Sam Carter et Ali Dean d’Architects

21 août 2016. L'annonce du décès de Tom Searle, fondateur d'Architects  tombait, remplissant d'une tristesse infinie tous ceux qui avaient pu le cotoyer de près ou de loin. Depuis, les Anglais sont passés par toutes les émotions et ont fini par se hisser au top de leur genre, aux côtés de Parkway Drive après une tournée où la vie et la musique de Tom ont été solenellement célébrées. Deux ans après la tragédie, un nouvel album Holy Hell va finalement voir le jour et Sam et Ali nous ont très gentiment donné de leur temps pour en parler en toute franchise et avec une bonne dose d'humour.

L’histoire d’Architects a été plus que mouvementée ces deux dernières années. Quand avez-vous pris la décision d’écrire et enregistrer un nouvel album ?

Sam : C’était dans l’air depuis longtemps. Avec tout ce qui s’est passé, on n’était pas certain de pouvoir le faire mais on en avait envie. Un mois après notre tournée européenne fin 2016, Josh (Middleton) nous a envoyé quelques chansons et c’est la première fois qu’on a compris que le nouvel album pourrait se faire. A partir de là, on s’en est occupé de façon plutôt discrète pour entrer en studio, enregistrer, et nous voilà. La tournée de 2016 en général nous a permis de retrouver cette vibe et de construire une complicité avec Josh.

Vous avez sorti le single « Doomsday » il y a à peu près un an…

Sam : Ah c’est vraiment une super chanson pas vrai ?

Oui bien sûr (rires). Pourquoi sortir une seule chanson à ce moment là ? Vous étiez anxieux du retour des fans sur ce titre ?

Ali : On n’avait pas d’album à l’époque. On s’est dit qu’on allait commencer par une chanson seulement. C’était notre première expérience en studio sans Tom et avec Josh et on l’a enregistré au studio Middlefarm, un super endroit. On voulait aussi tester le lieu pour savoir si on y reviendrait pour faire l’album et c’est ce qui s’est passé. Et par dessus tout, montrer au gens qu’on pouvait toujours être un groupe après tout ce qui nous est arrivés. On était très anxieux au moment de la sortir mais les gens ont été vraiment gentil dans leurs commentaires.

Sam : On adore sortir des trucs de nulle part sans aucune annonce. C’était stressant mais la réponse des gens a été très émouvante, ça nous a vraiment donné le boost qu’il nous fallait pour retourner en studio et finir l’album.
 


Evidemment, Tom était une présence importante en studio. Comment vous avez procédé pour combler son absence et faire un album sans lui ?

Ali : Comme tu dis, pour les deux derniers albums Tom était le pilote principal de l’enregistrement. Il était impliqué dans toutes les étapes du processus. Son absence se ressentait en permanence, ce n’était pas la même atmosphère. Dan a fait un boulot incroyable pour reprendre son rôle et Josh a fait de son mieux pour s’intégrer au processus. Parfois, ça a été compliqué de tout faire coller ensemble, car il a dû s’adapter. Dans Sylosis, il fait tout lui-même et là c’était un rôle nouveau pour lui. Pour nous tous, c’était parfois un peu étrange mais on y est arrivés au final.

Dans l’album précédént, on trouvait une chanson plus longue que vos standards habituels, « Memento Mori ». Vous ne l’avez pas refait sur cet album, il y a une raison ?

Sam : La chanson que tu cites est particulière, c’est une sorte de voyage en elle-même, une pièce à part dans notre discographie. C’était un ambitieux projet de Tom et il avait derrière lui l’expérience d’avoir enregistré un tas d’album pour le réussir. Pour nous, ce serait étrange de faire d’autres chansons sur ce modèle, ça ferait perdre son caractère unique à « Memento Mori ». Ca restera une pièce à part dans notre discographie et je ne pense pas qu’on la joue jamais en entier en live. En revanche sur cet album la première chanson « Death is not a Defeat » est la réponse de Dan à Tom sur « Memento Mori ». Les deux chansons se répondent et c’est plutôt cool.

A l’opposé, vous avez composé une chanson de moins de deux minutes. Pourquoi une composition si courte ?

Sam : Tu sais, l’album parle beaucoup du deuil et dans cette chanson on évoque l’un des passages du deuil : la colère et la frustration. Ce titre résume bien ce sentiment, c’est une chanson assez horrible et agressive. Pour moi elle sonne un peu comme Decapitated. Dans le groupe, on est tous fans de metal extrême, black et death… Ce sont nos racines et c’était marrant de faire une chanson un peu dégoutante qui rappelle ces styles. Pour moi, c’est aussi cool d’avoir une chanson aussi rapide.

Ali : Comme "Nihilist" sur le dernier disque. Ça permet d’avoir un peu de diversité sur l’album entier. On espère que ce titre va un peu prendre les gens par surprise et les prendre à la gorge.

