Un groupe de folk metal fait-il encore du metal quand il débranche les guitares ? Ensiferum a tenté de répondre par l’affirmative lors d’une tournée acoustique européenne. Et cette démonstration passait notamment par la Machine du Moulin Rouge, déjà décorée pour Noël.
Trio De Facto
Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, le bassiste d’Ensiferum Sami Hinkka a décidé d'assurer la première partie lui-même avec son groupe, Trio De Facto. Celui-ci respecte le thème unplugged, puisqu’il propose des reprises de standard du metal en acoustique. Le trio, deux guitaristes – Hinka et Esa Orjatsalo – et le chanteur Mikael Salo, enchaîne donc les reprises d’Helloween, Amon Amarth, Metallica, Ghost ou Napalm Death de façon très sympathique, mais l’essentiel du concert n’est pas là.
Entre chaque morceau, les trois musiciens enfilent les blagues plus ou moins compréhensibles. Certaines sont à base de fist, d’autres évoquent Timothée Tolkien, celui qui a créé, selon eux, Le Seigneur des Anneaux et Stratovarius… Tout cela pour introduire leur reprise de "Hunting High And Low", desdits Stratovarius. Surtout, les Finlandais éructent « santé » en français dans le texte et à tout bout de champ en enfilant les bouteilles d’alcool, allant jusqu’à entonner une chanson sur un guitariste vidant une bouteille de martini sur scène. Bien évidemment, Orjatsalo s’exécute poliment pour nous l’illustrer en direct.
Trio De Facto conclut son set rires et chansons de façon plus sérieuse sur une reprise bien exécutée de "Wasted Years" d’Iron Maiden, ce que le public salue avec enthousiasme.
Ensiferum
Le même esprit potache règne pendant le changement de plateau, puisque le public a tout loisir d’admirer les décorations de Noël que les groupes ont fait installer sur scène : guirlandes, boules et étoiles argentées ornent les pieds de micro et les instruments. Une alliance incongrue qui ne serait pas totale sans l’eurodance douteux (pléonasme ?) que diffuse la sono. Ensiferum a visiblement un goût prononcé pour les mélanges improbables.
Mais le groupe monte enfin sur scène et les choses sérieuses commencent. Le quintette revisite sa discographie, et si ses fans pouvaient craindre que le passage à l’acoustique se traduise par une baisse d’énergie, il n’en est rien. Les morceaux restent tout aussi énergiques, le growl de Petri Lindroos s’accorde étonnamment bien aux guitares acoustiques, et l’ensemble des périodes passe avec succès l’épreuve de l’unplugged, Ensiferum tentant de faire plaisir au maximum de fans en jouant tous ses albums à l’exception de Victory Songs.
L’ambiance, en revanche, est affectée par ce changement drastique d’arrangements. Là où en studio, les morceaux d’Ensiferum sont parfois agrémentés de divers instruments, en acoustique, il faut se contenter du triptyque habituel guitare / basse / batterie, auxquelles s’ajoutent un banjo et un clavier. Et l’aspect épique de la musique est aussi considérablement revu à la baisse. En même temps, essayez d’être épiques avec un banjo…
Mais ce qu’elle perd en panache, la musique y gagne en communion festive, car l’acoustique fait ressortir avec brio le côté festif des compositions des Finlandais. Les morceaux extrêmement dansants sont donc légion et provoquent l’allégresse dans la fosse, mais ils alternent avec des morceaux beaucoup plus poignants, ce qui donne un résultat assez étrange mais pas choquant.
Si le public écoute sagement les passages plus mélancoliques, il se déchaîne sur les nombreux titres énervés. Et, pour aussi improbable que ce soit sur un concert acoustique, la fosse part en pogo dès le sixième titre, "In My Sword I Trust", qui s’y prête il faut le dire extrêmement bien. Les musiciens en sont ravis, et Petri Lindroos encourage avec enthousiasme cet « accoustic mosphit ». Lequel passe sans cesse d’un pogo à un circle pit jusqu’à prendre des formes plus improbables de chenilles ou de ronde dans lesquelles tout le monde se tient par les épaules en sautillant.
Au départ, ce sont surtout les deux chanteurs, Lindroos et Markus Toivonen au chant clair, qui animent la scène. Ils communiquent beaucoup entre eux, gardent un lien visuel, alors que les autres sont en retrait, ne se regardent quasiment pas, semblent jouer chacun dans leur coin. Mais au film des morceaux, l’alchimie se révèle peu à peu. La claviériste, notamment, embauchée sur cette tournée, a l’occasion de chanter plusieurs titres et fait profiter de sa voix magnifique, suite à quoi elle semble ensuite plus encline à interagir avec les autres musiciens.
Entre deux morceaux, le groupe parle pas mal, en anglais souvent, en français parfois, et même occasionnellement en finnois, ce qui laisse le public perplexe. L’ensemble dégage une certaine bonne humeur, aussi bien sur scène que dans la fosse, et c’est presque un concert de Noël qu’offre Ensiferum ce soir-là.
Le groupe effectue son rappel avec l’ensemble du Trio De Facto. S’il ne joue pas sa fantastique reprise de "Bamboleo" des Gipsy Kings, au grand désespoir de certains fans (cette réjouissante version a été enregistrée sur leur album Unsung Heroes), il gratifie tout de même le public d’une reprise assez hilarante de "Looking For Freedom", de David Hasselhoff. Avec cette tournée acoustique, les Finlandais montrent que le pagan metal sait être beaucoup plus léger et potache que l’image qu’il renvoie habituellement !
Setlist
Twilight Tavern
Burning Leaves
Token of Time
God Is Dead
Eternal Wait
In My Sword I Trust
Battle Medley
Tears
Feast with Valkyries
From Afar
Don't You Say
Celestial Bond
Lai Lai Hei
Two of Spades
Rappel
Neito Pohjolan
Iron
Looking for Freedom
Crédit photo : Arnaud Dionisio. Reproduction interdite sans autorisation du photographe