Avec désormais six albums et deux EP à son actif, des tournées aux quatre coins de l’hexagone et même de l’Europe, Gorod aujourd’hui n’a plus rien à prouver. A Maze of Recycled Creeds achevait de donner ses lettres de noblesses au combo bordelais avec un style vraiment personnel, tandis que Kiss the Freak mettait une fois de plus en évidence la facilité du groupe à varier les genres (après le jazz sur Transcendence, le deuxième EP de Gorod abordait le thrash). Avec Aethra, Gorod combine toutes ces qualités et va encore plus loin en s’ouvrant vers un death plus mélodique mais en s’affirmant toujours plus comme le groupe incontournable du metal extrême en France.
Comme son magnifique artwork, Aethra fourmille d’idées et de plans que l’auditeur prend plaisir à découvrir et redécouvrir au fil des écoutes. Qu’il s’agisse des parties vocales toujours plus chantées (presques claires) que growlées de Julien Deyres (le refrain du titre éponyme ou celui de « The Sentry »), ou encore des plans shred de Nicolas Alberny et Matthieu Pascal (« Bekhten », « And the Moon Turned Black »), chaque titre recèle de petits éléments qui enrichissent encore la musique du groupe. Et pourtant, le style de Gorod sonne toujours de manière familière, avec ce groove amené par les interactions entre la basse de Barby et la batterie de Karol Diers, comme sur l’introduction de « Aethra » par exemple, où le groupe laisse les ambiances s’installer sans foncer pied au plancher.
Nous l’avons déjà souligné, la mélodie est présente en grande partie dans le chant de Julien, mais également dans les parties de guitare qui, si elles donneront du fil à retordre aux musiciens souhaitant les reproduire (l’introduction de « Chandra and the Maiden » possède un feeling très jazz prog), restent pourtant un bel exemple d’harmonie et de contrepoint (le pont aérien du titre sus-nommé par exemple). Attention, plus mélodique ne signifie pas pour autant que Gorod s’assagit et délaisse le death metal technique qui l’a popularisé, certaines parties rappelant parfois Leading Vision (« The Sentry ») voire les Canadiens de Beyond Creation (« Hina ») avec la patte Gorod. On retrouve même quelques passages blastés relativement rapides sur « A Light Unseen » et « Goddess of Dirt », deux titres qui seront à n'en pas doutés particulièrement éprouvants pour la pieuvre Karol Diers en live.
Finalement, une fois la surprise des premières écoutes passée, l'album regorge de titres tous plus accrocheurs les uns que les autres : sans exhaustivité, citons entre autre « Aethra » et « Chandra and the Maiden » pour leur côté jazz rock prononcé, « Hina », Bekhten » pour l'aspect technique et progressif qui n'oublie pas la mélodie et surtout « And the Moon Turned Black » dont le solo à 2:30 est dans la droite lignée de celui de « From Passion to Holiness » (A Maze of Recycled Creeds). Seul « Goddess of Dirt » est en deça du reste de l'album puisque ce titre reste relativement classique et aurait finalement plus eu sa place sur Leading Vision ou Process of a New Decline que sur ce nouvel effort.
Avec Aethra, Gorod semble prendre un malin plaisir à brouiller les cartes et à surprendre encore, là où les Bordelais auraient pu se contenter du minimum syndical en proposant une musique très proche de A Maze of Recycled Creeds et A Perfect Absolution. Mais l’évolution et la prise de risque semblent être dans les gènes de Matthieu Pascal, qui signe encore l’intégralité des compositions et semble avoir trouvé la formule magique pour accoucher de titres à la fois efficaces et techniques. Ajoutons à cela un mix et un mastering exemplaire, ainsi qu'un artwork fouillé et sublime, preuve en est que Gorod soigne chaque détail de ses sorties discographiques, pour faire de ce Aethra une excellente cuvée, à la hauteur de ses prédecesseurs sans aucun soucis.
Note : 8,5/10
Sorti le 19/10/2018 chez Overpowered Records
Crédits photos : © Droits réservés Gorod / Overpowered Records