La petite salle de concert du Cirque Electrique à Paris, au-dessus du périphérique, accueille ce soir une population de joyeux metalleux curieusement excités. C'est que l'affiche alléchante promet une grosse ambiance dans un esprit punk un peu bourrin. Dans cette soirée organisée par Sick My Duck, on attend du bon hardcore humoristique et du moshpit endiablé avec les trois groupes de ce soir (un quatrième était prévu, Verbal Razors, mais il a dû annuler sa venue). Il s'agit en effet de la première date française en tête d'affiche pour Insanity Alert, les Autrichiens coupables de crossover thrash dévastateur.
Wrensh
Lorsque le trio franco-suisse Wrensh arrive sur scène, pas de fioriture, ni présentation, il entame son set rapidement et le public du Cirque Electrique, déjà nombreux, est assez facilement happé. Énergique et rythmé, c'est un gros hardcore qui tache que nous proposent Nico le batteur, Max le bassiste et Tosh à la guitare et au scream. Les titre sont percutants, c'est entraînant et surtout le chanteur est impressionnant : le son est bon, ses screams puissants, son attitude en impose. Wrensh envoie vraiment du lourd grâce à une grosse rythmique, le batteur est à fond, mais la basse n'est pas en reste. Tiens, un petit solo de basse ! Les morceaux sont plus courts les uns que les autres, avec même un titre à la Napalm Death d'une dizaine de secondes, puis un encore plus court, deux secondes à tout casser, qu'ils font deux fois d'ailleurs ("Parce qu'on pense que vous ne l'avez pas bien entendu !", s'amuse Tosh, espiègle). Ça shredde, on est dans le punk hardcore dans toute sa pureté, le chanteur arbore d'ailleurs, et ce n'est pas par hasard, un tshirt Sick Of It All. Ça va vite, très vite, dans le pit l'agitation est générale alors qu'il est encore tôt. Même pas le temps de retirer les vestes (c'est qu'il commence à faire chaud dans la petite salle) que les titres se succèdent. À l'annonce "C'est bientôt fini", des cris de déception s'élèvent, vite dissipés quand on s'aperçoit qu'en fait ils en enchaînent cinq ou six avant de quitter définitivement la scène. Les trois gaillards de Wrensh nous ont offert trente titres (eh oui, entre 20 secondes et 2 minutes) de punk punchy ultra rythmé, de bon hardcore rassembleur et fiévreux à souhait. L'idéal dans une cave un peu crado, pour un parterre d'amateurs d'arts bourrins à la Black Flag. Le public ne s'y trompe pas et ovationne le groupe, avant d'aller se réhydrater rapidement pour se remettre.
Jodie Faster
Jeune quatuor lillois, Jodie Faster propose un fast punk hardcore marqué par la rapidité d'éxecution comme son nom l'indique. Effectivement ça envoie du bois, avec une technicité impressionnante pour les trois musiciens (on peut facilement être hypnotisé par les mouvements de doigts des guitariste et bassiste). Le son est moins bon pour ce qui est du chant, mais le chanteur Mika est tout de même expressif, sympathique, comme en transe pendant les morceaux, soutenus aux screams par le bassiste qui est lui peu audible. C'est très fast, très punk. Le deuxième titre a même des relents ska. Quand ils annoncent que le prochain morceau va faire mal même s'ils ont déjà mal, difficile d'imaginer que le tempo va encore accélérer... eh bien si, ça va crescendo en vitesse, et même le batteur se met à chanter, pour un effet beuf punk sale et criard dans le plus bel esprit Sex Pistols. Le guitariste et le bassiste (tous les deux en bermuda, punk attitude ?) assurent vraiment. Niveau message, on est dans la remise en cause du système et la critique sociale survoltée, tout en restant dans une ambiance potache et assez bon enfant. Du bon "No Future" à la sauce 2019 quand Mika demande à ceux du public qui doivent aller bosser le lendemain "d'envoyer chier les patrons parce qu'ils ont pas tous les pouvoirs !", en conclusion de ce set endiablé.
Insanity Alert
Quand les musiciens entrent sur scène, le parterre est compact. On attend beaucoup d'Insanity Alert qui avait fait forte impression l'an dernier à Rennes pour le festival des 20 ans de Garmonbozia, ou encore du joyeux bordel qu'ils avaient créé à la Warzone du Hellfest 2017. Des petits sets de festivals en guise de mise en bouche, ce soir le retour des Autrichiens en tête d'affiche dans une petite salle est une promesse qui met le public du Cirque Electrique en joie. Leur second album, 666-Pack, est sorti le 25 janvier dernier, et c'est justement pour défendre ce nouvel opus que le rendez-vous avec les Parisiens a été donné.
