois après Epigrammata, le dernier, et réussi, disque de Et Moriemur, groupe dans lequel le batteur Michal "Datel" Rakn et le guitariste Alès Vilingr officient aussi, voici donc Hlubiny, que nous pouvons traduire par « les profondeurs », deuxième long jet de Self-hatred.


Malgré le style similaire au précédent effort nous pouvons déjà relever une surprise : le groupe a choisi cette fois-ci de s’exprimer dans son parler natal. Une volonté selon les propos de Alès de rester dans le but initié par le projet Self-hatred : rendre hommage à la scène tchèque doom metal dont la plupart des groupes (à commencer par le combo culte Dissolving of Prodigy dont Self-hatred et Et Moriemur ont salué la mémoire cette année en participant à un album de reprises) s’expriment dans cette langue. Autant le dire : cela n’impacte absolument pas l’écoute de la musique des doomsters, au contraire l’emploi du tchèque renforce l’aspect mélodramatique voulu par le groupe.

Autre détail : Hlubiny est un album concept relatant l’histoire d’un couple en proie aux difficultés relationnelles, la jeune fille poussée dans les retranchements de la détresse en arrivant à se pendre, comme relaté dans la deuxième piste « Odraz », ce qui amène son compagnon à traverser divers états décrits par les autres chansons : tristesse, dépression, colère et apathie. Une thématique parfaitement doom pourrions-nous dire. A noter que le cover art représente l’amoureuse en phase de commettre l’irréparable face au miroir lui renvoyant des épisodes de sa vie et que le livret est richement illustré en fonction des sujets abordés dans les chansons.

Le groupe a aussi conçu un visuel scénique qu’il compte projeter lors de ses prochains gigs où il interprétera Hlubiny dans son intégralité.
 

Musicalement, nous sommes encore dans le doom death aux arrangements gothiques et même si Self-hatred n’invente, ni ne révolutionne (quoi que) rien, il sait appliquer un certain savoir-faire en matière de composition. Ainsi cet album plaira aux amateurs des premiers Paradise Lost, Anathema ou de My Dying Bride et Evoken.

Le ton est donné dès l’inaugural « Konec » avec son intro aux arpèges rêveurs et mélancoliques où le growl de KaŠ¥as fait à un moment place à des cris black metal semblant exprimer la colère. La musique de Self-hatred est vraiment faite de ce mélange de tristesse et de rage comme en atteste aussi le dissonant « StŠ™epy » et ses quelques cassures. On tombe même dans un puit de neurasthénie funéraire sans fond sur « Odraz », peut-être la piste la plus noire de ce nouvel album où aux growls et cris se mêlent quelques sanglots sur fond d’orgue morbide et démontre les facultés du vocaliste à retranscrire fidèlement les émotions. « Apatie » elle alterne arpèges pleureurs et doom désespéré pour aboutir à un final où l’on entend une cloche sonnant le glas (et qui sert de transition pour l’interlude « OÄistec » qui est un éloge funèbre récité en tchèque).

Parfois la colère black metal prend un peu le dessus comme sur le crépusculaire et épique « Vzplanutí » au tempo plus enlevé qui ferait presque penser à du Cradle Of Filth carrément dépressif.

Niveau surprise nous retiendrons l’éponyme « Hlubiny » avec son piano en introduction. Un morceau qui sonne comme un mélange de doom metal et de gothic rock et sur lequel nous pouvons entendre du saxophone se mêlant de façon convaincante aux nappes d’orgue. Un instrument qui est joué par Romana Kohoutová, une musicienne issue de la scène punk/alternative locale.

« Epitaf » quant à elle est une instrumentale triste, forcément, aux ambiances oniriques et arrangements soignés qui aboutit sur des notes de piano faisant sur leur apparition après un silence de quelques secondes avant que tout ne s’achève par une plage atmosphérique. Dernier argument en la faveur de ce nouvel album de Self-hatred : sa durée non excessive, une quarantaine de minutes sans qu’aucun titre ne finisse par lasser, le groupe semble n’avoir retenu que le meilleur.

Hlubiny a tous les atouts en main pour plaire aux fans de doom death « old school » donc, comme son précédent effort, et montre aussi la volonté des Tchèques de faire évoluer leur musique tout en restant dans un style traditionnel. Self-hatred mérite vraiment plus que l’on l’aime plutôt que l’on le déteste.

Liste des titres :

1.  « Konec » 
2.  « Odraz »   
3.  « Hlubiny »    
4.  « StŠ™epy »    
5.  « Vzplanutí »   
6.  « Apatie »    
7.  « OÄistec »    
8.  « Epitaf »


Disponible depuis le 28 mai 2018 sur Solitude Productions

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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