Pour la soirée à l'Allemande prévue ce soir à La Machine à Paris, on attend une ambiance fête de la bière au parfum de rock industriel. Vétérans de la scène metal indus et précurseurs de la Neue Deutsche Härte, crossover germanique entre le metal, le rock et la techno, le trio Oomph! vient présenter ce soir son treizième album, Ritual, sorti en javier dernier via Nuclear Blast, et fêter trente ans de succès. La tâche d'ouvrir la soirée revient à leurs compatriotes de Heldmaschine qui se produisent pour la première fois en-dehors de leurs frontières.
Heldmaschine
Avertissement : toute ressemblance avec les géants de Rammstein (sur le plan musical, vocal, scénographique…) n'est PAS fortuite, plutôt totalement voulue voire assumée ! Les cinq musiciens qui arrivent, portant des masques futuristes et des vestes lumineuses projetant des rayons bleus, en imposent avant même de commencer à jouer. Aux premières notes de guitares lourdes, très indus, le public comprend que la qualité, à défaut de l'originalité, est bien présente.
Heldmaschine propose des titres entraînants, efficaces et bien exécutés, avec de gros riffs et une bande son en guise de synthé, des refrains fédérateurs et une identité vocale très « Lindemannienne ». Heldmaschine est un groupe qui a commencé comme cover band de Rammstein (sous le nom Völkerball), et a connu un succès grandissant outre-Rhin à imiter (fort bien) les R+, à tel point que les fans leur ont réclamé leurs propres compositions – ils en sont aujourd'hui à leur troisième album. Leur style industriel, metal et électro symptomatique de la "Neue Deutsche Härte" fait mouche, avec le chant profond de René, en allemand essentiellement, une section rythmique vigoureuse, et la lourdeur des guitaristes Tobias et Eugen, le tout étant mis en valeur par un mixage de qualité, comme souvent à La Machine.
À jouer au jeu des ressemblances et des différences, tout le monde y trouve son compte : pas de pyro dans la petite salle, mais certains effets spectaculaires viennent ravir les fans de Rammstein (nombreux ce soir si l'on en juge par le nombre de t-shirts à leur effigie dans la fosse), de la belle armure futuriste portée par le vocaliste venant projeter des rayons laser dans toute la salle aux jeux de lumières très travaillés, en passant par un lancer de faux billets dans le public ou les baguettes lumineuses du batteur qui se jette dans un solo chorégraphié dans la pénombre.
Cependant Heldmaschine, et c'est probablement ce qui a fait toute la différence ce soir, se distingue vraiment par sa simplicité et son capital sympathie. Les cinq musiciens montrent leur joie d'être en France, ne cessent de remercier les Parisiens venus ce soir. Le chanteur sort régulièrement de son personnage pour demander au public de sauter (sur le titre "Springt"), ou de chanter, danser et même le porter en slam, le parterre de La Machine s'exécutant avec entrain. Certains titres tels que "Radioaktiv" ou "Propaganda" se posent en hymnes efficaces repris par le public en quelques secondes. L'ambiance est là, et même si beaucoup découvrent Heldmaschine ce soir, c'est une très bonne surprise que les Allemands nous ont réservée ce soir. Un set de qualité, du metal, des paroles en allemand, du moshpit, de la danse et surtout de la bonne humeur et de l'amouuur. le vocaliste n'a-t-il pas fait un cœur avec ses doigts en réponse au fan (très) excité qui lui hurlait "Ich Liebe Dich" ?
OOMPH !
Bien en condition grâce à cette premère partie réjouissante, le public de la Machine du Moulin Rouge se déchaîne à l'arrivée de Oomph ! sur scène. Vêtus de noir, cinq musiciens s'installent sur le morceau d'introduction et prennent place soit en retrait (pour le bassiste, vêtu d'un drôle de couvre chef en cuir, mi-aviateur, mi-SM, le clavier et le batteur) soit sur les podiums en première ligne pour les deux guitaristes, Andreas Crap et Robert Flux, membres fondateurs avec le vocaliste Dero Goi . Celui-ci ne tarde pas à arriver avant de lancer la soirée en cognant sur deux fûts placés près de son micro en guise d'introduction du premier titre, l'énorme "TRR-FCKN-HTLR" issu de leur récent opus Ritual. Notons que Dero, Andreas et Robert composent le groupe Oomph!, les trois autres musiciens les accompagnant en live. En studio, Dero joue de la batterie en plus du chant, mais sur scène, il joue pleinement son rôle de vocaliste / frontman.
Un line-up solide et très souriant, qui envoie dès les premières secondes du lourd, du très lourd, bénéficiant comme la première partie d'un son excellent dans la salle ce soir. Venus pour présenter leur treizième album, les Allemands de Oomph! ne laissent pas pour autant leurs morceaux plus anciens de côté, et c'est une setlist impressionnante et variée qui se déroule ce soir.
