C’est au Hard Rock Cafe de Paris que nous avons rendez vous ce mercredi 3 avril, pour rencontrer Boban Milunovic, l’un des organisateurs et fondateurs du Metaldays. Ce festival, situé en Slovénie, propose une expérience sur une semaine qui diffère vraiment des autres. Voici donc la retranscription d’une rencontre animée où le metal n'était qu'un des nombreux sujets traités.
Bonjour Boban, peux-tu nous présenter en quelques mots le festival pour ceux qui ne le connaissent pas?
Boban : Le Metaldays est un festival un peu différent des autres festivals de metal. L’idée principale est de passer de vraies vacances au milieu de la nature, dans un lieu magnifique, mais avec des concerts de metal au milieu (rires)
Pour toi, tu ne le "vendrais" pas juste comme un festival de metal ?
Boban : Tout à fait, tu peux faire bien plus de choses que dans un festival de metal. Il y a plein d’activités annexes tout autour du Metaldays comme du canyoning, du rafting, du parapente et biens d’autres choses encore. Mais aussi plein d’autres choses que les gens aiment faire quand ils ont bu (rires)
J’ai l’impression que le mot écologie est essentiel pour votre festival et cela se sent énormément dans les efforts faits pour respecter la nature. À quel point est-ce important pour toi ?
Boban : C’est en accord avec mon mode de vie. Cela est même plus important que la vision économique du Metaldays. C’est notre souhait en tout cas, et on pousse au maximum, on fait de notre mieux, pour être un festival écologique. Tous nos efforts vont dans ce sens (NDLR le Metaldays a gagné pour la troisième année consécutive un award de l'association A Greener Festival). Cela nous paraît plus logique d’espérer de faire un fest en accord avec nos idées, qu'il soit le plus écologique possible plutôt que de faire un fest où on est crade, bourré, etc etc… On a juste cette idée de prendre de soin de l’endroit où on est.
Penses-tu que cela puisse être un plus pour attirer le public ? Encore plus dans les années à venir ?
Boban : Je ne pense pas. Ce n’est en tout cas pas l’idée, car c’est un élément qui a ses bons et ses mauvais côtés. Plein de gens vont avoir le sentiment qu’on n’est pas assez metal (rires). Je ne saurais pas expliquer pourquoi, mais pour certains, être metal c’est vivre sans rien respecter, sans bornes ni barrières, car on déteste être "normal". (rires)
Penses-tu qu’il serait possible d’aller vers des solutions toujours plus écologiques, par exemple des toilettes sèches à la place des toilettes chimiques ou dans la gestion des déchets?
Boban : Oui, tout à fait. On est en train d’entamer un programme écologique sur cinq ans. On va justement accentuer cette portée écologique dans les cinq prochaines années. On le rendra disponible à tous très prochainement, mais on a déjà commencé à faire sortir des idées, comme l’interdiction des générateurs électrique au fioul. C’est la première étape, mais il y en aura bien d’autres sur ces cinq prochaines années. On veut rendre le festival complètement vegan d’ici cinq ans par exemple et qu’il n’y ait plus de produits issus d’animaux vendus sur le site. Je ne te parle pas uniquement de la viande hein, mais aussi sur les autres points.
Ben justement tu rebondis sur la question que je voulais te poser. Je ne vais pas me faire des amis sur ça, car c’est toujours le point qui est vu comme une agression en France avec notre culture très viande et fromage, mais depuis 8 ans que je vais au festival, je vois de plus en plus d’alternatives véganes. As-tu des retours en terme de chiffres sur la proportion de repas vegan dans le festival ? Est-ce que les gens se sentent concernés par ce type de nourriture et prennent conscience de la portée écologique de la nourriture végane ?
Boban : On a vendu un peu plus de 50% de nourriture vegan sur le festival l'an passé. On sait bien que tous ceux qui ont acheté ces plats ne sont pas vegan, qu’il y a des carnivores dedans. Mais ils ont choisi de manger autre chose que de la viande, d’essayer de nouvelles saveurs, car cela paraissait bon et ça a eu beaucoup de succès. Le but est d’être entièrement vegan en 2023, mais on ne veut pas les prendre par surprise et c’est pour ça qu’on commence déjà à en parler. Qu’ils aient le temps de réfléchir si le festival est fait pour eux ou non.
