Trente-quatre ans après sa formation et trois ans après The Astonishing, Dream Theater est de retour, un quatorzième album sous le bras. En refermant la parenthèse The Astonishing, album qui avait divisé les fans de la formation américaine, Dream Theater revient à un opus plus classique avec Distance Over Time. Les virtuoses nous proposent dix titres aux gimmicks de composition toujours présents, tout en axant leur musique vers plus d'accroche et de mélodie.
Cette approche mélodique se retrouve dès le titre d'ouverture, "Unthetered Angel", qui évoque (autrement que par son titre) "On the Backs of Angels", la piste qui débutait A Dramatic Turn of Events. Cet album, tout comme l'éponyme de 2013 sont peut-être les plus proches de Distance over Time, le quintette ayant composé collectivement en vue de sortir quelque chose de plus classique que The Astonishing.
John Petrucci a opté pour une production massive et moderne, mettant en avant les riffs de guitare ("Paralyzed", "Room 137"), tout comme la basse de John Myung, qui n'a que rarement été aussi mise en valeur au cours de l'histoire récente du combo ("S2N", "Room 137"). Toutefois, on regrette cette reverb bien trop présente sur la voix de James Labrie, qui sur la longueur de l'album fatigue l'auditeur, en plus d'être particulièrement dérangeante. Cela est notamment particulièrement notable sur les lignes de chants des refrains, parfois insipides, qui constituent également de point faible de l'album ("Paralyzed", "Fall into the Light", "Barstool Warrior"). On sent que les Américains ont tenté d'écrire des refrains accrocheurs, qui pourtant tombent souvent à côté de la plaque en sonnant régulièrement de façon fade, voire mielleuse ("At Wit's End").
Toutefois, de bons passages sont présents sur cet album, notamment dans sa partie centrale avec l'enchaînement "Barstool Warrior", "Room 137", "S2N". Sur ces titres, l'influence de Rush, présente dès les débuts du groupe, est de retour avec notamment une basse claquante de John Myung, et un groove retrouvé ("S2N"). Autre point de satisfaction, le groupe ne se perd pas dans des parties instrumentales bancales et stériles comme il l'avait fait récemment sur "Outcry" ou "Lost Not Forgotten" (tout juste peut-on citer la partie instrumentale de "At Wit's End" qui voit le groupe retomber dans ses travers). De même, les interventions de Jordan Rudess restent beaucoup plus sobres qu'à l'accoutumée (écoutez ce son de piano sur le pont de "Barstool Warrior" ou sur l'intro de "Out of Reach"). A l'exception d'un solo de clavier dispensable qui clôt "S2N", le sorcier des claviers se fait plus mesuré et moins démonstratif, à l'aides de nappes discrètes.
Certains titres en rappellent de plus anciens, comme la ballade "Out of Reach" dont la saveur évoque celle de "Beneath the Surface" ou d'"Along for the Ride", en toutefois plus réussie, ou "At Wit's End" qui propose des sonorités à la "Breaking All Illusions", la surprise en moins. Finalement, le titre qui marque le plus les esprits est celui relégué au rang de bonus, "Viper King", dont le côté rock n' roll n'est pas sans rappeler Deep Purple ou Whitesnake. C'est d'ailleurs dans ce contexte que l'on préfère Dream Theater, lorsque le combo américain lâche les brides pour partir instinctivement vers quelque chose de plus simple qu'à l'accoutumée (souvenez-vous de "6:00" ou "Take the Time"). Sur ce titre, l'Hammond de Rudess ramène l'auditeur près de 30 ans en arrière, même si les mesures asymétriques signatures de Dream Theater sont toujours présentes.
Avec Distance Over Time, Dream Theater poursuit sa quête du metal progressif tout en ajoutant des titres catchy et directs à son arc, basés sur des refrains mélodiques. La prise de risque amorcée avec The Astonishing (et qui avait clairement divisé la fan-base) n'est pas reconduite ici. En résulte un opus trop sage et trop classique pour la bande de John Petrucci, où les titres sont bien en deçà de ce que le groupe est capable de produire. En outre, certains choix artistiques (ce fade out/fade in au milieu de "At Wit's End" qui interrompt un superbe solo de Petrucci) et de production ternissent Distance Over Time. Le mix et le mastering laissent également peu d'espace de respiration et ont tendance à desservir les compositions.
Si l'on a connu Dream Theater bien plus inspiré par le passé, de très bons moments émaillent tout de même ce nouvel album, dont le groove retrouvé est clairement l'un des points forts. Quelques titres fort sympathiques trouveront certainement un écho auprès des fans ainsi qu'en live ("Pale Blue Dot", très classique pour DT mais pourtant bien écrit, mais surtout "Room 137" et "S2N"). Distance Over Time est toutefois un opus bien trop inégal pour se hisser à la hauteur d'albums tels que Scenes from a Memory, Six Degrees of Inner Turbulence, Awake et Images and Words, laissant la désagréable sensation d'avoir le droit à un album de plus dans une discographie déjà conséquente. Espérons que la prestation que donnera le combo au prochain Hellfest permettra de remonter la pente et d'apprécier ces nouveaux titres dans un autre contexte.
Sortie prévue le 22 février chez Inside Out Music
Photographie : © Inside Out
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