Dimanche 10 décembre, Paris est sous la couette en train de mater tout le catalogue Netflix avec un bon gros café. Pourtant, quelques centaines de courageux ont choisi de sortir dans le froid pour affronter les quais de la Seine. Car la péniche du Petit Bain se prépare à accueillir une bien belle soirée. Alternative Live nous a préparé une affiche de quatre groupes, Crystal Lake, Cane Hill, 36 Crazyfists et Bury Tomorrow, venu promouvoir son nouvel album, Black Flame.
Crystal Lake
La soirée commence tôt, dès 19h, avec Crystal Lake. Au vu du nombre de t-shirts du groupe dans la fosse, de toutes les époques, on peut dire sans mentir qu’une bonne partie du public est venue rien que pour eux. Et ce n’est pas étonnant, car quelques mois plus tôt, le groupe remplissait cette même salle, pour l’un des meilleurs concerts de l’année. Aujourd’hui ils jouent en premier et seulement 30 minutes. Une stratégie un peu étrange, mais pas de quoi gâcher le moment.
Derrière la batterie, Gaku cale un petit solo enervé, encouragé par le public, et le groupe entre en scène. Le temps est serré et Crystal Lake va enchaîner six morceaux sans pause. Dès les premières notes de "Matrix", le public leur offre un accueil plus que chaleureux. Le pit part dans tous les sens et beaucoup tentent de s’emparer du micro, même pour "The Circle", sur le nouvel EP du groupe. Après "SIX FEET UNDER", le second morceau, on peut déjà dire que Crystal Lake a tout retourné.
Il fait très chaud dans la fosse et ça continue de monter avec "Machina". Il est toujours dur de savoir quoi faire sur ce titre. Il ne se prête ni au stage dive, ni au circle pit, et il faudrait un sacré culot pour aller voler le micro de Ryo sur cette chanson. Alors on se contente de regarder la technique impressionnante des guitaristes.
Ryo lâche quelques merci en français. Il y a de quoi, le public hurle l’intégralité d’Apollo" comme si c’était la fin de la soirée. Pour "Prometheus", le chanteur de Cane Hill vient gueuler un peu.
En trente minutes, Crystal Lake a tout cassé, et ce n’est pas très charitable pour les trois groupes restants. Il est plus qu’agréable de voir que le groupe donne autant d’énergie en tête d’affiche qu’en quatrième partie, une belle preuve d’humilité. Moment un peu symptomatique des groupes japonais, Ryo se voit remettre un grand drapeau français sur scène.
Après le set, les stands de merch sont vides, sauf celui de Crystal Lake, ou des dizaines de personnes font la queue pour faire signer des cd, vinyls, t-shirts. Le groupe sera un peu partout dans les festivals de l’été, allez-y.
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Cane Hill
Un petit quart d’heure de pause pour se remettre et Cane Hill arrive sur scène. Forcement, l’ambiance est bien plus calme. C’est à se demander pourquoi le groupe ne jouait pas en premier.
"J’ai regardé le set de Crystal Lake et j’ai vu ce dont cette salle est capable, donnez moi cette énergie" demande le chanteur. Malheureusement, sa demande restera sans effet. Le public est mou devant le groupe. Malgré des breaks bien violents, le metalcore des Américains sonne plat. Même l’intervention de Ryo, qui quitte la table de merch quelques minutes, n’aura pas beaucoup d’effet. Quelques personnes du public tentent de lancer des petits wall of death, mais il faudra attendre la dernière chanson pour voir vraiment de l’énergie en face du groupe. "Too Far Gone" est l’occasion de donner de la voix, avec un refrain bien efficace, réveillant une fosse bien morne.
Cane Hill n’a rien de fondamentalement mauvais. Le groupe aurait certainement mérité plus d’énergie de la part du public, mais le public est mort et semble attendre Bury Tomorrow pour s’exciter à nouveau.
