Deux ans après la sortie de leur dernier album, Monstereophonic (Theaterror vs. Demonarchy), les finlandais de Lordi sont revenus en force en mai dernier avec leur nouvel album très controversé Sexorcism. Mr Lordi et sa joyeuse bande monstrueuse vont investir le Petit Bain à Paris pour un spectacle qui se veut toujours plus hard toujours plus rock et toujours plus choc.
Tout dumoins, c’est ce qui es attendu par les fans qui sont très nombreux. En effet, le concert se joue à guichet fermé et on a hâte de voir si le show sera aussi sujet à controverse que ne l’a été le dernier album et les thématiques abordées.
Alors que la salle du Petit Bain est déjà bien pleine, prête à accueillir le premier groupe. Malheureusement les finlandais d'Egokills annoncent qu’ils ne pourront pas assurer la première partie. Nous n'entendrons donc pas la musique hippie metal des nordiques.
Le public semble conciliant, et cela laisse un peu plus de temps aux retardataires d’arriver ou aux accrocs du shopping de faire un tour au stand de merchandising. Toutefois faut-il espérer que les autres musiciens rehausseront le niveau de l’ambiance qui n’attend que de décoller.
SILVER DUST
Les suisses ont sorti un nouvel album le 20 avril dernier, House 21, qui a fait un carton. On note entre autre la participation de Mr Lordi sur le titre « Bette Davis Eyes ». C’est donc sans surprise que Silver Dust a rejoint le Sextourcism. Précision étant ici faite que Silver Dust avait déjà eu l’honneur deux ans auparavant de faire une tournée européenne aux côtés de Lordi.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas les helvètes, imaginez une bande de quatre zikos tout droit sortis d’un univers à la Tim Burton avec un look steampunk : goggles, hauts de forme et redingotes sont de rigueur. C’est avec une introduction instrumentale que le groupe démarre le set en nous plongeant dans une ambiance lugubre et atmosphérique. Soudain, les orchestrations se font entendre et la voix lyrique du chanteur, Lord Campbell, s’élève dans la salle. Un écran numérique fait défiler des images poétiques allant des racines de l’arbre se propageant sous la terre à une fumée éthérée qui s’évapore.
Avec un chant clair, haut perché, et un son qui se veut heavy, rock et dark, on est porté par la musique dès les premières notes. La richesse des influences des chansons ne permet pas de classer ces morceaux dans un style unique, ou simplement hybride. On entendra autant du metal atmosphérique que de l’électro dark gothique ou encore un chant lyrico-symphonique. Vous ajoutez à ce gloubiboulga musical un sens de la mise en scène façon Avatar et vous obtenez un cocktail détonnant prénommé Silver Dust.
Dans une salle pleine à craquer, les Suisses transportent les spectateurs avec des riffs énergiques, une rythmique jouée d’une main de maître le tout accompagné d’un chant mélancolique et profond. Ils s’adresseront régulièrement au public (étant francophones, cela aide à la communication) en se permettant même des petites blagues sur le statut de la France, dernièrement classée championne du monde de football. Ils ne manquent pas d’humour, ce qui leur sera bien utile au moment de faire face à la panne technique que « Seb » aura tôt fait de vite réparer sous les acclamations du public.
Ce public est conquis par les titres de Silver Dust : qu’il s’agisse du contexte théâtral - victorien, des refrains épiques catchy, ou des passages metal - horrifiques à ceux plus électros. Le duo clavier - guitare qui reprend la « Toccata et Fugue en Ré Mineur » de Bach constituera l’un des moments les plus forts du set. Un autre titre phare qui est acclamé par le public est bien évidemment « Bette Davis Eyes » en featuring avec Mr Lordi qui apparaît sur l’écran.
Le talent du groupe et le charisme de Lord Campbell nous scotchent sur place. Le frontman prendra le temps de présenter chacun des membres du groupe, notamment le batteur Magma qui a rejoint la formation tout récemment. Nous aurons par ailleurs l’immense plaisir d’entendre plus de compositions du groupe que prévu en raison du désistement d’Egokills.
Après cette mise en bouche énergique et accrocheuse, la température est montée d’un coup dans la salle. Lordi a eu raison de faire une nouvelle fois confiance aux Helvètes avec cette première partie dont les spectateurs se sont littéralement épris. Le public est à point pour accueillir les monstres Finlandais et ce ne sont pas les quarante-cinq minutes d’attente qui vont ternir l’ambiance.
Setlist :
The Unknown Soldier
House 21
Dette Davis Eyes(Feat. Mr Lordi)
Forever
La La La La
The Witches Dance
LORDI
Face à une arche surmontée de trois crânes à pics et deux portes-micros (l’un entouré de bandelettes, comme momifié, et l’autre constitué de maillons géants), on cherche du regard les créatures horrifiques. Soudain, l’obscurité s’installe et les riffs de « God Of Thunder » de Kiss se font entendre.
On discerne le son d’un clocher et dès les premières notes, les fans hurlent de joie reconnaissant le titre éponyme du dernier album de Lordi. En commençant par « Sexorcism », ils annoncent direct la couleur: le onzième opus est mis en avant. Ce soir on est là pour mettre les pieds dans le plat ! Un plat de rock, de dérangeant, de litigieux, de sexe, de religion et d’horreur. Une jeune femme arborant le visage monstrueux de Mr Lordi est au centre de la scène, attachée à une chaise. Elle dodeline de la tête, tantôt secouée de spasmes, tantôt maîtrisée par le chanteur. Elle semble dépourvue de ses moyens, comme possédée…
On apprécie cette personnification de l’effigie du cover-art de Sexorcism, mais connaissant le goût prononcé du groupe pour la mise en scène théâtrale, cela n’a rien d’étonnant. Mr Lordi finira par recouvrir sa victime d’un drap avant que celle-ci ne disparaisse derrière l’arche.
Si Lordi manifeste clairement sa volonté de mettre les nouveaux titres à l’honneur, il ne fera pas pour autant l’impasse sur ses anciens succès. Aussi, les spectateurs auront le plaisir d’entendre les morceaux cultes à l’instar de « Would You Love a Monsterman? », « Who's Your Daddy? » ou encore « Devil Is a Loser ».
Ca bouillonne dans le public, ça déborde même ! Tout le monde saute, chante ou tape du pied. Et pourtant Mr Lordi ne semble pas satisfait et fait signe comme quoi il veut nous entendre plus fort. Le frontman enchaînera les tortillements de langues, les rictus hideux et invectives à l’attention du public. Il ne manquera pas d’humour en prononçant quelques mots de français et en soulignant la chaleur insoutenable dans notre pays. Ce qui n’est pas surprenant lorsqu’on commence une tournée avec des températures négatives et qu’on arrive en plein été indien!
Il taquinera également ses auditeurs en annonçant une chanson qu’ils n’ont pas jouée depuis de nombreuses années: démarrant avec les notes de ce qui semble être « This Is Heavy Metal » qui sont acclamées par la foule, le morceau s’arrête net. Le showman indique que ce n’est pas le titre dont il parlait. Après quelques rires jaunes, le groupe enchaîne avec « Missing Miss Charlene ». Les bras s’élèvent pour se balancer en rythme formant une vague humaine. Une marionnette de femme à boucles blondes vêtue d’un drap blanc surgira tout à coup de l’arche pour en repartir aussitôt. Miss Charlene est revenue d’entre les monstres !
Les surprises scéniques ne s’arrêteront pas là. On pourra voir un prêtre géant venu tenter d’exorciser Mr Lordi sur « Your Tongue's Got the Cat » avant se s’agenouiller devant le frontman pour lui faire une petite gâterie (à tout le moins en mimer le mouvement). Personne ne soumet Mr Lordi, on se soumet à lui ! On remarquera que les Finlandais respectent les thématiques du dernier album: sexe et religion. On pourra également avoir la satisfaction de voir Mr Lordi muni d’une scie circulaire en train de découper le micro momifié.
Outre ces scénographies horrifico-grotesques, il y a une vraie recherche dans la disposition des musiciens. On observe par exemple que le bassiste Ox, sera placé devant le micro aux maillons faisant un rappel avec l’anneau qui pend à son nez. Ou plutôt à son museau de minotaure démoniaque. Amen, momie malfaisante, sera lui devant le micro momifié.
Les détails de costumes de Mr Lordi forcent également l’admiration. Qu’il s’agisse de la cape à paillettes noires, de la casquette de policier sur « Rock Police » ou du bonnet de nuit et du sac de sable sur « Blood Red Handman », le leader sait soigner sa présentation pour un visuel percutant.
Il convient de souligner que le groupe a tenté d’interpréter des titres extraits de l’ensemble de sa discographie. Ne se contentant pas de jouer les nouvelles chansons, il repassera par les premiers albums comme Get Heavy, The Monsterican Dream, The Apocalypse, ou encore les plus récents tels que Babez For Breakfast, To Beast or Nor To Beast, ou Scare Force One pour n’en citer que quelques-uns.
On n’arrête plus le public qui est en effervescence. On se sent comme au milieu d’une immense fourmilière qui aurait pris feu et qui ne cesse de s’agiter. Il faut dire que les prestations des Finlandais encouragent la folie ambiante. Si Lordi a pu faire dans un registre comique saugrenu frisant le mauvais goût, il passera également par le gore et le sanglant. On cite par exemple une nonne de passage sur scène qui se verra asséner un formidable coup de poing par Ox. Se retournant vers le public sous l’effet de l’uppercut, on la verra cracher du sang et une ou deux dents au passage.
En-dehors du visuel et du jeu de scène, le son est d’une qualité indéniable et le groupe est en place musicalement. C’est propre et carré. Les riffs lourds et acérés accompagnés d’orchestrations caractéristiques de la musique de Lordi sont bien présents. Les parties instrumentales sont toujours aussi oppressantes et glauques. Mr Lordi nous ravira pendant une heure et demi de sa voix caverneuse et mélodique.
En résumé, tant en ce qui concerne le plan scénique que les performances musicales, c’est un sans faute pour les Finlandais ! Le passage d’une slameuse venue sur scène chanter aux cotés du frontman en est une illustration parfaite. Le rappel avec « Hard Rock Hallelujah » sera l’apogée de ce show exceptionnel qui termine en beauté sous une pluie de confettis.
Loin de se reposer sur les lauriers de l'Eurovision, gagné il y a maintenant douze ans, Lordi nous a offert un véritable spectacle à la hauteur de nos attentes. Si auparavant on déplorait le public trop peu nombreux au vu de l’incroyable prestation des monstres, aujourd’hui on regrette que les musiciens n’aient pas opté pour une salle plus grande qui offrirait plus de confort et de visibilité.
Setlist :
Sexorcism
Would You Love a Monsterman?
Missing Miss Charlene
Your Tongue's Got the Cat
Drum Solo
Blood Red Sandman
It Snows in Hell
Keyboard Solo
She's a Demon
Naked in My Cellar
Rock Police
Bass Solo
Hug You Hardcore
SCG9: The Documented Phenomenon
The Riff
Guitar Solo
Who's Your Daddy?
RAPPEL
Devil Is a Loser
Hard Rock Hallelujah
Un grand merci à Cat du webzine Vacarm (www.vacarm.net) pour les photos
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