Bien que faisant partie des personnalités les plus inquiétantes et controversées du black metal, Gaahl, alias Kristian Eivind Espedal, est une personne posée qui se comporte comme un parfait gentleman lors d’une interview ou encore quand vous le croisez au détour d’un concert. C’est un sage. Il prend son temps et pèse ses mots pour chaque réponse, jamais un mot de trop pour décrire sa vision de la musique, sa carrière qui se retrouve au sein de GastiR – Ghosts Invited, le premier album de Gaahls Wyrd qui sort chez Season of Mist.
Lionel / Born 666 : Bonjour Kristian. Comment vas-tu après cette tournée qui est passée par Paris où vous avez d’ailleurs interprété le titre « Ghosts Invited » tiré de votre album ?
Gaahl (Kristian Eivind Espedal): Oh oui ! Ça s’est très bien passé. C’était très agréable de rencontrer notre public.
Gaahls Wyrd a été créé en 2015. Pourquoi as-tu mis autant de temps avant de sortir un album ?
Gaahl : Je voulais être sûr que les musiciens impliqués soient les bonnes personnes. C’est pour cela que ça a été assez long. Je voulais voir aussi comment ça allait se passer sur scène pendant les tournées. J’ai de nombreuses expériences dans ma carrière avec certains musiciens où cela s’est moins bien passé. Je voulais savoir s’ils étaient à même de s’impliquer dans ce projet.
Les musiciens que l’on retrouve dans Gaahls Wyrd font-ils partie intégrante du groupe, ont-ils un rôle important ?
Gaahl : Bon, le nom du groupe est bien sûr connecté à moi. Mais il inclut aussi ces musiciens qui se sont impliqués au début de Gaahls Wyrd.
Lionel : Que veut dire le titre de l’album, GastiR – Ghosts Invited ?
Gaahl : Ça veut dire fantôme. J’ai travaillé pour cet album avec de nombreuses langues. Du vieux norrois jusqu’à l’anglais moderne d’où le titre de l’album.
Lionel : Qui a créé la pochette de l’album ?
Gaahl : C’est une collaboration artistique entre Raina Vlaskovska et moi. Elle travaille en tant que photographe, c’est une collaboration mutuelle. On travaillait en Workplace (méthode de travail collaboratif en partageant les idées NDLR).
Lionel : C’est toi sur la photo ?
Gaahl : (rire)… Non c’est un modèle. On voulait travailler sur cette idée de gestuelle artistique. C’est un procédé ancien, une vieille technique de photo des années 40/50. C’est différent d’une approche normale à base de jet d’encre.
Lionel : Depuis le temps, tu devais avoir une idée bien précise de ce que tu voulais retrouver sur cet opus ?
Gaahl : Il est important de délivrer dans la musique l’énergie que tu crées. C’est un peu un résumé de ce que j’ai pu faire par le passé, ça se rétrécit au niveau des influences mais c’est comme un univers vu d’un microscope dans un sens.
Lionel : Comment as-tu travaillé ? Tu t’es seulement occupé des paroles ou as-tu aussi participé aux riffs ?
Gaahl : Tout d’abord, on était toujours dans un dialogue. Ma tache principale était de travailler sur le concept, littéralement parlant. L’énergie circulait bien entre nous. Les riffs étaient plutôt l’affaire de Ole Walaunet (Lust Kilman). Un vrai travail de collaboration.
Lionel : Tous les musiciens de Gaahls Wyrd étaient-ils impliqués dans les compositions?
Gaahl : Ole (Walaunet), le guitariste, et moi seulement soit deux personnes. Mais bien sûr tout le monde a apporté sa touche personnelle en studio. C’est un groupe, mais traité par deux têtes, deux monstres pensants (rires) !
Comment as-tu travaillé avec Iver Sandøy votre producteur ? A-t-il eu un rôle important dans la capture du son que l’on retrouve sur l’album ?
Gaahl : Personnellement, c’était la première fois que je travaillais avec lui dans un sens. Je sais que Lust Kilman et Eld (Frode Kilvik) avaient travaillé avec lui dans d’autres groupes (Krakow, Orkan, Sahg…). Pour moi, c’était génial de travailler avec lui. C’est un grand passionné. C’est excellent de pouvoir travailler avec des gens aussi passionnés. Cela te permet d’être encore plus créatif dans ta manière d’avancer, de créer… et encore plus lorsque tu es bloqué et que tu ne peux plus aller de l’avant. Il te rend encore meilleur. Il a une très bonne oreille musicale. C’est clair qu’il a eu un impact positif sur le résultat final. Il m’a permis de canaliser mon énergie.