Au pire, il y aura toujours des options autres dans les nombreux restaurants à côté du festival.
Boban : Voilà, c’est tout à fait exact.
Y aura-t-il des nouveautés à introduire cette année ou des changements par rapport aux précédentes éditions ?
Boban : Ben pas vraiment en fait. On est déjà sur de bons rails depuis de nombreuses années. Que ce soit avec le lieu, le monde, on ne peut pas tout changer. On ne peut par exemple pas augmenter le nombre de scènes, ni vendre plus de tickets, ni ajouter d’autres groupes à l’affiche. Mais on aura quelques petites améliorations comme l’interdiction des générateurs comme je t’ai dit avant, ou des nouveaux emplacements pour les bars et les restaurants. L’emplacement de la Mainstage sera un peu plus grand qu’avant et d’autres petites choses pour rendre l’expérience la plus agréable possible.
Comment s’est passée l’organisation de l’affiche et la sélection de ses groupes ? Avec seulement 12000 personnes sur le site et des cachets toujours plus élevés demandés par les groupes, n’est ce pas plus difficile qu’il y a quelques années de faire un bon line-up pour vous?
Boban : (il réfléchit beaucoup) Je ne peux pas te répondre précisément. Ça veut dire quoi déjà un bon line-up ? Parce que pour moi, un bon line-up c’est celui que l’on a fait cette année (rires)
Hmm, ce que j’entends par là, c’est un line-up qu’attendent pas mal de gens, avec de grosses têtes d’affiche, qu’on peut voir au Hellfest par exemple, mais pas trop souvent quand même.
Boban : Je vois ce que tu veux dire, mais on travaille très dur, et on a toujours travaillé comme ça, pour découvrir justement les futures têtes d’affiche. C’est notre manière de travailler, mais bien sûr cela ne veut pas dire qu’on ne cherche pas à avoir de gros noms. On est très fier de notre affiche, on essaie d’avoir le meilleur line-up possible, mais surtout, je pense ce qu'on offre au public du Metaldays est assez bien pour qu’ils n’attendent pas Iron Maiden tous les ans (rires) Malheureusement ça n’arrivera pas, mais nous travaillons dur pour créer un festival avec les têtes d’affiche les plus intéressantes possible, en essayant de renouveler avec des groupes plus jeunes. Mais on est très content quand on a la possibilité comme l'année dernière d'avoir des groupes comme Judas Priest.
J’ai lu des avis assez négatifs sur Facebook quant à votre programmation. Ok, l’affiche ne contentera jamais complètement tout le monde, mais j’ai l’impression que quand il y a trop de têtes d’affiche déjà vues ailleurs ça râle, et quand vous tentez de faire autre chose ça râle aussi... Quel est ton avis sur la question ?
Boban : Tu sais, il y a un truc que je n’ai jamais compris quand les gens demandent quel est le plus gros nom sur l’affiche. Est-ce que tu viens pour un groupe, ou pour un festival ? Si tu viens juste pour voir un groupe, va les voir en salle. Mais sinon, tu découvriras plein d’autres choses et verra plein d’autres concerts intéressants dans un festival.
Mais c’est quand même dingue, vu que j’ai l’impression quand je lis les commentaires que plein de gens sont effrayés, justement parce qu’ils ne connaissent pas les groupes qu’il y a sur l’affiche.
Boban : Je n’ai pas peur de ça. Au contraire, je crois dans les groupes qu’on a programmés et en la puissance de leur musique. Je vais te prendre un exemple, quand on a fait venir Volbeat pour un concert en fin d’après-midi en 2008 sur la mainstage, tu avais des tas de gens pour crier « hé, mais ce n’est pas du metal, c’est du Dire Straits énervé ». Regarde maintenant c’est un des plus gros groupes de la scène. (rires)
Justement, je pense à ça quand je vois ton affiche, notamment avec des groupes qui grossissent énormément comme Rise Of The Northstar, Architects ou encore While She Sleeps, qui sont déjà connus, mais n’ont pas encore une popularité qui leur permet de passer en tête d’affiche dans des fests plus généralistes.
