Quelle chaleur dans la capitale en ce premier jour du mois de juillet, et ce n'est pas à la plage mais bel et bien dans la petite salle du Glazart que se prépare l'un des concerts les plus attendus de l'été, présenté par Below the Sun et Garmonbozia. Les Américains de légende Corrosion of Conformity viennent ce soir faire dégouliner leur heavy metal sudiste dans une atmosphère fiévreuse que le public parisien, venu nombreux, n'oubliera pas de sitôt.
Witchfinder
Le trio stoner chargé d'ouvrir la soirée est originaire de la région de Clermont-Ferrand. Devant un mur d'enceintes orange, les trois solides gaillards envoient sans tarder de gros riffs bourdonnants pour un sludge / stoner rock bien groovy qui prend assez facilement auprès du public déjà présent.
La voix aérienne de Clément, à la basse et au chant, s'élève pour des passages éthérés avec de belles harmonies vocales, puis passe au scream avec des accélérations ponctuées de rires diaboliques dans quelques passages assez doom tirant vers l'occulte.
Quelques morceaux sont présentés par le vocaliste, et l'on apprend que Witchfinder nous offre ce soir la quasi-totalité des titres de son tout récent second album, intitulé Hazy Rites.
Dans l'ensemble c'est un set efficace que Witchfinder réalise, grâce à la qualité narrative des compositions et une rythmique impressionnante, œuvre de l'imperturbable Thomas derrière les fûts, qui fait s'agiter les tête. Malgré des problèmes de son, la voix parfois peu audible, et des jeux de lumières inexistants, Witchfinder aura réussi à convaincre en ouverture de la soirée, et à faire, déjà, monter dangeureusement la température.
Desert Storm
Les cinq hommes qui tentent de se faire une place sur la microscopique scène du Glazart sont originaires d'Oxford en Angleterre, mais on est loin de l'image assez guindée et BCBG de sa prestigieuse université quand retentissent les premiers accords du morceau "Journey Ends". C'est que d'emblée, Desert Storm envoie du lourd, avec une maîtrise et une créativité indéniable.
Portée par la voix et l'interprétation de Matt Ryan au micro, la formation entame un set heavy, sludge aux tonalités psychédéliques assez rétro. Il faut dire que Desert Storm n'en est pas à ses débuts. Après douze ans d'existence et cinq albums à son actif, le groupe est rodé, en place, et prêt à en découdre. Sa recette : un savant mélange de groove catchy voire funky et de sludge lourd et alambiqué.
Le son est bien mieux réglé désormais, du moins pour ce qui est des instruments, et les riffs acrocheurs s'enchaînent, invoquant l'esprit de Clutch, Down, Led Zeppelin ou encore Black Sabbath. Les deux guitaristes et le bassiste en imposent, accompagnés magistralement par le batteur, impeccable, qui a l'air aussi inspiré que le vocaliste, saisissant dans son interprétation et dans la palette de chant qu'il montre ce soir, du growl gras au chant clair en passant par une voix basse tendant vers le slam, malheureusement souvent sous-mixée.
Le public ne s'y trompe pas, un pogo se lance, les cris et applaudissements viennent saluer la prestation des sympathiques Britanniques venus tout emporter sur leur passage... non pas comme une tempête dans le désert (ce serait bien trop facile) mais plutôt comme un acte fiévreux, habité et à l'identité bien marquée.
Setlist Desert Storm
- Journey Ends
- Vengeful Gods
- Too Far Gone
- The Brawl
- Queen Reefer
- Kingdom
- Titan
- Scorpion
- Enslaved
Corrosion of Conformity
Si le public parisien pensait avoir atteint des records de température, c'était sans compter sur Corrosion of Conformity qui va brillamment plonger le Glazart, complet, dans un sérieux état de fièvre !
Après un passage remarqué quelques jours auparavant au festival Rock In Bourlon, c'est à nouveau dans la petite salle parisienne, quatre ans après son dernier passage, que la formation de Caroline du Nord a choisi de se produire. Depuis le retour du frontman Pepper Keenan (qui avait passé plusieurs années loin du groupe pour se concentrer sur Down), Corrosion of Conformity a repris un rythme intense de tournées, et celle-ci a un goût particulier de nostalgie puisque l'essentiel de la setlist sera consacré à l'opus désormais classique Deliverance, sorti en 1994.
Avec une maîtrise et une humilité indéniables, le quatuor va ce soir retourner le Glazart, et ce dès les premières secondes du set. Le sourire aux lèvres, Pepper Keenan, Woodroe Weatherman et Mike Dean, accompagnés ce soir de Jon Green à la batterie, entament un retentissant "Seven Days" et enchaînent sur un rythmé "Senor Limpio". Les réactions ne se font pas attendre dans le public qui s'agite et encourage la formation en reprenant en chœur les refrains.
Si les trois premiers titres ont emporté l'adhésion, quand retentissent les emblématiques "Heaven's Not Overflowing" et surtout le tube "Albatross", le public plonge dans la folie furieuse. Slams et pogos s'enchaînent devant le heavy metal magistral asséné par CoC, alors même que le plafond très bas de la salle ne le permet pas forcément.
Quelle prestation, et quelle maîtrise ! De quoi ravir les fans de la première heure comme les nouveaux amateurs, que ce soit avec les soli impeccables de Pepper et Woody, qui ne quittera pas son large sourire, la rythmique solide et efficace imposée par Jon à la batterie et Mike à la basse, très en forme. Les titres coups de poing s'enchaînent, les corps transpirent à l'extrême, que ce soit sur scène ou dans le parterre, et la chaleur humide rappelle ce sud américain cher au groupe, ce que Pepper souligne d'un "This is not Paris, this is fucking Louisiana !".
Espiègle, Pepper ("Je m'appelle Poivre!") joue avec le public, l'asperge volontiers d'eau et se montre assez loquace. La folie est à son comble avec le puissant hymne "Vote With A Bullet". Même les instruments dégoulinent, et le set se termine déjà avec "Wiseblood" repris par le public et "Who's Got the Fire".
Le classique "Clean My Wounds" en rappel et c'est déjà la fin de ce concert tellement intense qui a prouvé à qui ne le savait pas encore que Corrosion of Conformity est sans conteste un pilier du stoner metal. Une expérience rare pour les fans de trente ans, et les autres, qui sortent comme assommés, par la chaleur certes mais aussi par ce sentiment d'avoir pu assister à un moment d'exception.
Setlist Corrosion of Conformity
- Intro : Mano de Mono
- Seven Days
- Señor Limpio
- It Is That Way
- Heaven's Not Overflowing
- Albatross
- My Grain
- 13 Angels
- Diablo Boulevard
- Vote With a Bullet
- Wiseblood
- Who's Got the Fire
- Clean My Wounds
Photographies ©David Poulain 2019. Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe.