La salle du Forum à Vauréal près de Cergy (95) présente ce soir une affiche plutôt éclectique à tendance orientale. Les Israëliens de Orphaned Land, forts d'une carrière de presque trois décennies, sont de passage dans l'Hexagone pour la seconde fois en deux ans, suite à la sortie de leur album Unsung Prophets And Dead Messiahs. Ils sont accompagnés de Subterranean Masquerade, groupe israélo-américain de prog symphonique et oriental, et de System House 33, formation thrash / death venue de Mumbai en Inde.
System House 33
C'est un set puissant qu'entame le quatuor indien System House 33, alors que la salle se remplit encore lentement. On est très vite pris par l'énergie des musiciens, le double blast impressionnant à la batterie, et les compositions très thrash / death mais aussi groovy qui font mouche et entraînent le public dans un headbang irrésistible.
Il faut dire que sur scène les musiciens de System House 33 s'en donnent à cœur joie, marquant le tempo de mouvements de têtes permanents tout en enchaînant les riffs et shreds à la guitare ou les growls au chant.
Les morceaux joués ne sont pas sans rappeler Pantera, Slayer ou encore Sepultura, avec un groove assez moderne et entraînant. Les quelques problèmes de son du début du set (des guitares sous-mixées) sont vite réglés et le public de Vauréal semble apprécier la prestation des quatre hommes qui jouent ce soir des morceaux anciens ainsi que des titres tout frais de leur nouvel album, End Of Days.
Quelques mots du chanteur sur la pluralité des religions ou sur les difficultés rencontrées dans leur pays viennent introduire le dernier morceau de ce set efficace et punchy de System House 33.
Subterranean Masquerade
Pendant la pause, techniciens et musiciens s'affairent sur scène, tandis que le vocaliste Vidi vient allumer des bâtons d'encens dont il dirige la fumée vers les différents instruments et micros tout en récitant quelques incantations.
Le groupe, qui ouvrait déjà pour Orphaned Land lors de sa tournée un an auparavant, est composé de pas moins de six musiciens qui tentent de se faire une place sur la scène somme toute étroite du Forum.
La musique proposée par Subterranean Masquerade est éminemment dansante. Comme dans une explosion de genres et de sonorités, on entend tantôt du jazz, tantôt de gros riffs du guitariste et fondateur du groupe Tomer Pink, ou encore des sons traditionnels assurés au synthé, du chant clair et du growl (malheureusement peu audible par moments).
Des moments lents ou solennels, presque mystiques, comme quand le chanteur arrive avec un masque devant le visage, alternent avec des passages rythmés au groove imparable, et la salle de se mettre à danser, d'agiter les bras et d'applaudir pour encourager la troupe, littéralement, qui se produit ce soir.
Le meneur de ladite troupe n'est autre que le charismatique et fantasque chanteur Vidi alias Davidavi Volev. Celui-ci semble avoir à cœur d'être, en permanence, en contact presque direct avec le public. Tout en chantant (fort bien), il saute, danse, fait danser et chanter le public, embrasse ses camarades sur scène, puis prend des cours de vocabulaire charcutier avec la foule.
N'ayant probablement pas assez dépensé son énergie, Vidi se hisse sur la barrière, s'accroche aux enceintes suspendues au plafond par quelques câbles bien fragiles, puis demande au public de l'accueillir pour un moment mémorable puisqu'il animera une battle de hurlements, juché sur un escabeau dressé au mileu de la fosse.
Subterranean Masquerade vient d'offrir au Forum un set très festif, porté par une belle énergie collective, des instrumentations efficaces mises en valeur par des jeux de lumières et de splendides visuels animés projetés sur un écran en fond de scène. Le groupe semble plus assuré que l'an dernier lors de son passage à Petit Bain à Paris, moins hésitant. Ce soir, malgré des problèmes de son notamment concernant les guitares, parfois tellement peu mixées que certains soli sont passés à la trappe, Subterranean Masquerade a su convaincre si l'on en juge par les sourires dans le public à l'issue du concert. Il faut dire que remplacer le traditionnel "Ouistiti" par "Saucisson" pour la photo finish avec le groupe n'est pas très commun !
