Guitariste de Monsters, dont le premier album The Ends vient tout juste de paraître, Mat Chiarello est également guitariste chez W.I.L.D dont vous avez régulièrement entendu parler dans nos pages. Pourtant, avec Monsters, le musicien s'éloigne du death/thrash de W.I.L.D pour voguer vers un metal plus progressif, parfois djent, varié et sur lequel il est finalement assez difficile de coller une étiquette. Nous avons donc voulu en savoir plus sur cet autre projet. Entretien en toute simplicité.
Bonjour Mat et merci de nous accorder cet entretien pour la sortie du premier album de Monsters, The Ends. Sur votre page facebook, vous définissez le groupe comme étant du metal alternatif. Pourquoi une telle étiquette ?
Salut La Grosse Radio et merci pour votre intérêt! On a bien galéré à trouver une étiquette qui nous corresponde...on voulait quelque chose de simple, c'est pourquoi on a laissé tomber notre première idée de "Black doomcore metal triphasé à tendance Grecque du Sud" et opté pour metal alternatif. Et puis ça représente bien l'idée de départ, on fait ce qu'on a envie de faire sans se soucier des codes, des styles ou des courants...
L'album propose un metal à la production moderne, mais qui lorgne vers le progressif, avec une alternance de chant clair / saturé et des passages acoustiques / ambiants arpégés. Parfois, on retrouve également un petit côté djent (la partie centrale de "The Watcher" par exemple). Cette direction artistique était-elle assumée dès le départ ? Ou bien votre son a évolué depuis votre formation en 2013 ?
Notre style et notre son ont en effet pas mal évolué, assez naturellement et sans rupture. Je pense que le second album, qui est déjà en grande partie écrit, confirmera cette progression. Mais on y retrouve ce côté progressif dans les structures, il y a toujours beaucoup de sons clairs et de parties ambiantes, et bien sûr l'alternance des deux chants.
Le chant de Nono, notamment en voix claire, me fait songer à du Soen, voire du Tool. Est-ce quelque chose dont vous êtes conscients ?
Ca fait clairement partie de ses références, et des miennes aussi ! Pour être honnête, l'influence de Tool est celle que l'on a presque voulu gommer volontairement, tant on a pu entendre de groupes les imiter, leur ressembler...Mais ils ont eu une telle importance dans nos vies musicales que j'imagine que ça nous influence inconsciemment. On entend beaucoup moins que Nono est fan de François Valéry, par exemple. K2 (guitare, François Valéry) écrit pas mal de lignes de chants aussi, on bosse souvent à deux ou trois, la formule est variable et les idées viennent de partout. Ju (machines, chants saturés) donne souvent un coup de main pour ses propres parties de chant et pour l'écriture des textes.
Le titre de l'album est The Ends, au pluriel. Que faut-il y voir ? Quelle est la thématique derrière chaque morceau et est-ce un album concept ?
On est parti d'une fiction post-apocalyptique qu'on a inventée et développée ensemble au fur et à mesure du processus d'écriture. Chaque texte a pour narrateur un personnage différent, chacun vivant la fin du monde à sa manière (l'observateur, le héros, le soldat rebelle, le futur zombie...). A partir de cette base là, on a essayé d'écrire sans rentrer dans le concret de l'histoire, mais en ne gardant que sa symbolique. L'idée étant de rester suffisamment évasif pour que les auditeurs puissent se faire leur propre histoire, s'identifier plus facilement... "The Unspeakable", par exemple, raconte à l'origine l'histoire d'un type qui vit enfermé chez lui entouré de souvenirs et qui attend chaque jour à la même heure le moment où sa femme lui apparait enfin, mais morte... Rien dans le texte ne permet de comprendre que c'est de cela qu'il s'agit vraiment, mais on pourrait imaginer qu'on parle d'un malade en fin de vie, ou même d'une rupture amoureuse, de la fin du rouleau de PQ, ou des haricots... On part donc d'une fiction sur la fin du monde, mais on a fait en sorte que ça puisse s'appliquer à toutes les fins possibles.
Sur "Deserter's Pride", on retrouve en guest ton comparse de W.I.L.D, Jérôme Thilly. Est-ce une façon de faire écho à vos influences prog où dans les années 70's les musiciens étaient tous intimement liés au sein d'une scène (notamment entre Yes, King Crimson etc...) ?
Oui, c'est vrai qu'il y a de ça chez nous, beaucoup de musiciens et de potes communs à W.I.L.D, Monsters, One Eye Dollar... Mais c'est vraiment sa voix qu'on voulait, et je savais qu'il écrirait quelque chose de catchy et efficace, bim tac !
