L'ascenseur émotionnel
Après deux albums assez discutables, voire carrément médiocres, In Flames revient avec un treizième album qu’on imagine plus ou moins attendu sans être ardemment désiré par des fans désespérés de revoir l’une des pierres angulaires du death mélodique à son meilleur niveau. I, The Mask débarque donc en cette fin d'hiver plutôt douce et s’impose finalement comme une sortie notable de ce début d’année. Notable, mais pas majeure. Car à défaut d’être l’album de la réconciliation, cette galette s’affiche comme celle de la conciliation. Explications.
En plus de 25 ans de carrière, In Flames a évolué. Un choix toujours assumé et volontaire de la part des Suédois et, quelque part, une attitude on ne peut plus logique. Mais parfois, à trop vouloir explorer de nouveaux chemins, les groupes peuvent se perdre. C'est un petit peu ce qui s'est passé pour IF ces cinq dernières années : Deux albums sortant totalement de l'univers du groupe et déchaînant foudres et critiques de la part des fans et des chroniqueurs. Si Siren Charms avait le mérite de proposer quelques bonnes idée, un aspect bien trop « gentil » de certaines compositions avait amorcé ce qui ressemble à une descente aux enfers pour Anders et ses potes. Mais encore une fois le choix était assumé et fort heureusement le public répondait toujours présent lors des différents concerts.
En 2016, amputé de leur batteur emblématique (Daniel Svensson; le bassiste Peter Iwers suivra après la sortie de l’album), In Flames s’envolait chez l’Oncle Sam pour produire ce que certains considèrent encore comme une véritable purge: Battle. Semblant tirer définitivement un trait sur tout ce qui a fait la richesse de son death mélodique efficace. Alors oui, forcément, on transpire un peu lorsque I, The Mask débarque dans nos lecteurs MP3.
Pourtant, on est assez rassuré lorsque l’on jette un oeil à la pochette: La mascotte, toute de noir vêtue, habillée cradingue, tournant le dos à un mur dans lequel est gravé le nom du groupe. Il se dégage une atmosphère non sans rappeler celle des Colony, Whoracle et autres Jester Race… Non ? Ce serait trop beau…
Mais c’est avec un grand sourire que l’on découvre la première compo : “Voices”. Sans ramener aux temps des albums précédemment cités, il ne fait aucun doute que cette piste trouverait sa place sur un Come Clarity. Voilà qui est encourageant. Puis vient l’énorme baffe envoyée par le riff terriblement accrocheur de I, The Mask… Une mandale qui renvoie aux débuts des années 2000 et laisse l’auditeur bouche bée. In Flames aurait-il compris la leçon? Oui et non. Autant les premiers growls et la musique sont excellents, autant le refrain en chant clair vient noircir le tableau. Toutefois, on ne peut qu’apprécier le travail musical entendu jusqu’ici. Mais deux pistes, c’est peu.
Le constat se confirme sur les suivantes, la musique de "Call My Name" est plutôt bonne, quoique peu inspirée, mais le chant est franchement pompeux. Curieusement on arrive à tenir le coup. On souligne à nouveau l’excellent premier single, "I am Above", dont le mid tempo n’est pas sans rappeler un très bon “Leeches”.
La suite est en (extrêmes) dents de scie: Entre un "(This Is Our) House" abominable, mielleux et électro, une gentille mais sympathique “Follow me” et un “We Will Remember” fétide, on est tenté de se dire que l’espoir est désormais mort. Cependant, il faut bien reconnaître qu’Anders a fait de sacrés efforts au niveau du chant, sans toujours réussir à charmer.
ET POURTANT on est de nouveau scotché et la bouche tombante dès les premières notes de “Burn” qui, quand bien même pourvu d’un chant clair de qualité, renvoie derechef aux premiers amours des Suédois avec un riff sale, violent, des growls bien bourrins et un groove si cher au genre qu’est le death mélodique. Incontestablement le meilleur titre de l’album.
S’en suit la kitchouille “Deep Inside” avec une une mélodie d’intro qui sent bon les épices d’Orient; un choix osé et plutôt inédit dans l’univers d’In Flames. Un morceau qui à nouveau laisse les fesses entre deux chaises, partagé entre le plaisir engendré par la musique et la frustration provoquée par cette prépondérance de chant clair.
Une fois remis de la poker face provoquée par l’ultime piste, “Stay With Me”, balade à la guitare sèche, digne de Kyo et qui n’a rien à foutre ici, c’est avec un petit sourire compatissant que l’on revient à la première piste. En se disant que si In Flames continue sur sa lancée débutée en 2014, on arrive cette fois à lui pardonner grâce à quelques très, très bons titres et cette rage qui semblait définitivement perdue.
On souligne également une excellente production, vraiment bien mixée et appuyée par des musiciens talentueux. En outre, Bjorn Gelotte délivre quelques excellents soli qui eux aussi avaient tendance à manquer. Le jeu de batterie de Joe Rickard (désormais remplacé par Tanner Wayne) est bien plus inspiré que sur Battle. Quand à Anders Frieden, ce n’est plus un secret, le chanteur ne growlera plus autant qu’avant mais il faut bien reconnaître de gros efforts à ce niveau ainsi que de belles performances au chant clair.
Il convient d'être honnête : la note finale ne reflète pas complétement I, The Mask. Elle traduit plus le plaisir que devrait ressentir la majorité des fans lors de leur écoute, un plaisir fondé sur la nostalgie et ce relatif soulagement. Evidemment on peut regretter que le chant ne suive pas sur certains titres car, appuyés par des growls, la plupart d’entre eux deviendraient de véritables bombes.
Bref pour résumer la galette en une phrase: que l’on soit, ou non, fan d’In Flames, on peut ne pas aimer I, The Mask, mais on ne peut pas le détester. Pour ceux qui n’y arrivent vraiment pas, enlevez deux points à la note, considérez cette production comme la meilleure des trois dernières d’In Flames et arrêtez de râler.