Le dernier album de Subterranean Masquerade, Vagabond, est sorti en 2017. Le groupe a annoncé lors de ce concert la sortie de son prochain opus en septembre 2019.
Setlist Subterranean Masquerade :
- Specter
- Reliving The Feeling
- Place For Fairytales
- Nomad
- Kippur
- As You Are
- Hymn Of The Vagabond
Orphaned Land
Une fois les petits problèmes techniques résolus (le vidéoprojecteur fait des siennes), l'intro de "The Cave" retentit et les musiciens d'Orphaned Land arrivent sur scène, le sourire aux lèvres. À noter que le groupe est accompagné sur cette tournée d'une claviériste, atout non négligeable pour un groupe qui joue du metal oriental sans instrument traditionnel.
L'arrivée du frontman Kobi Farhi est saluée par le public, compact et bienveillant, venu en masse pour les têtes d'affiche du jour. Son pied de micro est, comme à son habitude, décoré d'un keffieh, foulard traditionnel palestinien, symbolisant l'amitié universelle et le refus de toute opposition entre religions ou peuples.
Le son des guitares est bien meilleur, Chen Balbus et Idan Amsalem engageant très vite une bataille amicale de soli d'école, et dès ce premier morceau atmosphérique et orientalisant, Kobi Farhi prouve qu'il est très en forme et bien en voix ce soir. Voix claire et passages plus heavy alternent sur "Barakah".
Son growl n'est pas en reste, et sur des titres comme le très engagé "Resist", il rententit avec la colère et la rage d'un homme révolté contre le système et l'aveuglement des masses. Le seul instrument qui disparaît complètement dans le mix est celui de la basse d'Uri Zelcha, qui malgré sa présence et son talent certain, restera quasiment inaudible toute la soirée.
Les titres s'enchaînent, aussi magistraux et efficaces les uns que les autres. Matan Shmuely derrière les fûts impose un tempo impressionnant, tout en assurant des growls profonds comme dans le splendide "Ocean Land".
Le public se déchaîne sur les morceaux rassembleurs tirés du dernier album, comme le single "Like Orpheus" ou le puissant "We Do Not Resist", ou entame les refrains de morceaux plus anciens, en chœur avec Orphaned Land, comme "All Is One", "The Kiss Of Babylon" ou "Let The Truce Be Known". Une belle générosité émane des musiciens, souriants et en réelle communion avec le public francilien. La claviériste viendra plusieurs fois sur le devant de la scène rejoindre ses camarades pour quelques soli bien maîtrisés.
Lorsqu'il découvre qu'au deuxième rang se trouvent deux amis, l'un originaire d'Israël et l'autre de Syrie, Kobi annonce qu'il est inutile pour lui de faire sa tirade habituelle sur la fraternité pour introduire le morceau "Brother" ; il leur dédiera ce morceau émouvant qui dénonce les combats vains et déchirants entre communautés, rappelant évidemment le conflit au Moyen Orient.
Kobi Farhi modifie les paroles d'une chanson pour faire entonner au public le nom de sa fille, Leila, née il y a un mois. Ce beau moment est suivi du salut puis du traditionnel rappel avec des titres historiques attendus par le public, "Norra El Norra" et l'outro de "Ornaments Of Gold" (datant respectivement de 2004 et 1994).
C'est ainsi qu'Orphaned Land achève cette belle soirée de partage et de générosité. De quoi satisfaire les quelques déçus du concert de l'an dernier à Petit Bain : avec une setlist excellente, un son amélioré (à l'exception de la basse), davantage d'authenticité et moins de pistes enregistrées, une qualité vocale indéniable, et avouons-le, un public moins agité mais plus à l'écoute, Orphaned Land a été à la hauteur de sa renommée et de son talent ce soir.
Setlist Orphaned Land :
The Cave
All Is One
Barakah
The Kiss Of Babylon (The Sins)
Ocean Land (The Revelation)
Like Orpheus
We Do Not Resist
Brother
Let The Truce Be Known
Birth Of The Three (The Unification)
Chains Fall To Gravity
In Propaganda
All Knowing Eye
Sapari
In Thy Never Ending Way (Epilogue)
Norra El Norra (Entering The Ark)
Ornaments Of Gold
Crédits photos : © Sophie Capron 2019 (site internet : lapetitecomtessephotographies.com)
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