Les gros bras du metalcore à l'Américaine All That Remains étaient de retour en France après une longue période d'absence, à l'occasion de la sortie de leur neuvième album Victim Of The New Disease. Une tournée de promo pas comme les autres, au goût de deuil et de résilience pour les gaillards du Massachusetts, endeuillés par le décès brutal il y a quelques semaines du guitariste et membre fondateur Oli Herbert.
Un curieux choix que la minuscule salle du Glazart pour un groupe à la longévité impressionnante, capable de remplir de grandes salles outre-Atlantique... et pourtant, victimes du calendrier, All That Remains n'attire ce soir qu'un public peu nombreux, mais heureusement dévoué, prêt à revisiter les vingt ans de carrière de la formation.
Point Mort
La micro salle du Glazart n'est pas très remplie lorsque les Parisiens de Point Mort investissent la scène. Quatre grands musiciens accompagnés d'une vocaliste aux cheveux longs tentent de prendre leurs marques dans l'espace très réduit et entament sans fioriture leur premier morceau... et le public n'est pas déçu : ils envoient du bois dès les premières notes, avec la lourdeur des instrumentations atmosphériques-hardcore et surtout le growl d'outre-tombe que la chanteuse Sam maîtrise à la perfection. Que ce soit sur la petite scène ou dans le public, le headbang est de mise. Les riffs acérés, le son puissant très atmosphérique et le post hardcore efficace porté par le chant guttural impressionnant résonnent dans le Glazart et emportent l'adhésion. L'un des guitaristes descend même dans le public pour pouvoir faire face à ses camarades et s'agiter à son aise sans risquer de les percuter (vous a-t-on déjà dit que la scène est minuscule?) .
L'ambiance sombre et énigmatique du set est complétée par de la fumée et de l'encens, on ne fait donc que distinguer le mince profil de la chanteuse, présence séduisante qui force l'admiration à chacun de ses cris (screams ou growls), qu'elle alterne avec des parties en chant clair - au début peu audibles, même si le son s'arrange en cours de set - et même des chuchotements. Elle finira d'ailleurs, lors du dernier morceau, avec des hurlements déchirants sans micro.
Même si certains passages instrumentaux beaucoup plus doux tendent vers le doom-sludge, le post metal que propose Point Mort est super groovy, violent par moments, et atmosphérique à souhait. Avec le scream hardcore magique et savamment dosé de Sam, une ligne rythmique impressionnante et le guitariste dans la fosse qui agite sa guitare, la première partie de ce soir a réussi à conquérir le public du Glazart et à le faire bien bouger. Le premier EP de Point Mort, Look At The Sky, est sorti en 2017.
All That Remains
Quelle expérience étrange de voir un groupe de vingt ans de carrière, fort d'un succès important notamment aux Etats-Unis, se produire sur la toute petite scène du Glazart, dans l'ambiance humide, froide et à vrai dire glauque du lieu, devant un parterre composé, soyons larges, d'une centaine de personnes. Pourquoi si peu de monde ? Plusieurs hypothèses sont envisageables : la longue période d'absence du groupe sur le sol français (huit ans depuis leur dernier passage) ; les derniers albums en date, notamment l'opus Madness, qui ont déçu de nombreux fans historiques et en ont éloigné beaucoup du groupe ; le fait que d'autres groupes d'importance jouent à Paris ce soir même (Bury Tomorrow au Petit Bain, ou Uncle Acid And The Deadbeats à la Maroquinerie, pour ne citer qu'eux) ; ou peut-être simplement qu'un dimanche soir froid et pluvieux n'a pas motivé les foules pour sortir visiter les environs du périphérique parisien... Toujours est-il que, même si les membres d'All That Remains sont déçus de voir comme la fosse est peu remplie, ils n'en montrent rien et vont délivrer un show énergique, coup de poing, beau moment de partage fiévreux avec leurs fans.
