C’est un Nergal très en forme que l’on retrouve sur les terrasses ensoleillées de l’hôtel en train de terminer une interview. Les entretiens sont chronométrés et ce partout où le Polonais passe pour défendre le dernier album I Loved you at your Darkness qui marque un tournant dans la discographie de Behemoth nous montrant un côté plus soft, plus rock…
Lionel / Born 666 : I Loved You at Darkest arrive quatre ans après The Satanist et de nombreuses tournée autour du monde. Comment le places-tu par rapport à votre dernier opus ?
Adam "Nergal" Darski : C’est déjà à la base un enregistrement différent. On ne voulait pas se répéter, on aime proposer des choses nouvelles. Je n’aime pas quand on devient trop répétitif. C’est aussi pour cela qu’on a pris autant de temps. Entrer en studio, puis partir en tournées pour se faire de l’argent, ce n’est pas notre genre. Quand tu fais un nouvel album, tu fais en sorte que ce soit remarquable, qu’il marque quelque chose. Je ne dis pas que c’est ce qu’il faut faire mais c’est ce que je veux, que cela marque les gens. Tu le fait à fond ou tu ne le fais pas.
Lionel : Dans quelles circonstances as-tu remarqué l’anagramme que l’on pouvait faire avec God ? Comment en es-tu arrivé à trouver le titre de l’album ainsi que le titre « Sabbath Mater » à la place de Stabat Mater ?
Nergal : C’est ma façon de m’exprimer. J’adore jouer avec la signification de différente expressions, de noms, tu sais j’ai toujours fait ça. C’est une alchimie artistique pour moi. Je vois quelque chose et soudain quelque chose se passe dans mon cerveau et « boum », ça prend forme. c’est comme cela que ça se passe. Je pense que c’est notre premier droit en tant qu’artiste. Je peux faire ce que je veux, alors je me dis « fais-le, ose-le » ! Tords les interprétations, et fais tout ce que tu veux, c’est ma liberté ! C’est ma liberté artistique de faire ce que je veux avec ce qui m’entoure et de réaliser ce que je veux avec mes mains. J’adore jouer avec cela. God=Dog c’est tellement un jeu. J’aime voir jusqu’où ça peut aller. J’adore voir à quoi ça ressemble à la fin et voir ce que les gens vont en penser après.
Lionel : Tu as dit que I Loved You at Your Darkest était à ce jour votre album le plus rock. Penses-tu que ton projet Me and that Man (sa collaboration avec le musicien folk Britannique/Polonais John Porter qui a quitté le projet depuis) a pu avoir une influence sur l’album ?
Nergal : Avec Porter on s’est séparé. Mais le groupe va continuer, c’est sûr. Mais tu as raison. Après l’album The Satanist, Me and that Man et la façon de jouer puis d’enregistrer différemment m’a beaucoup aider à travailler sur ce nouveau disque. c’était le réveil de ma colère, ma passion pour exprimer mon amour du metal.
Lionel : Maintenant John Porter a quitté Me and That Man. Est-ce que le groupe va continuer ?
Nergal : J’imagine que si j’ai aussi envie de continuer avec Me and That Man c’est peut-être la façon la plus cool de passer d’une chose à une autre et de rester créatif. En passant de Behemoth à Me and That Man permet d’apporter de la fraîcheur, plus d’idées nouvelles. Je me souviens que le show à Paris était excellent.
Lionel : Oui avec cette petite scène...
Nergal : … oui très petite scène mais dans un joli théâtre.
Lionel : Comme un Divan du Monde en miniature I Loved You At Your Darkest a vu sa production se faire à travers la Pologne et les Etats-Unis...
Nergal : ...et en Suède aussi. La production a été complexe aussi. Deux mecs qui travaillaient dans deux studios aux USA. On a utilisé cinq studios en Pologne, un en Suède et huit en tout. Huit endroits différents pour enregistrer l’album.
Lionel : Pour chaque instrument ?
Nergal : Plus que ça ! Presque tous les instruments ont été enregistrés dans un studio différent, et beaucoup de personnes extraordinaires ont été impliquées. La voix et la guitare dans un endroit, les autres instruments dans divers lieux. De le faire dans autant d’endroits différents nous a rendu l’enregistrement plus facile. C’était très agréable. On disait au batteur « où as tu envie d’enregistrer tes parties ? », il répondait « à tel endroit ! » alors on réservait le studio ! je voulais que chacun soit à l’aise avec son instrument.
Lionel : En Californie ?
Nergal : Oui à Anaheim (à Calabasas), Tom Baker est un grand maître du mastering.
Lionel : Comment as-tu ressenti les réactions du public quand vous avez interprété pour la première fois « God=Dog » lors des festivals de cet été ?
Nergal : On a commencé par « Wolves Ov Siberia » car il est plus facile d’accès. c’est plus facile de rentrer dans le titre.
Lionel : Mais vous avez joué les deux titres au Motocultor…
Nergal : Oui on a joué les deux au Motocultor. j’ai adoré le retour qu’on a reçu. Bien que les gens ne connaissaient pas le titre, ça bougeait ça headbanguait, ça tapait dans les mains. Certains même chantait sur "God=Dog". c’était très puissant, un grand moment de bonheur !