Boban : Tout à fait ! (rires)
Aujourd’hui, la plupart des festivals deviennent de plus en plus longs actuellement et accueillent de plus en plus de groupes. Le Hellfest a fait le Knotfest la veille du festival, le Graspop a un warmup, le Brutal Assault dure du mardi au samedi avec son Warmup. N’as-tu pas cette envie toi aussi d’allonger la durée des jours de concert de festival ?
Boban : Non. On était le premier festival de metal qui durait réellement une semaine. Cinq jours de metal, cinq jours consacrés à la musique. On ne peut pas allonger le festival encore plus longtemps. Ce qui est drôle c’est que quand on a fait le festival, tout le monde nous disait "un festival d’une semaine ça ne peut pas fonctionner" et aujourd’hui tout le monde rajoute des jours. Je ne peux pas faire plus de jours de concerts, mais je peux faire les choses différemment. (rires). On va notamment permettre aux groupes qui se lancent, et qui jouent actuellement sur la Newcomers Stage de jouer dans de meilleures conditions dès 2020. On va organiser un festival qui s’appellera le New Metal Festival. Pas nu metal comme Slipknot ou KoЯn hein (rires). Ça sera un fest qui aura lieu le samedi au dimanche. Ça ne changera pas les tarifs pour les gens qui veulent venir sur le festival, et l’accès en avance pour le festival coûtera le même prix qu’aujourd’hui, sauf que vous aurez des groupes en plus à écouter. C’est une partie du Metaldays, mais qui se passera exclusivement sur la seconde scène, dans de meilleures conditions, avec plus de public et d'ambiance, pour les groupes qu'aujourd'hui sur la Newcomers Stage.
Il peut y avoir parfois des orages totalement dingues dans le festival ? Est-ce dû à la région ou bien à cette période de l’année ? Changer la date du festival pourrait être une possibilité pour avoir un meilleur temps ?
Boban : Alors malheureusement, ça ne changera rien (rires). Il faut savoir que Tolmin a vraiment un micro climat. On est dans une ville méditerranéenne très basse, à 200 mètres du niveau de la mer, mais parce qu’elle est entre des montagnes on pense qu’elle est très haute. Alors qu’au final, elle est au croisement du climat montagnard et du climat méditerranéen ce qui peut provoquer une météo imprévisible où des orages improbables sont suivis d’un grand soleil dans la même heure.
Que peux-tu conseiller à un festivalier qui viendrait pour la première fois à Tolmin ? En plus de profiter des concerts bien sûr.
Boban : Je lui dirais de prendre quelques jours pour aller visiter la Slovénie. On est dans un pays magnifique où il y a de magnifiques choses à faire à quelques heures en voiture.
As-tu une idée de la proportion de Français dans le festival et une idée de savoir pourquoi il y a autant de Français aux Metaldays ?
Boban : Je ne peux pas te donner les chiffres exacts, je ne les ai pas en tête, mais les Français sont la troisième plus grosse population du festival derrière les Allemands et les Slovènes. Vous êtes au coude à coude avec les Autrichiens. Une année c’est vous, une année c’est l’Autriche. Je pense que les Français aiment le voyage pour venir jusqu’ici, la beauté du voyage, mais aussi le fait que nous avons de délicieux vins et fromages ici aussi. (rires)
Comment se passe l'enchaînement entre les trois festivals que vous faites l’été (NDLR le Metaldays est suivi du Punk Rock Holiday et de l'Overjam, un festival Reggae) ? N’est-il pas trop dur de remettre en état le lieu sur lequel se trouve le festival ?
Boban : Si la météo est clémente, c’est plutôt facile. Mais effectivement, quand le temps se gâte c’est plus compliqué. Heureusement, les festivaliers sont très majoritairement respectueux du lieu et nos équipes font un très bon travail pour rendre sa beauté au festival.
