Fondé en 2011, le groupe norvégien Eunomia sort cette année son premier album complet, après un EP en 2016. Le groupe remplit tous les critères du cahier des charges power metal : des histoires de luttes magiques dans un royaume de fantasy, des nappes de claviers abondantes, des soli de guitares, des chœurs omniprésents. Si l’ensemble n’est globalement pas mal fait, le résultat est mitigé.
Eunomia vise clairement les fans de fantasy : dès le titre introductif, un vieux sage raconte l’histoire du royaume d’Eunomia menacé par un seigneur des ténèbres, qui ne pourra être vaincu que si des héros magiques s’allient pour le combattre. Le titre instaure immédiatement l’ambiance voulue par le groupe, et tout dans sa composition relève d’un classicisme exacerbé : la voix grave du narrateur, les claviers gothiques qui montent en puissance sur la fin, même le nom du morceau, "The Beginning", est d’une évidence difficilement égalable pour un titre d’ouverture.
Et cette introduction ne ment pas sur la marchandise : pendant douze titres, les Norvégiens s’appliquent à produire un power metal mâtiné de fantasy reprenant tous les éléments constitutifs du genre. Les claviers sont omniprésents, des envolées lyriques aux ballades au piano en passant par des ambiances plus gothiques. Les guitaristes Marius Danielsen et Magnar Wither Skorgenes enchaînent solo sur solo et restent dans une ambiance très épique, en restant sur des guitares claires très peu saturées. Le batteur Sondre Sørensen Brøndstad se fait beaucoup entendre sur des roulements de tom, que ce soit pour des cavalcades rapides ou au contraire des marches paramilitaires lentes et solennelles. Le concept de l’album est tenu de bout en bout, puisque les paroles se concentrent sur l’histoire des guerriers d’Eunomia et de leur quête pour la liberté, et sont soutenues par un narrateur sur plusieurs morceaux.
Il serait malhonnête de dire que le résultat est raté : dans l’ensemble, les compositions sont fabriquées correctement et fonctionnent à peu près. Le problème, c’est que beaucoup ont fait quasiment la même chose avant les frères Danielsen, et souvent avec plus de panache. Le genre est en soi périlleux, puisqu’il flirte facilement avec le cliché. Et si un groupe n’est pas capable de développer des éléments originaux pour marquer les esprits, il apparaît comme une simple caricature de Dragon Force ou Power Quest. C’est hélas souvent le sentiment qui transparaît à l’écoute de ces chroniques d’Eunomia : les parties de guitare ont déjà été entendues cent fois, les claviers pourraient être joués par n’importe qui, la batterie se distingue assez peu. De plus, le chant de Peter Danielsen est souvent peu inspiré, et manque clairement de puissance et d’un timbre distinctif.
Plusieurs morceaux sont donc efficaces mais clichés au possible. D’autres arrivent pourtant à faire sentir quelque chose de plus vibrant, mais c’est hélas trop intermittent. "Dark Horizon" possède suffisamment de panache et de puissance pour rendre son côté cliché pas déplaisant. Le début de "Freedom Call" montre que le chanteur est capable de nuances quand il ne force pas sa voix et ne cherche pas à aller dans la puissance, et la batterie se fait elle aussi plus remarquer. "We Will not Surrender", quant à lui, est un titre assez lent, et c’est justement ce tempo qui lui confère un ton martial, conquérant, créant ainsi une vraie atmosphère, renforcée par des chœurs presque tribaux.
Sur tout l’album, le groupe fait appel à un nombre conséquent d’invités, notamment Alessandro Conti de Twilight Force, ce qui laisse penser que le monde du power metal accorde du crédit à Eunomia. D’où deux hypothèses qui s’affrontent : est-ce que ce sont ces invités qui apportent un peu de chair et de texture à l’album, ou au contraire le fait de laisser la porte du studio ouverte aux quatre vents a-t-il fait se dissoudre l’identité du groupe dans la multitude, produisant un résultat un peu trop plat ? A moins que le groupe ne soit en fait délibérément une caricature du power metal, comme pourrait le laisser supposer la pochette de l’album tout droit sortie d’un jeu vidéo des années 2000, excellente au second degré. Le groupe intrigue en tous cas suffisamment pour donner envie de voir comment il évoluera, mais il a intérêt à se démarquer s’il veut laisser une impression durable.
Tracklist
1. The Beginning
2. Crystal Sword
3. Dark Horizon
4. Freedom Call
5. Glory Of The King
6. We Will Not Surrender
7. March For Freedom
8. Eternity
9. Stand Up And Fight
10. Last Stand
11. Dangerous Times Ahead
12. Until The End
Sorti le 24 août chez Pride And Joy Music