Voir un nouvel album de Flotsam And Jestsam paraitre en 2019 prouve que le thrash metal n’est pas mort et que l’on peut toujours compter sur certains vétérans pour continuer à en entretenir la flamme. The End of Chaos comporte suffisamment d’attaques riffiques et de tempos menés pied au plancher pour appeler au slam et au mosh. Mais les vieux thrashers n’en n’oublient pas pour autant d’être mélodiques pour toucher les fans de metal plus traditionnel.
Dites Flotsam And Jetsam à un métalleux « lambda » et au mieux il vous répondra que c’est l’ancien groupe de Jason Newsted avant que ce dernier ne rejoigne Metallica. En revanche, évoquez le combo à un thrasher et il vous parlera avec des étoiles dans les yeux de Doomsday For The Deceiver et No Place For Disgrace, deux pépites du genre qui auraient pu emmener les musiciens d’Arizona (et non issus de la Bay Area comme on pourrait le croire en écoutant leur musique) loin dans les sphères métalliques. Oui mais voilà, tout ne s’est pas vraiment passé comme prévu pour les Flotsem, déjà il y a eu ce « vol » de bassiste par les Four Horsemen alors que leur premier album venait de sortir et puis ensuite… Quoi au juste ? Un peu de pas mal de choses : des albums, pas nuls mais pas transcendants non plus, sortis en pleine vague death metal ainsi qu’une tentative (comme d’autres collègues) de se raccrocher au wagon groove metal avec Cuatro en 1992 et Drift en 1995. Retenons aussi des changements de personnel un peu trop fréquents qui n’ont pas aidé.
A l’instar de d’autres formations de la scène thrash (Forbidden et Heathen par exemple), Flotsam And Jetsam doit donc se contenter de rester cantonné en deuxième zone après avoir pourtant failli entrer en première. Mais le groupe de Phoenix a su s’accrocher malgré les aléas et le voici qu’en ce début d’année il nous propose The End Of Chaos, son treizième long format (si l’on ne compte pas les réenregistrements des deux premiers disques parus en 2014 et 2016).
Première surprise : Flotzilla la mascotte est de retour et se fait tellement menaçante sur la pochette qu’elle règle son compte à la statue de la Liberté (doit-on y voir une allusion au climat politique actuel des Etats-Unis ?). Deuxième surprise, qui n’en est pas vraiment une car les musiciens avaient déjà opéré ce virage sur l’opus éponyme précédent, les Flotsem donnent bien dans le thrash à tendance mélodique et semblent avoir laissé derrière eux les tentatives de sonner un peu plus expérimental apparues sur le Ugly Noise de 2012.
Et sinon il donne quoi ce nouvel album enregistré avec le batteur Ken Mary (remplaçant le membre fondateur Kelly David-Smith) ? Nous répondrons en employant une expression désormais devenue célèbre : il thrash dans son froc.
Flotsam And Jetsam n’invente rien, et nous pensons qu’il ne prétend pas vouloir révolutionner le genre, mais il s’applique à bien soigner son thrash metal, histoire que chaque amateur puisse prendre son plaisir en l’écoutant. Et en cela le cahier des charges est bien respecté. Car déjà The End of Chaos regorge de riffs bien puissants et de parties rapides et agressives, dans ce domaine « Control », « Prepare for Chaos », « Slowly Insane », «Architecs of Hate » ou le furieux « The End » sont de parfaits exemples de vitalité.
Mais le groupe n’oublie pas cependant la mélodie et ses racines heavy, « Slowly Insane » par exemple comporte un duel de guitares digne des grandes heures de la New Wave Of British Heavy Metal. Flotsam And Jestsam a aussi soigné ses refrains, comme sur le déjà « tubesque » « Demolition Man » qui reste bien en tête et qui a tout du futur classique scénique. Dans le même genre « Prisonner of Time » fait aussi son petit effet.
Attardons-nous sur Eric 'AK' Knutson par ailleurs, l'un des chanteurs peut-être les plus sous-estimés du thrash qui, sur ce disque, réalise de véritables prouesses. Sur « Prepare for Chaos » par exemple sa voix prend des accents « halfordiens », tandis que nous pensons à Geoff Tate sur « Recover », quand le vocaliste ne se fait pas menaçant sur « Architecs of Hate ».
De même le bassiste Michael Spencer n’a rien à envier à Jason Newsted et aux autres quatre-cordistes passés dans les rangs de Flotsam, comme le prouvent la ligne fluide que l’on entend sur « Prisonner of Time », les parties groovy de « Unwelcome Surprise » ou celles « galopantes » de « Good or Bad ». Le combo a aussi parfois tenté de sortir un peu des sentiers battus comme le démontre « Unwelcome Surprise » et son riff presque indus évoquant Prong qui brise un peu la linéarité de l’album.
Linéaire, le mot est lâché, car s’il y a un, petit, défaut à trouver à The End of Chaos c’est qu’il a tendance parfois à faire un peu de surplace, la faute à une longueur excessive (faute de bien des groupes aujourd’hui) symbolisée par le ventre mou composé de deux titres « Snake Eye » et « Survive ». Le premier cité ne décolle pas vraiment malgré un riff « mustainien » et des soli soignés, tandis que le second est sans réelle surprise.
Cela ne doit pas empêcher le thrasher qui sommeille en chacun de nous de laisser trainer ses oreilles sur ce nouveau Flotsam And Jetsam car c’est peut-être la fin du chaos mais non celle de leur talent.
Liste des titres :
1. « Prisoner of Time »
2. « Control »
3. « Recover »
4. « Prepare for Chaos »
5. « Slowly Insane »
6. « Architects of Hate »
7. « Demolition Man »
8. « Unwelcome Surprise »
9. « Snake Eye »
10. « Survive »
11. « Good or Bad »
12. « The End »
Sorti le 18 janvier 2019 sur AFM Records