Lionel : Comme il a travaillé comme producteur et co-producteur avec de nombreux groupes comme Enslaved (il en est aussi le batteur), Krakow (groupe du bassiste Frode), Orkan, Sahg, Wardruna je pensais que vous vous connaissiez depuis longtemps.
Gaahl : On s’est longtemps croisé, on se connaissait mais on n’avait jamais travaillé sur des projets d’une manière rapprochée. Il avait seulement participé sur un titre à la batterie sur le dernier album de Trelldom (Til minne, NDLR).
Lionel : Comment as-tu fait pour trouver le temps pour créer des morceaux étant donné ton emploi du temps assez surchargé ?
Gaahl : Ahahahah… je me le demande moi-même. Ces dernières années, j’ai été très occupé. Mais j’arrive toujours à m’isoler dans un studio pour y enregistrer des idées qui arrivent au fil du temps.
Lionel : Comment décrirais-tu les compositions que l’on retrouve au sein de GastiR – Ghosts Invited ?
Gaahl : (rire), je ne suis pas très bon pour expliquer cela. Pour expliquer ce que j’ai mis dans l’album.
Lionel : Crois-tu aux fantômes, une forme de vie après la mort ?
Gaahl : Il y a de nombreuses formes de fantômes. La façon dont je les approche n’est pas obligatoirement d’une manière littéraire du terme. C’est aussi en fouillant dans ma mémoire. Ce que je veux dire dans cet album, c’est que les fantômes m’aident. Ils t’aident spirituellement au travers de ton subconscient. Et puis, va savoir, peut-être qu’ils sont là. Mais ça, on le saura un jour (rire glaçant)…
Lionel : Le plus tard sera le mieux... Cet album a des côté chamanique. Tu crois dans les forces chamaniques ?
Gaahl : C’est quelque chose qui m’a toujours suivi, poursuivi. Cela fait partie de ma nature. Ça vient de mon subconscient. J'ai voulu partager sur l’album cette chose que j’ai en moi…
Lionel : Qu’est ce que cela implique dans ta vie ?
Gaahl : Je ne sais pas si j’ai envie d’en parler. Pour moi, ça fait partie de ma nature, elle a toujours été ma principale source d’inspiration. C’est une chose très forte qui me suit depuis toujours. C’est la nature qui dirige le monde.
Lionel : On est loin du satanisme…
Gaahl : Oui c’est plus une approche que l’on retrouvait dans Gorgoroth, peut-être aussi dans Treldomm. C’était plutôt coincé dans le concept de Gorgoroth.
Lionel : Ta carrière est longue. Pourtant cet album est parfois éloigné de ce que tu as pu faire dans Trelldom, Gorgoroth ou God Seed. Quelles sont les autres influences qu’on peut y retrouver ?
Gaahl : On peut quand même y trouver une certaines couleurs de ce que j’ai fait dans ma carrière, même ce que j’ai fait avec Gorgoroth, les mêmes liens. Bien sûr, il y a aussi de mon premier groupe Trelldom, la mère de ma carrière musicale.
Lionel : Aimerais-tu chanter à nouveau au sein de Wardruna ?
Gaahl : Pas pour le moment, mais je suis toujours un très bon ami de Einar (Selvik NDLR). On est toujours en bon terme. Je suis en contact avec lui pour travailler sur son projet solo… Pour le moment ce n'est pas au programme mais on se croise souvent.
Lionel : Est-ce que God Seed est définitivement terminé?
Gaahl : God Seed n’existe plus.
Lionel : Qui t’a poussé à faire de la musique ?
Gaahl : Vraiment je ne sais pas (rire). Je crois que c’est plus par accident que j’ai rencontré des gens pour faire de la musique. Je n’avais jamais pensé à être musicien un jour. C’est juste arrivé.
Lionel : As-tu des regrets ?
Gaahl : Non, je pense que j’ai fait des choses qui sont venues comme ça. Si c’est arrivé, c’est que cela devait arriver. C’est pour cela que je suis toujours ici aujourd’hui. Il n’y a pas de regret.
Lionel : Pour terminer, peux-tu me décrire ce qu’est Gaahl en 2019 ?
Gaahl : Voyons voir…Je choisirai l”Art. (Lors de certaines expositions comme à Londres en 2016, Gaahl n’hésite pas à exposer ses peintures NDLR).
Photos : © 2019 Lionel / Born 666
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.