Architects, Holy Hell, 2018

L’artwork du disque et même celui de la tournée ne change pas beaucoup par rapport à All Our Gods Have Abandoned Us. Pourquoi ce choix ?

Ali : L’auteur des visuels est Dan Hillier, un artiste de Brighton qu’on adore. On voulait travailler avec lui depuis longtemps, Tom en particulier. On avait déjà envisagé l’idée mais ça n’avait pas pu se faire donc cette fois on s’y est pris tôt pour être sûr de l’avoir. Ça a quand même pris des mois de discussions entre notre Dan et Dan Hillier pour qu’il ait bien les thèmes et les paroles en tête et il nous a envoyé plusieurs idées. On a été emballé immédiatement par ses productions.

Sam : On est d’immenses fans de Dan Hillier, comme énormément de gens de Brighton d’ailleurs. Tu sais, pas mal de gens là-bas ont une pièce à lui dans leur maison.

Ali : Visuellement, la cover est un peu similaire à All Our Gods, ce n’est pas intentionnel. C’est ce que Dan Hillier voulait faire.

Sam : On adore juste être lugubre. (rires)

Quelle est la prochaine étape pour vous une fois l’album sorti ? Des tournées incessantes comme sur le dernier cycle ou un peu plus de pauses ?

Sam : Non, on est prêts à partir. On a des tournées qui commencent à se booker partout dans le monde. On est un groupe qui écrit des albums pour partir en tournée, c’est notre raison d’exister. On adore jouer surtout maintenant vu le niveau qu’on a atteint et la production qu’on peut se permettre. On a vraiment hâte de porter l’album sur scène et de voir ce que les chansons signifient pour les gens qui vont les écouter. C’est ce qui fait le plus chaud au cœur, entendre les gens chanter les paroles et résonner avec toi. Il y a certains titres de ce nouvel album que j’ai vraiment hâte de jouer.

Lesquels ?

Sam : J’ai vraiment hâte de jouer « Hereafter ». Surtout ce fameux breakdown (rires). Le dernier breakdown de « Royal Beggars » aussi. Et toi Ali ?

Ali : « Royals Beggars » va être drôle. Il y a pas mal de parties électro qu’on va devoir essayer de retranscrire en live.

A ce propos, j’ai vu dans le clip que c’était toi qui t’occupais de ces parties au clavier. En live aussi ?

Ali : Effectivement, sur les dernières tournées on avait un petit clavier sur scène pour que j’en joue et Dan a aussi pas mal de pads électroniques sur sa batterie. Ces éléments ont encore pris plus de place sur cet album donc ils prendront aussi de l’importance en live.



Qu’est ce qu’on est en droit d’attendre de la tournée et des deux dates que vous allez faire en France ?

Ali : Plein de nouvelles chansons d’Architects.

Sam : La production sera un cran au-dessus de ce qu’on a pu faire avant. On travaille là-dessus en ce moment-même. On va jouer à l’Olympia à Paris qui est une salle très célèbre et on adore aussi la salle à Lyon, le Transbordeur, on l’a fait plusieurs fois.

Ali : Tu verras aussi Beartooth et Polaris, qui sont deux excellents groupes.

Sam : On adore jouer en France et visiter de nouveau coins dans le pays. Je pense que pas mal de groupes ne font que Paris et on est assez inspirés par des groupes comme Gojira qui font des tournées de deux semaines en France. On ne savait pas que c’était possible. On aime jouer dans des petites villes entre les festivals.

Ali avec beaucoup de difficulté : « Orléans », « Clermont-Ferrand » (rires). Il y en a d’autres. On a joué dans des endroits assez bizarres en France.

Il y a beaucoup d’endroits assez bizarres en France (rires).

Ali : Oui c’est sûr, on a déjà eu des shows assez étranges mais les villes sont généralement magnifiques. Ça valait le coup à chaque fois.

La dernière fois que je vous ai vu à Paris, Sam tu t’es presque battu avec un des types de la sécurité de la Cigale. Tu t’en souviens ?

Sam : Je m’en souviens. En fait, je l’ai vu frapper un type qui venait d’arriver en slammant et je suis descendu pour lui expliquer ce que j’en pensais. C’était la première fois qu’on revenait à Paris après les attaques du Bataclan et je ressentais beaucoup de respect et d’amour pour le public pour être venu malgré tout. J’étais surpris de voir le nombre de gens et je venais juste de faire un speech sur le respect qu’on avait pour les Parisiens de ne pas abandonner les salles de concerts. Et là je vois ce type frapper un crowdsurfer, ça m’a vraiment énervé.  Mais bon, je n’allais pas me battre de toute façon une fois dans le pit photo je me suis aperçu que le type faisait deux têtes de plus que moi. (rires) Heureusement, le tour manager de Parkway Drive a pris la situation en main et a demandé à la salle de faire sortir le garde.



L’apothéose de votre dernière tournée était ce concert incroyable à l’Alexandra Palace de Londres, avec dix milles personnes dans la fosse. Comment vous vous sentiez avant de monter sur scène et une fois que vous avez eu cette vision d’autant de gens venus juste pour vous voir ?