Des morceaux solennels et percutants, très groovy grâce à la basse de Hagen et à la rythmique de Silvestri derrière les fûts, que le public reprend en choeur comme "Labyrinth" ou "Gott ist ein Popstar", des hymnes de rock indus efficaces et endiablés sur lesquels le public va se déchaîner (notamment avec l'enchaînement "Niemand" – "Kein Liebeslied" ), marqués par des riffs heavy à souhait et des refrains plus que séduisants, ou encore des plongées dans le passé, jusqu'à remonter au premier album éponyme du groupe, sorti il y a une petite trentaine d'années, pépites rares pour satisfaire même leurs fans de la première heure, nombreux apparemment ce soir ; c'est le cas des deux titres "Der Neue Gott" et "Mein Herz", morceaux EBM à l'ancienne, pour lesquels les deux guitaristes délaissent les cordes pour passer au synthé. Ces morceaux fleurant bon la techno des hangars teutons du début des années 90 nous rappellent que la Neue Deutsche Härte est née sous les doigts de ce trio il y a fort fort longtemps... Pourtant, pas une seule marque de fatigue ou d'ennui ne transparaît. Avec professionalisme et apparemment beaucoup de complicité, Dero et ses acolytes proposent un spectacle de qualité, soigné et authentique.
Le public ne s'y trompe pas : dans la fosse, la température monte sérieusement, et les moshpits se succèdent. Il faut dire que la joie et l'énergie des musiciens, Dero en tête, est communicative. Le vocaliste ne ménage pas ses efforts, arpentant la salle en faisant des mimes exaltés ou de belles danses du robot, s'adressant à l'audience entre chaque titre, tantôt en français, tantôt en anglais, incitant tout le monde à chanter ou danser. Beaucoup connaissent d'ailleurs déjà les paroles de certains titres et s'époumonnent, sur la reprise de Bronski Beat “Kleinstadtboy” ou le tubesque "Augen Auf".
La soirée réserve son lot de moments forts de communion avec le public : l'émotion au moment des titres en acoustique, des messages de fraternité scandés ("Nie Wieder Krieg", "plus jamais de guerre"), du clapping, un slam impeccable de Dero, à la limite de l'élégance, ou, avec plus de légéreté, quelques plaisanteries suite à un jeté de petite culotte sur scène. Lorsque les musiciens quittent la scène, des hurlements s'élèvent et au retour, le vocaliste lance le rappel d'un magnifique « Paris, est-ce que tu veux encore deux chansons, madame, monsieur ? ».
La maturité, l'expérience et la force de Oomph ! leur ont permis d'assurer un show sans faille ce soir. Leur longévité est impressionante, et ils célèbrent plusieurs anniversaires ce soir : cela fait vingt ans qu'ils ont joué à Paris pour la première fois, à la Loco (devenue d'ailleurs La Machine, la boucle est bouclée!) Surtout, cela fait trente ans que Oomph! a écrit son tout premier morceau. Quand Dero lance un sondage dans la salle pour savoir qui était né en 1989 et qui ne l'était pas, on assiste à une quasi-égalité dans le nombre de mains levées. Tour de force pour un groupe que de réunir ainsi les générations, fans de la première heure et admirateurs plus récents, et Oomph! a trouvé la recette idéale ce soir. Ce mélange de profils variés se retrouve également sur la scène car le trio originel est complété par de solides musiciens live, d'âges variés. Mention spéciale pour Felix, le jeune claviériste assurant également les choeurs, qui a su tirer son épingle du jeu par sa maîtrise aux claviers, en chant clair ou en distorsion.
Les ambiances se sont enchaînées pour une soirée bien remplie, dans le partage et la générosité puisque Oomph! vient de jouer une bonne vingtaine de titres. Pour tous les amateurs de rock à l'allemande, c'est une soirée wunderbar qui s'achève à La Machine. Danke, Oomph !
Setlist Oomph
-TRRR - FCKN - HTLR
- Labyrinth
- Träumst Du
- Jetzt oder nie
- Der neue Gott
- Mein Herz
- Das weisse Licht
- Tausend Mann und ein Befehl
- Niemand
- Kein Liebeslied
- Auf Kurs
- Fieber
- Das letzte Streichholz
- Gott ist ein Popstar
- Gekreuzigt
- Alles aus Liebe
- Im Namen des Vaters
- Jede Reise hat ein Ende
- Kleinstadtboy
- Sandmann
- Augen auf!
Rappel :
- Mein Schatz
- Als wärs das letzte Mal
Photographies © Marjorie Coulin 2019. Toute reproduction interdite sans autorisation.