Est-il possible d’imaginer, en plus des gobelets en plastique recyclés, de véritables gobelets souvenirs qui nous permettraient de garder un souvenir dans lequel boire du festival ?
Boban : Malheureusement non. On a essayé de trouver des solutions pour faire des gobelets les plus éthiques et les moins polluants possibles. Et comme nous n’avons pas trouvé, nous faisons aujourd’hui des gobelets qui ressemblent à du plastique, mais qui sont en fait totalement biodégradables et compostables en seulement quelques semaines (NDLR Les gobelets sont faits à partir de protéines de pomme de terre). Tu n’es pas le premier à me poser la question et à chaque fois je leur dis que le plastique n’est malheureusement pas entièrement recyclable. La seconde chose, tu dois constamment le nettoyer et gaspiller de l’eau pour ça. Et troisièmement, la loi slovène est super difficile là-dessus. Chaque gobelet devrait être stérilisé et remis dans un emballage plastique à chaque utilisation. C’est inconcevable pour nous qui essayons d’être le plus écologique possible. C’est un non-sens complet (rires)
Depuis le temps que tu en parles, pourquoi Gojira n’est toujours pas passé aux Metaldays ? Car pour moi, il s’agirait d’un groupe qui irait parfaitement par rapport à ce que tu me dis depuis le début de l’interview.
Boban : Je suis totalement d’accord. On le pense tous, le Metaldays est le festival parfait pour Gojira. Vu la philosophie du groupe, il n’y a pas meilleur choix pour célébrer leur show que de venir aux Metaldays, dans ce lieu magnifique. Je ne pense pas que ce soit le fait du groupe, mais juste des tourneurs, des agents, et surtout des opportunités. On est pas chanceux, car notre situation fait que notre fest a lieu après ceux de juin, et une semaine avant ceux du mois d’août. Un festival comme le Wacken a lieu une semaine après et il n’y a pas d’autres événements entre les deux nôtres. J’ai eu cette situation l’année dernière avec Gojira. Leur manager m’a dit qu’ils s’accordaient trois semaines de vacances entre leur date à Madrid avec Iron Maiden et le Bloodstock Open Air. "C’est bien pour vous !" Qu’est-ce que je pouvais dire de plus ? (rires)
Peux-tu nous parler des Winter Days of Metal ? Quel est le succès rencontré par les deux premières éditions du festival ?
Boban : Ça sera la troisième édition des Winters of Days of Metal cette année. Nous avons vendu assez de tickets pour couvrir les frais les deux premières années. Maintenant c’est beaucoup plus facile pour nous, vu que le festival commence à être connu auprès du public. Les gens savent que tu peux profiter de concerts, et te relaxer dans un spa ou faire du ski dans des montagnes géniales si tu as envie.
Quand nous avons commencé, les gens étaient surpris : "est-ce que ça aura vraiment lieu ou pas ?". Maintenant qu’on a fait ça une première fois, que la deuxième édition s’est très bien passée aussi le public réfléchit de plus en plus à venir. Quand tu enchaînes les éditions, le bouche-à-oreille commence à prendre et maintenant la communauté parle beaucoup de ce festival.
D’ailleurs le festival est devenu tellement connu auprès de tous que même de gros festivals comme le Wacken ont copié votre formule…
Boban : Oui, mais dès qu’il y a de bonnes idées, le Wacken les copie, ça n’a rien de nouveau (rires)
Maintenant, pour finir cette interview, quels seraient tes arguments pour pousser un indécis à venir aux Metaldays ?
Boban : Si tu cherches une expérience différente, que tu aimes découvrir de nouvelles expériences, prendre du bon temps et faire des choses que tu ne ferais dans aucun autre festival metal, et dans le même temps profiter de supers concerts dans un environnement unique, je pense que le Metaldays est le meilleur endroit pour toi. La Slovénie est un beau pays, les prix sont assez bas et je pense que l’investissement pour venir au Metaldays vaut vraiment le coup.
Les derniers billets pour le festival sont en vente sur le site officiel Metaldays.net
Merci à Boban Milunovic et à Roger de Replica Promotions pour nous avoir accordé cette interview.
Crédits photos : ©Antoine Beaucourt. Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.