C'est une foule à crête et blousons à patchs qui s'agglutine devant l'Espace Icare d'Issy-les-Moulineaux dans une ambiance bon enfant pour une soirée punk hardcore qui s'annonce rageuse et enflammée : le concert (qui affiche complet) du groupe légendaire Sick Of It All, dans le cadre des soirées du Réacteur à Issy. Le nouvel album des New Yorkais, Wake The Sleeping Dragon, est sorti le 2 novembre. Cette date est la première d'une série de 8 concerts en 9 jours (!) pour la sortie de ce nouvel opus.
Lugosi
Les Parisiens de Lugosi, qui entrent sur scène assez tôt, proposent un stoner bien lourd avec des screams plutôt punks de la part du chanteur Pieriv qui exprime de la rage et donne de sa personne dans une interprétation inspirée, parfois presque hallucinée. Il hurle, saute, se tord dans tous les sens, rampe sur la scène et descend même dans la fosse (qui n'est pas très basse avouons-le) pour hurler aux oreilles du public présent, qui n'est pas tellement réactif. La musique de Lugosi, pourtant intéressante, ne prend pas dans le public encore clairsemé. Il y a pourtant quelques beaux moments avec des breaks puissants, de la maîtrise de la part des guitaristes et du bassiste, des paroles poétiques déclamées en voix parlée, ou des refrains sonnant un peu à la Red Fang... malheureusement, le set n'est pas servi par la technique, le son étant assez mal équilibré (trop de basse, pas assez de voix... comme souvent) et ne permettant pas d'entrer en communion avec le sympathique quintette parisien.
Photos ©David Poulain
Worst Doubt
C'est au tour de Worst Doubt de venir réveiller Issy avec leur gros metalcore. Les musiciens sont énergiques sur scène, avec des headbangs synchronisés. Les jeux de lumières sont assez intéressants, et il y a plus de monde dans la fosse - un petit moshpit se forme même - et le public commence à montrer son enthousiasme. Les guitares sont lourdes, les riffs énormes, tandis que le chanteur alterne screams et phrasé punk hardcore. Le problème, c'est que son micro est mal réglé, grésille en permanence et qu'il est très difficile de comprendre ce qu'il chante, voire même ce qu'il dit entre les chansons... dommage. Un set pas très original mais bien efficace malgré les problèmes techniques.
Photos ©David Poulain
Sick Of It All
Il fait une chaleur d'enfer dans la salle ; les réglages prennent du temps, le public patiente devant le drap représentant le dragon-King Kong de la pochette du dernier album de Sick Of It All, Wake The Sleeping Dragon. Il y a beaucoup de T-shirts à l'effigie du groupe dans la foule - foule assez variée d'ailleurs, avec une moyenne d'âge qui montre que certains doivent connaître le groupe depuis ses débuts il y a une trentaine d'années ! Il y a aussi des jeunes, des groupes d'amis, quelques enfants même. Tout semble tranquille …
… puis les lumières s'éteignent. A la seconde où les quatre musiciens se ruent sur scène, arborant un énorme sourire, la salle est métamorphosée. Instantanément, le pit est littéralement en furie, pogotant de partout, sautant et hurlant. Un titre puissant issu du nouvel album, "Inner Vision", ouvre le concert en mettant tout le monde d'accord immédiatement : ça envoie du lourd, les musiciens sont précis et énergiques, et surtout le son est parfait, grâce au super travail des techniciens sans doute. C'est l'hystérie collective dès le deuxième titre lorsque le titre "Clobberin' Time" est entamé, puisqu'on fait un bon en arrière dans la carrière de Sick Of It All : voici un titre leur tout premier album sorti en 1989, intitulé Ô combien parfaitement Blood, Sweat, and No Tears [spoiler : il n'y aura pas vraiment de sang dans ce récit, mais presque]. La part belle est donnée à cet album puisque les Américains vont interpréter 4 titres de cet opus trentenaire dont le rugueux "World Full Of Hate" qui fera se déchaîner la foule tout en hurlant le refrain. Le public en redemande, savourant le set en beuglant les paroles de très nombreux titres, dont l'hymne "Take The Night Off" avec son refrain-défouloir parfait pour la soirée : « Let's celebrate like we don't give a fuck ! » . Les pogos s'enchaînent, plus survoltés les uns que les autres, des corps sautent et s'agitent violemment les uns sur les autres - enfin, surtout sur le petit groupe de photographes !!. [ David, le photographe pour ce live report, a d'ailleurs tout tenté pour rester près de la scène le plus lontemps possible, en vivant le moshpit de l'intérieur, avant de devoir laisser la place aux furieux dès le troisième titre ! Quel dévouement !]