Les Américains ne sont pas venus pour s'amuser, et c'est remontés à bloc qu'ils entament leur set, muscles en avant et rage perceptible pour ce qui est du frontman Phil Labonte. Sur le premier titre, "Two Weeks", le son est assez étouffé, le chant peu audible, même si l'énergie est là. La section rythmique de Jason Costa à la batterie et d'Aaron Patrick, qui assure également les choeurs, à la basse, impose un tempo enlevé accentué par les riffs acérés des deux guitaristes, Mike Martin (hilare et interagissant volontiers avec ses camarades) et Jason Richardson, celui à qui revient la lourde de tâche de reprendre, sur cette tournée, la guitare solo à la place du regretté Oli Herbert. Jason, concentré, le visage fermé, fera le job de façon impeccable, avec des parties de shred et des solos magistralement exécutés.
Certes, la foule n'est pas très nombreuse, mais le public, compact et agité, ovationne les musiciens et entonne les refrains avec eux, sur le titres bien heavy, "Not Alone" ou "Chiron" par exemple. Il faut dire que le son est désormais mieux réglé (enfin, dans la limite des possibilités de la petite salle quasi déserte du Glazart qui a fait le choix discutable de laisser une porte grande ouverte sur l'extérieur non loin de la scène, histoire d'assurer une pneumonie à tout le monde et de ruiner toute tentative de jeu de lumières). L'énergie est palpable, le metal d'All That Remains accrocheur et efficace, la voix de Phil est forte et puissante, que ce soit pour les growls dans les couplets ou le chant clair dans les refrains. La casquette vissée sur la tête, le vocaliste arpente les quelques (centi)mètres de la scène, exhorte le public à chanter avec lui, à lever les mains et à bouger, interagit avec les fans et ses camarades sur scène, beaucoup plus expressif sur scène que par le passé.
L'inévitable moment d'émotion arrive lorsqu'est évoquée la mémoire du regretté Oli, avec le soin pour All That Remains de continuer à faire vivre sa musique ; c'est d'ailleurs l'occasion pour eux de jouer les deux singles du dernier album, Victim Of The New Disease, sorti le 9 novembre 2018. Si plus tôt c'était l'agitation qui régnait dans le pit, à l'écoute de ces deux titres, l'efficace et très heavy "Wasteland", et surtout l'énorme (et très subtil) "Fuck Love", c'est désormais la bagarre dans le pit, qui ne va pas s'arranger avec le titre survolté et surpuissant "Six". Le set est quant à lui plutôt équilibré entre les nouveautés – déjà connues du public parisien – et des morceaux plus anciens, avec pas mal de titre des solides albums Overcome (2008) et The Fall Of Ideas (2006). En plein milieu de la ballade "What If I Was Nothing", un problème de corde force Jason Richardson à quitter la scène et à partir backstage un moment, laissant ses camarades continuer la chanson (l'étroitesse des lieux ne permettant à aucun technicien d'être présent sur scène, ni à côté de la scène !). Qu'à cela ne tienne, ce moment est l'occasion d'un énième moment de communion avec le public, heureux de chanter à tue-tête. Le concert se termine avec le non moins rassembleur "This Calling", et une dernière ovation des Parisiens présents pour les Américains, qui promettent de revenir vite en France, lors d'une date ou deux en 2019.
Les aléas de la vie, les tragédies, des soucis techniques (surtout dûs à la configuration des lieux et pas du tout de leur fait) et un calendrier défavorable... autant de difficultés que Phil et sa bande ont balayées d'un revers de (gros) bras, avec professionnalisme, humilité et énergie. Un set efficace avec le souci d'offrir à leurs fans, aussi peu nombreux soient-ils, une soirée forte en nostalgie, puissance et émotion. De quoi enfin se tourner vers l'avenir et se réconcilier avec les fans des débuts, déçus par la direction prise depuis les deux ou trois derniers opus. L'album Victim Of The New Disease laissait présager un retour en force d'All That Remains, c'est confirmé grâce à ce concert, malheureusement dédaigné par beaucoup. Il n'y a plus qu'à espérer que le groupe n'en tienne pas rigueur à la France et puisse revenir vite, sous de meilleurs auspices.
Setlist All That Remains :
Two Weeks
Whispers
No Knock
Not Alone
Chiron
This Probably Won't End Well
Hold On
The Air I Breathe
Wasteland
Fuck Love
The Last Time
Six
What If I Was Nothing
This Calling
Photographies ©Aline Meyer (site web anemonepics)
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