Ali : Sans te mentir, avant le concert on a ressenti une terreur pure.

Sam : Une terreur pure mixée avec pas mal de tequila avant de monter sur scène.

Ali : C’est marrant car on ne ressent plus tant que ça le trac d’avant concert maintenant, on a fait pas mal de gros festivals et on a une expérience qui nous fait aborder ça sereinement. Genre « Cool, il y a du monde on va s’éclater. » Là c’était complètement différent. On se pissait dessus. Ça nous a pris une bonne partie du set pour réaliser où on était et être capable d’apprécier le moment.

Sam : A un moment tu as un rush d’adrénaline, en tout cas c’est ce que j’ai ressenti. Il y a 10 000 personnes qui hurlent « You fucking pigs », c’est complètement fou. Tu sors de là lessivé et tu te dis « C’est quoi la suite ? » Et là, la suite c’est Wembley et c’est encore pire (rires).

Ali : Avant de monter sur scène à Wembley, j’espère qu’on pourra regarder en arrière vers ce show à l’Alexandra Palace et l’aborder de façon plus sereine. C’est un show qu’on oubliera jamais.

Ça fait quelques années que vous ne jouez plus beaucoup de titres d’avant Lost Forever // Lost Together. Je pense notamment à Hollow Crown que beaucoup de fans adorent. Est-ce que cet album est définitivement blacklisté de la setlist ?

Ali : Certaines chansons sont blacklistées oui. Mais certaines pourraient très bien refaire leur apparition ici ou là.

Sam : On aime bien jouer quelques vieilles chansons pour les gens qui nous aiment depuis longtemps. Mais la vérité c’est que très peu de gens qui viennent nous voir connaissent les chansons d’Hollow Crown, donc c’est difficile (rires). Sur la dernière tournée on a sorti « Black Blood » et « Alpha Omega » et on refera sûrement ce type d’ajouts dans le futur.

Ali : Mais pour « Black Blood » par exemple, on avait parfois l’impression qu’une bonne partie de la salle pensait « Qu’est ce que c’est que ça ? J’ai jamais entendu cette chanson de ma vie. » C’est compliqué car on aimerait montrer notre gratitude aux gens qui nous suivent depuis très longtemps.

Sam : On est devenus trop populaires. Désolé. (rires)
 


Sam, il t’arrive souvent d’apparaître en guests sur des chansons d’autres groupes mais Architects n’a pas eu de featurings depuis Murray de the Xcerts sur « Youth is Wasted on the Young » (2014). Le nouvel album n’en comporte pas non plus, pourquoi ?

Sam : Je pense qu’Holy Hell est un album très personnel et on aurait voulu personne pour apparaître dessus à moins que ce soit quelqu’un de très proche. L’opportunité ne s’est pas présentée. On voulait le garder à 100% Architects. Sur All Our Gods aussi, rien dans ce sens ne s’est fait. A l’époque de Lost Forever, on voulait avoir Jesse de Stick To Your Guns sur « The Devil Is Near » mais on a manqué de temps pour le concrétiser. Je pense qu’un jour on aura Jesse sur une de nos chansons.

Les groupes de metalcore, Parkway Drive et vous en particulier avez gagné en popularité très rapidement ces dernières années jusqu’à jouer dans des salles immenses. Vous vous attendiez à un tel engouement ?

Ali : C’est fantastique de voir le nombre de gens qui aiment ce genre de musique.

Sam : En particulier, quand tu vois Parkway Drive être en tête d’affiche de festivals habituellement tournés vers le metal traditionnel, c’est super cool. Ça donne beaucoup d’espoirs à des groupes comme nous et des groupes plus jeunes.

Ali : Jusqu’à récemment, les têtes d’affiches du style étaient des groupes des années 80, il y avait peu de renouvellement. Maintenant on voit que des groupes de notre génération peuvent attirer les foules et c’est très positif. La taille des shows de Parkway, des notres sont des preuves et je rajouterais aussi Stick To Your Guns qui commence à avoir un public très nombreux, surtout en Europe. Il n’y a plus le plafond de verre qu’il pouvait y avoir avant pour les jeunes groupes.

Sam : Quand tu vas voir Parkway ou nous, tu ne vas pas voir du hard rock stéréotypé, juste une bande de potes comme toi et moi qui faisons de la musique. On n’est pas des rockstars dans ce genre musical et peu importe la taille des shows qu’on fait, on reste dans le même état d’esprit qu’au début.

Ali : Une chose important également, c’est que les gens peuvent voir la progression. Les gens nous ont vu dans des petites salles et voient comment on s’est développé. Ça doit inspirer les nouveaux groupes.

J’avoue que je suis un peu triste de ne pas vous avoir connu à l’époque où vous faisiez des salles intimistes.

Sam : Ne t’en fais pas, on était assez mauvais de toute façon (rires).

Photo par Ed Mason



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