Sons Of Apollo (+Dilemma) à  l’Élysée Montmartre (12/10/18)

Après un passage peu mémorable au Hellfest 2018, on était en droit d'avoir un sérieux doute quant à la qualité de la tournée des Sons Of Apollo, voire même de celle de leur album, dont les titres avaient peu convaincu alors sur scène, malgré le background idyllique des musiciens. Rien de tel qu'une date en set complet pour juger de la solidité et de la légitimité du combo.

 

Dilemma


L'Élysée Montmartre n'est même pas rempli à moitié lorsque Dilemma entre en scène. Le quintette propose un metal progressif assez convenu qui peinera à convaincre. Tentant trop d'allier structures alambiquées et refrains pop, on se retrouve souvent soit devant un Rush manquant clairement de puissance, soit devant un refrain qui collerait parfaitement à un dessin animé sur l'amitié, les grosses guitares en plus.

Quelques passages instrumentaux qui offrent de beaux moments, mais le déséquilibre des compositions crée peu d'engouement dans l'auditoire. Dilemma arrive quand même à surprendre, et il faudra attendre le quatrième morceau pour voir le réel potentiel du groupe. Cohérent dans sa boucle progressive, le titre nous gratifie d'un passage instrumental dantesque, plus énervé, enchaînant les solos, rythmes intrusifs, et des fois doublés d'une voix plus criarde nous rappelant sans mécontentement Arena ou Pain Of Salvation. Dommage quand cette ambition n'est pas constante et que l'on a conscience des musiciens d'un certain niveau.

 

Sons Of Apollo

L'affluence est autre à l'arrivée des Sons Of Apollo. On ne sait pas si la salle affiche complet, mais il y a du monde à la pelle. D'entrée de jeu, le groupe témoigne d'une force de conviction qu'il ne perdra à aucun moment (exemple type : Derek Sherinian (claviers) ne fait pas la gueule, chose extrêmement rare). Le set va être intense, puissant, technique et hautement musical. Inutile d'éplucher le Curriculum Vitae des musiciens, la chronique de l'album s'en étant parfaitement chargée, et à l'évidence, chacun des membres remplit sa part de contrat en en mettant plein les oreilles à l'auditoire. Ça joue, et pas qu'un peu, les compositions vont d'ailleurs totalement dans ce sens, entre un métal progressif inspiré, mélodique et des passages faisant preuve d'énormément de démonstration/branlette (aucune mention inutile ici).

Alors Ron Thal (guitares) et Billy Sheehan (basses), chacun affublé d'une double manche, en mettent trois tonnes, ne lésinent pas d'un iota pour ce qui est de l'avalanche constante de notes (et du shred à la basse et au doigt, c'est pas tous les jours qu'on voit ça), et ce jusqu'à écoeurement. Parce que oui, il y en a trop. C'est d'ailleurs le principal reproche que l'on fait généralement à leurs parties solos, celui de ne jamais réussir à doser ce moment où l'on ne sert plus sa mélodie mais son ego. En témoigne le solo de Derek Sherinian et son Marcel Captain America, reprenant du Van Halen de manière certes parfaite mais tellement exagérée que l'on finit par lâcher l'embarcation (ceci étant dit, "Eruption" au clavier, ça a quand même une sacrée gueule). Finalement, c'est Mike Portnoy (batterie), pourtant beaucoup plus apte à s'exprimer que dans des formations plus assagies telles que Flying Colors, et avec le despotisme qu'on lui connaît, qui sera le plus calme. Nous gratifiant malgré tout d'un jeu lourd et très prononcé, mais sans nous balancer des breaks à tout va, il est le seul musicien n'ayant pas son solo. Mais vous l'aurez compris, malgré un aspect qui frôle tres souvent le surfait total, on assiste à une interprétation d'une intensité rare, par des musiciens à la palette extrêmement large qui semble tout maîtriser sans forcer. Ce côté "too much", c'est aussi ce qu'on est venu voir, et on est bien content de les voir démontrer qui sont les maîtres, chacun dans son domaine.

Et plus que nous, celui qui en a totalement conscience, c'est Jeff Scott Soto (chant). Hurlant régulièrement "Did you hear that?" dans son micro après les différents passages instrumentaux, le frontman est plus que ravi de partager la scène avec de tels camarades, et ne manque jamais d'occasions de le faire voir. Contrairement au Hellfest où l'on sentait une ambiance plus fade, aseptisée, ici la complicité est constante, et le chanteur passe son temps à aller solliciter ses acolytes. Ses jeux de provocations, allant du simple combat de regards au fait d'aller jouer des parties graves aux claviers durant les solos de "Lines In The Sand" créent une alchimie certaine, qui prend effet avec l'humour dont il fait preuve à chaque intervention. Mais n'allons pas croire qu'il s'agit là du "petit chanteur au milieu des grands musiciens", loin de là. Légende toute égale et rare rescapé des vocalistes heavy 80's ayant conservé puissance et justesse, Jeff Scott Soto est vocalement irréprochable. On apprécie ou pas son timbre heavy metal et sa pose de voix tape-à-l'oeil, mais impossible de lui reprocher des quelconques faiblesses.

Ainsi, pour remplir le set au-delà de l'unique album des Sons Of Apollo, des reprises. De Dream Theater évidemment (quel plaisir d'entendre "Just Let Me Breathe" !) et du Van Halen avec "And The Cradle Will Rock" faisant écho au "Eruption" joué plus tôt. Et au milieu de tout ça, un pour moment de grâce. En effet, après un passage vocal où Soto utilisera son delay pour créer un canon avec lui même, jouant de son étendue vocale (démonstration technique, également?) mais sans en faire trop, et dédiant le moment à Freddie Mercury avant d'entonner "Save Me". Et qu'il se rassure, l'hommage est complet, l'honneur sauf, l'émotion est à son comble, les fans sont de la partie, on sent qu'ici, beaucoup iront voir Bohemian Rhapsody en fin de mois.

Sons of Apollo a prouvé quelque chose ce soir. Que la formation est plus forte que jamais, balayant tous les doutes émis lors de sa prestation en festival, mais aussi que quel que soit le niveau, l'envie de montrer qui on est, on peut le faire avec amusement et légèreté. On espère que la formation nous reviendra vite avec un nouvel album, et qu'elle passera le statut de groupe éphémère, ce qui est souvent le cas. On quitte ceux à qui toute musicalité semble trop facile sur "Happy Trails", toujours de Van Halen. Et après tout, quand on est sur scène avec le bassiste qui a accompagné les débuts de carrière solo de Maître David Lee Roth, pourquoi s'en priver?

Photos : Rodolphe Goupil. Toute reproduction interdite.



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