Sur scène, les quatre compères explosent littéralement de charisme et d'énergie. Quel âge ont-ils ? Une vingtaine d'années, à les voir s'agiter, rigoler et manier leurs instruments avec passion. Ils ont la banane, et même la pêche pour un groupe qui a trente ans de carrière ! Les crowdsurfers s'éclatent, montent sur la scène avec les musiciens avant de se jeter dans le public. L'ambiance est fébrile avec le gros son punk hardcore de Sick Of It All : l'acoustique est excellente, le chant est (enfin!) très audible et on se prend les gros riffs de guitare de Pete Koller dans les oreilles, avec toujours des refrains entraînants et fédérateurs que le public, conquis, entame en choeur, généralement le majeur en l'air. Les cris de Lou Koller sont énormes, la basse de Craig Setari magistrale. L'ensemble est rythmé, ils envoient du lourd du début à la fin, sur des anciens titres comme sur des plus récents. Après des titres assez anciens comme "My Life" ou "Call To Arms", retentit l'excellent "That Crazy White Boy Shit", dernier single plus rythmé que jamais, mené par le batteur Armand Majidi qui ne quittera jamais son air ravi tout en assénant de méchantes lignes rythmiques, et le public semble en redemander.
Lou Koller célèbre cette soirée en échangeant souvent avec la foule, soit en disant quelques (gros) mots en français, ou même en faisant un sondage qui confirme mes impressions du début : la majorité des furieux du public n'en sont pas à leur premier concert de Sick Of It All, comme le prouvent les dizaines de crowdsurfers qui beuglent les paroles des chansons, en transe, tout en étant baladés en l'air par une armée de bras bienveillants. La dernière chanson annoncée, "Step Down", est reprise en choeur par le public. Plein de gens montent sur scène. Après un set (assez court) d'une heure, le concert touche à sa fin. Les musiciens saluent, les lumières se rallument... mais ils prennent encore le temps de saluer le public en allant serrer des mains, signer des autographes ou prendre des photos tout en échangeant quelques mots avec leurs fans. Quelle classe, et quelle simplicité !
Clairement, le punk n'est pas mort. Le personnel de la salle Icare d'Issy Les Moulineaux peut en témoigner : un élan ravageur a tout balayé sur son passage. Dans ce sous-sol d'Issy, on a été transporté un moment dans une salle pas très propre du Queens de la fin des années 80 pour vivre une expérience forte en hurlements, en acouphènes et en (petits) hématomes... On en ressort sonné - parfois au sens propre comme David notre photographe - en nage, lessivé mais fort content. Avec ce set impressionnant, Sick Of It All a offert aux gens d'Issy le parfait défouloir du samedi soir, avant de repartir dans le froid et la grisaille.
Setlist Sick Of It All :
- Inner Vision
- Clobberin' Time
- Take The Night Off
- Injustice System
- My Life
- The Road Less Travelled
- Call To Arms
- That Crazy White Boy Shit
- Sanctuary
- Wake The Sleeping Dragon
- Let Go
- Good Lookin' Out
- Us vs. Them
- Cease Fire
- Machete
- World Full Of Hate
- Black Venom
- Busted
- Braveheart
- Scratch The Surface
- Step Down
Photographies ©David Poulain
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