Interview Victor Guillet – Betraying The Martyrs

Interview Victor Guillet – Betraying the Martyrs

En juillet dernier, les membres de Betraying the Martyrs subissaient la perte tragique de pratiquement tout leur matériel lors d’un incendie qui écourta leur tournée aux USA.  Mais les membres du groupe ne se sont pas laissé abattre par cet évènement traumatique. Bien au contraire, ils ont encore plus la niak et sont prêts à tout donner pour la sortie de leur prochain album Rapture qui paraitra le 13 septembre. Nous avons eu l’occasion de pouvoir papoter avec Victor Guillet, claviériste et seconde voix du groupe qui nous a révéler quelques petites choses sur ce prochain album et leurs futures tournées française et européenne.

Dix de carrière déjà pour Betraying the Martyrs ! Quel bilan fais-tu de ces dix dernières années ?

Victor : Dix ans de carrière, olalala, je ne me sens plus du tout dans le même état d’esprit que lorsqu’on a commencé. On a tellement plus les mêmes attentes. Je pense qu’on est tous assez d’accord là-dessus. On passe d’une étape à l’autre après chaque album. On dépasse les objectifs qu’on s’était fixé les uns après les autres. Et on s’en trouve à chaque fois des nouveaux. On met la barre toujours plus haut, autant musicalement qu’en terme de carrière. On se pousse toujours à être en évolution. On essaye de ne pas tomber dans le piège où certains groupes sont tombé. Après dix ans de carrière, je pense qu’on peut avoir tendance à se reposer sur nos lauriers. Il y a des groupes qui album après album sortent un peu toujours la même recette. Et puis, qui refont les mêmes tournées. Mais je crois que si je fais notre bilan, c’est qu’au bout de dix ans on a toujours autant la dalle ! On toujours envie d’aller plus loin, de franchir de nouvelles frontières, de rencontrer et toucher toujours plus de gens. Cet album le prouvera, de toujours prendre des risques musicalement, pour pousser notre musique toujours plus loin.

Ça se ressent également par rapport aux moyens que vous avez mis en œuvre pour promouvoir la sortie de cet album, notamment avec le clip de ‘’Parasite’’ qui a un aspect plus scénarisé et très métaphorique. Il n’y a plus que des plans de vous en train de jouer en grande partie. Vous avez aussi fait la vidéo ‘’Eternal Machine Tour’’ qui ressemble à un mini documentaire où Aaron donne ses impressions par rapport à votre carrière et votre musique. Il y dit également que Rapture est un album qui se focalise beaucoup sur vos propres expériences personnelles, vos ressentis. Toi, quel ressenti as-tu par rapport à ce nouvel album ?

Victor : Quand Aaron a dit ça, je pense qu’il a voulu parler de la façon dont on écrit les paroles. On a toujours eu ce même système où chacun a le droit de s’exprimer dans le groupe. C’est-à-dire qu’à un moment donné, chacun dans le groupe à le droit d’aller voir Aaron de lui dire : ‘’Il m’est arrivé telle chose. Je n’ai jamais réussi à coucher cette expérience sur du papier, mais ça me touche réellement et j’aimerais pouvoir en parler dans une chanson. Utiliser le metal qui est une musique violente pour transmettre un message fort.’’ Après, Aaron écrit plein de paroles sur ce thème, et on les met en musique. C’est que ce nouvel album est vraiment plein de ressenti, car on y parle vraiment de choses qui nous sont arrivées directement à chacun. Par exemple, dans la chanson ‘’Parasite’’, Aaron a vraiment mis ses trippes sur la table. C’est vraiment lui qui se lâche, on ne lui à rien demandé pour ce morceau. Il parle vraiment de la bataille intérieure qu’il vit avec son parasite depuis longtemps. Ça lui tenait vraiment à cœur de faire une chanson là-dessus. Quand on a dû faire un clip sur ce thème-là, tous les visuels paraissaient un peu évidents. On a envoyé les paroles de la chanson à notre ami Igor qui fait tous nos clips depuis The Resilient. Et c’est lui qui est tout de suite arrivé avec un scénario, en nous disant : ‘’Là je vois une espèce de monstre qui personnifie le parasite avec lequel Aaron est en combat.’’ Il nous a proposé des visuels qui nous ont plu tout de suite. C’est cool quand le côté visuel vient aussi rapidement derrière les paroles. On est tout de suite inspiré, tous d’accord. Il y a une alchimie qui se crée. C’est un sentiment qui est assez cool.