Lorsque tu composes, comment sais-tu si un riff va aller pour Monsters ou pour W.I.L.D ? Sachant que sur le dernier W.I.L.D, tu as apporté pas mal de plan mélodiques et progressifs justement ?
Ca ne me pose pas vraiment de problème, les manières de travailler et mes rapports au groupe ne sont pas du tout les mêmes. Pour W.I.L.D je m'adapte à l'univers d'un groupe qui a déjà ses codes et ses habitudes, Fred (Patalas, autre guitariste de W.I.L.D NDLR) compose énormément et il faut rester cohérent dans ce que j'apporte. Monsters pour moi c'est la suite logique de ce que j'ai toujours fait dans mon coin, j'écris et je maquette tout, c'est ce qui sort de ma tête sans restrictions et qui va là où j'ai envie que ça aille. Mais cette fois-ci je voulais en faire quelque chose de sérieux et abouti, et je voulais le faire avec des potes de longue date. K2 a écrit "Return to Nowhere" et beaucoup de lignes de chant, Ju a apporté énormément de samples et sons divers, Nono a travaillé sur les chants (et bu) pendant des mois au studio avec moi, Steph (basse) et Fred (batterie) ont bien remanié les bass/batt et ont amené plein d'idées. Et bu, eux aussi.
Sur le dernier W.I.L.D, tu nous as d'ailleurs montré que tu savais chanter et que tu avais une sacrée voix claire ("Waiting to the Savior"). As-tu songé à faire vibrer tes cordes vocales sur The Ends ?
Merci pour le compliment! Non, on n'entend pas ma voix sur The Ends, même s'il parait qu'on m'entend roter à 18 min 12 sec. Par contre on m'entendra sur le deuxième album, il y a déjà des maquettes de faites. Je bosse actuellement avec un coach vocal autrichien qui s'appelle Otto Thunn (votre serviteur applaudit le jeu de mot NDLR), il m'aide à réaliser des prouesses dont je ne me savais pas capable!
Certains titres sont plus longs que d'autre sur l'album, notamment "Deserter's Pride", "Final Outburst" et surtout "The Unspeakable". Lors du processus de composition, comment savez-vous lorsqu'un titre est terminé ?
Comme je te le disais, je ne me fixe pas beaucoup de limites quand j'écris. Si j'ai en tête une structure un peu épique, que je suis inspiré et que je trouve que ça fonctionne ça peut durer 15 minutes (rires). Mais je remarque que la plupart des titres, y compris les prochains, tournent autour de cinq minutes...Ca doit être mon rythme naturel, il n'y a rien de volontaire là-dedans. Et il n'y a aucune allusion à mes performances sexuelles dans ce paragraphe.
L'album a été en partie financé via Ulule, un système que tu connais bien puisque c'est ainsi que les deux deniers opus de WILD ont également été préparés. Que t'inspire ce mode de financement de plus en plus utilisé à l'heure actuelle ?
Nous on le prend comme une prévente, on ne demande pas de mécènes ou d'actionnaires, les gens achètent un CD ou du merch. La seule différence, est c'est en ça que leur soutien est indispensable, c'est qu'ils payent d'avance. Mais ils reçoivent leurs colis chez eux, avec des petits bonus. Je sais bien que tout le monde ne le voit pas de manière aussi simple, ce genre de pratiques fait débat. Mais sans le projet Ulule on n'aurait toujours pas sorti l'album...
L'artwork de l'album est particulièrement soigné. On y distingue une silhouette esquissée au crayon ou au fusain. Qui est l'auteur et quelle consigne lui avez-vous donnée ?
Steph nous a présenté Simon Back, qui sait faire plein de choses dans plein de styles. On avait pas forcément d'idées fortes, si ce n'est "sobre, un peu abstrait, et pourquoi pas lumineux-mais-sale-quand-même?". On a été bluffé par ses premiers jets, et on est allé de bonne surprise en bonne surprise tout au long du processus de création de l'artwork. C'est également Simon qui a dessiné notre logo, réalisé la typo du nom Monsters, il est aussi à l'origine du design de la Twingo II et a peint la Joconde.
Quels sont vos projets pour les mois à venir ? Avez-vous déjà entamé la composition du prochain album ?
Une dizaine de titres ont déjà été maquettés, dont quelques-uns avec du chant. On va commencer à bosser ça tous ensemble, tout en continuant à démarcher pour trouver de bonnes dates et défendre The Ends sur scène. On pense également à un clip, et on se prépare à filmer un live en fin d'année. Fred voudrait changer de sexe "avant Noël, Steph et K2 s'installent ensemble... 2019 sera une année chargée pour Monsters!
Interview réalisée par mail en mai 2019
Photo promotionnelle : DR