L'arrivée de Heavy Kevy vient donner le ton à la soirée : chemise à fleur, perruque argentée, il s'approche du public pour tendre à un spectateur du premier rang le feu de bengale qu'il tient à la main avant d'entamer le premier morceau. Ça shredde et ça tape très très fort, les problèmes de son sont réglés, et le thrash party crossover foufoufou d'Insanity Alert entraîne le public parisien dans un moshpit endiablé, ça slamme dès les premières secondes d'ailleurs. Kevy utilise judicieusement la perruque pour headbanger avec le public. Ses screams punk hardcore tombent juste, il semble halluciné mais inspiré, et les musiciens assurent au niveau technique. Guitare et basse imposent un tempo thrash rapide, pour des hymnes rythmés aux refrains coups de poings que la foule hurle en choeur avec Kevin pour de grands moments de partage et de rigolade. Même pour ceux qui ne connaissent pas les paroles, aucun problème puisque la soirée se déroule comme une sorte de karaoké, les paroles des refrains étant notées sur de grands panneaux que le frontman / trublion brandit régulièrement, avant de le briser sur un support quelconque : le sol, sa propre tête, ou celle de volontaires du public, tout heureux de servir de cobaye.
Très à l'aise, Heavy Kevy communique en français et en anglais, proférant quelques insultes au passage, ou entamant un splendide beatbox. Côté scénographie, c'est un vrai défilé de kitsch et de grand n'importe quoi qu'il nous offre, avec des chorégraphies ou accessoires illustrant certains morceaux. Pannonceaux multiples, perruques, pistolet à confettis, lunettes aux yeux injectés de sang pour le très poétique "Zongo Vs Eyeball" ou des pinces d'écrevisses pour "Confessions of a Crabman"... c'est un vrai festival, et même si on n'est pas sous le chapiteau du Cirque Electrique, on a l'impression d'un feu d'artifice de déconnade, mis en musique par des thrasheurs expérimentés qui assurent tout en délirant. Dave se lancera d'ailleurs dans quelques soli de guitare impressionnants. Des headbangers en puissance, avec la batterie au taquet et un son vraiment correct, c'est fort sympathique, mais avouons-le, beaucoup ne sont pas venus QUE pour ça...
"All Mosh / No Brain" : voilà ce que le public attend ! Mais attention, pas seulement le morceau, qui fait trembler le sol tellement la bagarre devient collective dans le pit. Non, "All mosh no brain", c'est plus qu'un titre d'Insanity Alert, c'est ce qu'on peut qualifier de philosophie du groupe. C'est ça que beaucoup sont venus chercher. Pour une soirée, on entre dans le délire, on laisse un peu ses neurones en repos, et on vient s'éclater au sens propre comme au figuré dans une fosse surchauffée. Le show est ce parfait défouloir, avec du son pour thrasher et de grosses blagounettes pour rigoler bien gras dans un joyeux bordel.
Avec le culte "Desinfektor" ou l'hymne aux produits illicites "Weedgrinder", avec leur reprise parodiée de Maiden "Run To The Pit", ou encore avec la pancarte "Metal Punks Never Die" pétée sur le crâne d'un fan du premier rang, c'est une soirée énorme qu'Insanity Alert nous offre. Le rappel arrive après un énième délire de Kevy, en nage, qui entonne le jingle de la pub pour les bonbons Haribo avant d'enchaîner avec des borborygmes. On vous avait prévenus, du grand n'importe quoi... qu'on a hâte de revoir !
Insanity Alert sera présent sur la Main Stage du Hellfest le samedi 23 juin 2019.
Setlist Insanity Alert :
Thirstkiller
The Body Of The Christ Is The Paradise
Macaroni Maniac
Pact With Satan
Welcome To Hell
Zongo vs Eyeball
Confessions Of A Crabman
Metal Punx Never Die !
All Mosh / No Brain
Saturday Grind Fever
Glorious Thrash
Why So Beerious ?
Weedgrinder
Skull Crushin
Desinfektor
Run To The Pit
I Com / I Fuck Shit Up / I Leave
Life's Too Short (For Longboards)
I Want More
Photographies : © Samm 2019
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