Lionel : Te souviens-tu de la fois où vous n’aviez pas votre matériel (en 2014, le matériel des Polonais et d’autres groupes ne sont pas livré à temps pour leurs prestations au Motocultor) et que vous avez joué en sweat shirt à capuche?
Nergal : Je crois que les gens avaient aimé. c’était un show très spécial.
Lionel : C’était unique ! Tu es toujours anti chrétien. Qu’en est-il de ta vision des autres religions ?
Nergal : Je suis foncièrement opposé à toutes les religions monothéistes. Peu importe si c’est chrétien, musulman ou juif. Chacune représente le mal et elles s’opposent entre elle. Il n’y a pas de grande différence entre elles. La seule différence c’est le mal qu’elle provoquent ou qu’elles ont provoqué. Je suis ouvertement opposé à ces religions. La différence c’est que je suis né en Pologne, j’ai été élevé dans une éducation chrétienne, j’y ai été baptisé et je ne suis pas né en Palestine et je n’ai donc pas lu le Coran. C’est pour cela que je m’oppose plus à la Bible mais je suis contre toutes les religions monothéistes. Les religions polythéistes sont plus douces, plus égales, plus amicales. Elles semblent mieux comprendre la nature, la dualité de la nature humaine représenté par le nombre de dieux. Dans les religions monothéistes, c’est très primitif c’est soit noir, soit blanc.
Lionel : Je trouve que la fin de votre clip « God=Dog » ressemble à l’univers de Hieronimous Bosh...
Nergal : … Non c’est inspiré de la Punition Finale de Hans Memling. Ce n’est pas similaire mais je comprends pourquoi tu pensais à Bosch.
Lionel : Et tu aimes le peintre néerlandais ?
Nergal : J’adore !! Mon inspiration vient aussi des peintres, c’est assez dingue de voir ce qu’ils avaient dans la tête. C’est intemporel.
Lionel : Quelle est cette nouvelle croix que l’on retrouve sur votre nouvel album ?
Nergal : La Trivmvitavs. C’est un nouveau symbole qui représente une nouvel aire pour nous.
Lionel : Quel est ce texte que l’on retrouve sur la pochette. Est-ce écrit en hébreux ? Où est le logo ?
Nergal : … non il n’y a pas de logo… (réfléchissant) ah oui je comprends ce que tu veux dire c’est l’Iliade et ça veut dire I Loved You At Your Darkest. Je comprends pourquoi tu croyais que c’était un langage caché.
Lionel : Cet été tu as joué sur scène avec Niklas (Kvarforth de Shining). Vous êtes assez éloignés musicalement. Vos caractères aussi. Était-ce pour promouvoir le fameux film The Curse of Valburga ? Peux-tu nous en dire plus ?
Nergal : Bon, dans ce film on a les rôles principaux. c’est supposé être un long métrage de comédie noire politiquement incorrect avec une abondance de violence et de sang, Inspiré des films d'horreur de la fin des années 70 et 80, C’est un truc un peu bizarre mais bon je n’ai pas vu le film et je ne sais pas si ce sera bon ou non. Mais bon Niklas est un personnage intéressant.
Lionel : Pour l’avoir interviewé je suis d’accord avec toi...
Nergal : Je l’ai surnommé le GG Allin du black metal (de son vrai nom Kevin Michael Allin, né Jesus Christ Allin à Lancaster, décédé en 1993, était un chanteur de punk hardcore américain connu pour ses performances scéniques qui incluaient des actions transgressives) et moi le David Beckham du black metal.
Lionel : (rire général) Je comprends...Tu es très présent sur les réseaux sociaux et sur Instagram en particulier. D’ailleurs je suis un de tes followers. Toi aussi de ton côté tu es fan de certains groupes, tu suis d’ailleurs Rob Halford (Judas Priest) qui lui aussi est très présent dessus. Ne penses-tu pas que cette proximité avec les fans enlève ce côté magique que l’on pouvait avoir par rapport à ses idoles quand cela n’existait pas, bien que cela reste un outil promotionnel important ?
Nergal : Tu sais, je ne sais pas mais bon... Imagine que Quorton (de son vrai nom Ace Thomas Börje Forsberg était le fondateur de Bathory) soit encore en vie. Imagine qu’il poste des trucs sur Instagram, qu’il fasse des live (à chaque propos il tape sur la table) il fasse des Snapchat, et qu’il te parle par la même occasion. Et bien moi je mourrai pour voir ça ! J’ai tellement été un fan ! j’aurais rêvé le voir dans sa salle de répétition , dans les studios, . Ça aurait été génial de le voir comme ça. Je sais que certains groupes le font comme Marylin Manson, je suis fan de ce media...
Lionel : Qu’en est-il de la collaboration entre Rob Halford, toi et Ihsahn ?
Nergal : On en parle, j’adorerai le faire...
Lionel : Il en parle depuis si longtemps qu’il attendait peut-être les bonnes personnes…
Nergal : On échange pas mal nos trucs et peut être qu’il y aura quelque chose un jour…
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