Ӭ36 Crazyfists
Une petite intro épique à la guitare acoustique et c’est à 36 Crazyfists de s’emparer de la scène du Petit Bain pour 45 minutes. Comme pour le groupe précédent, le public est difficile à chauffer, le pit est petit, voir inexistant, mais les Américains donnent une belle énergie sur scène.
Dès le premier morceau "Death Eater", la voix de Brock Lindow surprend par ses tons graves, bien plus notables qu’en studio. Les basses sont aussi très fortes, au point de se résonner jusque dans le sol. Mais la musique de 36 Crazyfists est vite monotone après quelques morceaux. On se déconcentre vite et on se prend à penser à autre chose, notamment la façon dont le chanteur peut survivre à la chaleur avec un énorme k-way et une si grosse barbe.
Ce dernier remercie le public, et lance le classique "on est sur un putain de bateau, c’est incroyable." Incroyable oui, mais le bateau ne bouge pas beaucoup.
Les derniers morceaux sont plus mélodiques, avec des jolies intros. C’est sympa et comme pour Cane Hill, le public s’investit un peu plus sur la fin. Mais pas de quoi retourner le bateau.
ӬBury Tomorrow
L’heure est enfin venue pour la tête d’affiche, Bury Tomorrow, qu’on avait notamment pu croiser au Download Paris (RIP) de cette année. Entre temps, les Anglais ont sorti Black Flame, un nouvel album un peu oubliable, mais qu’on a hâte de voir défendu en live.
Petite ellipse sur le set à venir. À la moitié du concert, Daniel Winter-Bates prendra le micro pour un petit discours sur le metalcore en France. On lui aurait répété que le genre n’avait pas de public chez nous, qu’il fallait mieux ne pas essayer… Lui ne veut pas y croire, mais force est de constater que Bury Tomorrow fait des sold-out de salle de plus de 1000 places en Allemagne et peine à remplir une péniche de 450 places en France. Heureusement pour l’ambiance, le public français, même peu nombreux, est bien chaud pour chanter et stagedive à tout va.
Là ou ça pêche, c’est sur scène. Les roadies installent une estrade clairement prévue pour des grandes scènes. Donc on a la scène du Petit Bain, déjà haute, surélevée par un grand banc. Autant dire que quand Daniel entre sur scène et monte dessus, on a clairement l’impression d’être au premier rang au cinéma. Et ça fait bien mal à la nuque.
Bref, le concert commence avec le premier morceau de Black Flame, "No Less Violent". Le public est déjà chaud pour accompagner un groupe plein d’énergie. La communion est vraiment belle, le mosh pit s’excite pour la première fois depuis Crystal Lake.
La setlist de ce soir est forcément axée sur le nouvel album, mais le groupe s’autorise quelques petits écarts sur les albums précédents. "Earthbound" ou "An Honourable Reign sont vraiment agréables à entendre et chauffent entre plus le public. Daniel Winter-Bates s’arrête entre chaque morceau pour remercier, parler et forcer, beaucoup. C’est presque gênant tant le chanteur est en demande : merci de bouger, de chanter, de faire un circle pit, de poser votre main sur l’épaule de notre voisin…
Le discours est rodé, un peu trop. À la fin du concert, les guitaristes se mettent à rire en mettant des serviettes sur leur tête. C’est con, mais ça fait vraiment plaisir de voir Bury Tomorrow sortir un peu de son show millimétré pour quelques conneries.
L’intensité du set monte avec "Last Light", et la péniche tangue enfin sous les sauts du public. Quelques personnes tentent des stagedive du banc sur scène, à leur risque. Bury Tomorrow finit son concert avec "Black Flame", de loin la chanson la plus efficace de l’album.
Même si Crystal Lake avait plié la soirée en ouverture, même si les deux autres groupes étaient un peu ennuyants, et malgré une setlist pleine de morceau peu marquants… Bury Tomorrow nous a offert une très belle heure de concert, une performance bien aidée par la sympathie des membres. Et on sait qu’on sera là la prochaine fois.
Photographies : © Justinator 2018
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