The Color Before The Sun était une respiration bienvenue pour Coheed And Cambria. Plus pop et accessible, ce disque, malgré les réserves qu'il a pu susciter ici et là, s'est révélé une véritable bouffée d'air frais, essentielle pour ne pas enfermer le groupe dans son concept. Cette parenthèse se referme avec The Unheavenly Creatures, un nouvel opus qui marque le retour du concept cher à Claudio Sanchez, The Amory Wars.
Soyons francs, cette saga de science fiction, elle-même tirée des bandes dessinées du chanteur et développée au fil des albums (chacun d'entre eux raconte un chapitre) laisse sur la touche une majorité d'auditeurs, qui préfèrent se concentrer sur la musique. Quinze titres pour une durée totale d'1h20 : les New-Yorkais ont été ambitieux. Cette durée marque-t-elle définitivement le retour au prog' pour la bande?
Et bien, oui et non. Après une introduction calme, dominée majoritairement par quelques notes de piano et bruitages, les sept minutes de "The Dark Sentencer" sonnent comme un mix entre cette période et la dimension pop que le quartet développe ces dernières années. "Black Sunday" est même scindée en deux parties, une première assez sombre et progressive, une autre beaucoup plus lumineuse et renvoyant à cette notion d'accessibilité. Un titre peu évident à appréhender, tout comme dans une moindre mesure "Night Time Walkers", aux synthés futuristes pour le coup clairement typées sci-fi.
"Queen Of The Dark" prend quant à elle le contre-pied évident de ce que faisait le groupe sur son précédent album. Sombre, torturée (le chant hypnotique y est pour beaucoup), cette pièce à la lente montée en puissance figure en bonne place au sein de la liste des réussites de ce huitième opus. "The Gutter" ou "It Walks Among Us" la rejoignent aisément, alliant parfaitement la complexité musicale des Américains et le sens de l'accroche. "The Pavilion (A Long Way Back)" ajoute quant à elle une dimension épique et profonde, rappelant alors le diptyque Afterman.
Des moments comme "Toys", "Old Flames", ou encore "All On Fire" portent très clairement les traces du prédécesseur direct d'Unheavenly Creatures. "Love Protocol" est l'éclatante preuve que cette orientation peut amener d'excellents résultats : ce morceau, ouvertement pop mais non dénué de puissance, est l'un des sommets du recueil. Ces guitares étouffées et sautillantes débouchant sur un refrain immédiatement mémorisable font de cette chanson mélancolique un excellent moment.
La bande a cette fois-ci opté pour l'auto-production. Très correct, le son d'Unheavenly Creatures aurait toutefois mérité un peu plus de lourdeur, afin d'augmenter la force de frappe d'une composition comme "True Ugly", aux tics vocaux par ailleurs quelques peu irritants - "pam pam pam bam bam bam bang bang..." non, ce n'était vraiment pas la peine – et que l'on retrouve également plus loin sur "Old Flames", sous la forme cette fois de "na-na-na" ayant de quoi laisser circonspect. La batterie de Joshua Eppard semble légèrement en retrait par rapport au reste, tandis que les guitares de Travis Stever se taillent la part du lion (en excluant le chant, clairement prédominant dans le mix).
Le principal reproche que l'on pourrait faire à Coheed And Cambria sur cette nouvelle sortie est d'avoir été trop gourmand : le disque aurait certainement gagné en impact avec quelques titres en moins, qui parasitent l'attention de l'auditeur. Certaines longueurs au sein même des morceaux s'avèrent aussi préjudiciables, renforçant un sentiment de monotonie sur la seconde partie de l'ensemble.
Plusieurs écoutes attentives seront donc nécessaires afin d'appréhender à sa juste valeur The Unheavenly Creatures, un opus exigeant (clairement, ne passez pas l'aspirateur en même temps) et parfois maladroit. Chacun fera le tri, laissera de côté une chanson ou deux afin de ne pas lâcher le groupe en cours de route et de ne garder que le bon : alors se révèle un disque touchant, réalisé par des musiciens d'une grande sincérité.