Mork sort son quatrième album, de nouveau chez Peaceville Records. Après Eremittens Dal, où le niveau était déjà élevé, l'attente est immense. Mais lorsqu’on lit les propos élogieux de Fenriz (Darkthrone), de Blasphemer (Aura Noir, Twilight of the Gods, Mezzerschmitt, VLTIMAS) ou de Seidemann (1349) concernant Det Svarte Juv, on se dit que la pression est énorme et qu'il n'a pas intérêt à se planter…
Une contrebasse puis une batterie dotée d’un sale son à l’ancienne doublées de chœurs et d’une voix écorchée sortie des bois des 90’s : c’est ainsi que commence « Mørkeleggelse ». Le rythme n’est pas obligatoirement rapide et joue plutôt sur des ambiances fortes prêtes à sortir les fumigènes dans des couleurs sang.
Sur « Da himmelen falt » la caisse claire sonne comme celle de votre petit frère quand il tape sur les boites de Chocapic le matin avant d’aller à l’école. Mais peu importe, la pépite est ailleurs car le riff - et quel riff! - ce divin son propulse le titre très loin. L’ambiance surpasse le tout dans une déflagration indescriptible. C’est une cavalcade vers le passé dans un roulé boulé de souvenirs comme le groupe sait le faire avec « I flammens favn ». C’est du black metal, enfin un truc qui vient de l’essence même des entrailles de la Norvège, en veux-tu en voilà. Ça rentre dans les tripes en nous rappelant les bases même de ce qu’on aime dans cette musique, cet esprit, ce côté simple, un mec qui se retrouve dans un cave pour tenter des riffs et voir ce que cela peur donner… entre accélérations et breaks malsains.
La guitare est tellement saturée sur « På tvers av tidene » qu’une deuxième se met en route pour accentuer le tout et la farandole commence. Là on est proche d'un vieux Darkthrone ou d’un Sarke qui se ramènerait dans un dégueuli de voix bien crasseuse, même si des chœurs tentent de nous élever vers les cieux plus cléments dans un combat perdu d’avance.
Le son reste le même, pas de fioriture, juste du brut, du true, du garage de copain qui se lance dans de grandes improvisations. Il en est ainsi sur « Den utstøtte » ; titre écorché, brûlé au deuxième degré par le froid. Ça ondule de la tête dans une traversé de lacs gelés, l’auditeur apeuré par des ombres lointaines. Il aura aussi son « Ouhhhh » comme ceux lâchés par ses pairs et sa voix sera aussi sinueuse qu’un serpent sorti du peigne de la Gorgone avec « Skarpretterens øks ». Le solo est l’essence même du sang du treizième Apôtre qui n’en veut plus et lâche la table des convives pour se jeter dans le gouffre. Le diamètre des cordes de guitares doit être plus gros que la moyenne sur « Karantene », où le micro old school peut probablement absorber plus de postillons que ses congénères et savoir restituer cette voix « true-ment » graveleuse.
Mork possède l’art de rester simple en passant les jacks au travers d’un micro-onde en position 20 000 watts (« Den kalde blodsvei »). Ça grince, ça suinte de haine, ça… fait du bien. L’art du riff atteint son apogée et ce n’est pas Fenriz (Darkthrone) qui dira le contraire sur ce titre qui emprunte des pistes anciennes recouvertes par la neige mais toujours connues par les anciens.
Il sait sortir du thrash bien heavy comme on pouvait le tenter à l’aube des 90's comme avec « Siste reis ». Ça roule, ça groove, ça dégage de la puissance, de la haine dans un tourbillon de son. Et même lorsqu’on pense que le groupe va faire du remplissage, le dernier titre « Det svarte juv » t’en remet une couche de truelle dans les oreilles sans oublier cette rythmique ancestrale mais efficace.
Tout au long de l’album, on a l’impression d’assister en live à la création des titres. On tente des attaques, on se branche sur l’ampli du copain, on s’en fiche, on joue, tant pis si une corde casse, on continue, simplement mais toujours avec le cœur. Eremittens dal avait de quoi rester sotché. En 2019, deux ans après, la pellicule de savoir-faire est venue épaissir encore plus les sillons et le talent de Thomas Eriksen.
Lionel / Born 666
Tracklist
1. Mørkeleggelse
2. Da himmelen falt
3. På tvers av tidene
4. Den utstøtte
5. I flammens favn
6. Skarpretterens øks
7. Den kalde blodsvei
8. Siste reis
9. Karantene
10. Det svarte juv
Sortie le 19 avril chez Peaceville Records