C’est vrai que le clip fonctionne bien même si on ne comprend pas forcément les paroles, on peut visualiser tout de suite de quoi parle la chanson. Et quand on comprend les paroles, c’est encore mieux parce que le clip met vraiment des images sur chaque mot.

Victor : J’adore ressentir ça quand je regarde des clips d’autres groupes. Du coup, ça me fait vachement plaisir que t’aies ce ressenti.

Et pourquoi avoir choisi le format du mini documentaire pour la vidéo ‘’Eternal Machine Tour’’ ?

Victor : Pourquoi ce format ? Eh bien, parce que c’était la première fois qu’on allait en Asie et que c’était une étape importante pour nous de découvrir ce continent après neuf ans de carrière. C’était vraiment découvrir un tout nouveau continent. Un tout nouveau public. Aller à l’autre bout du monde, c’était une étape importante pour nous. Et il s’est trouvé qu’on a un ami à nous qui s’appelle Malik qui fait de la vidéo et qui est parti vivre à Shanghai. On est entré en contact avec ce mec-là. On l’a appelé pour lui dire : ‘’Eh mec, on est en Chine. Ce serait cool de te voir.’’ Et lui, son intention n’était pas que de nous voir. Il nous a dit qu’il faisait de la vidéo maintenant à Shanghai et qu’il voulait faire une vidéo pour nous et que ce serait cool qu’on trouve les moyens de la faire. On s’est bougé un petit peu. On a trouvé des sponsors et on a fait cette vidéo. Pis Malik est extrêmement talentueux. Il savait exactement ce qu’il fallait filmer et à quel moment. Il savait exactement de quoi il avait besoin pour faire une vidéo de qualité, où on verrait tout ce qu’il y a d’important. Du coup, il nous a bien drivé. Il nous a suivi pendant quatre jours. C’était vraiment une super expérience de travailler avec lui. Je suis très très content du résultat. J’ai même regardé à nouveau le documentaire quand il est sorti et j’ai envoyé un message à Malik pour le remercier encore une fois pour son boulot. Pour moi c’est un vrai plaisir. C’est une vidéo pleine d’émotions. C’est génial de pouvoir revivre cette expérience avec de si belles images.

Dans cette vidéo, on n’a que le ressenti d’Aaron. Il le partage en anglais et certaines personnes se sont plaint que justement cette vidéo soit en anglais et non en français.

Victor : Oui, c’est vrai et on devrait mettre des sous-titres. Je crois que la traduction française a été mise dans la description de la vidéo. On accorde beaucoup d’importance à notre public français. C’est notre premier public, les premières personnes à nous avoir soutenu et qui nous ont amené là où on est aujourd’hui. Mais on ne peut pas nier que notre public s’étend dans le monde entier. Et si on sort une vidéo en anglais, il n’y a qu’une petite partie du public français qui va nous dire : ‘’ Oh, les gars, vous auriez pu faire la vidéo en français.’’ La plupart des gens comprennent que si on veut avoir une diffusion à l’international, c’est plus logique qu’elle soit en anglais. Alors que si on sort une vidéo en français, il y aura 90% de notre public qui nous dira : ‘’Non mais là les gars on ne comprend rien !’’ C’est un choix qui est difficile à faire mais qui est évident. On ne peut pas parler en français sur nos vidéos, parce que le public français représente moins de 20% de notre public, et on ne peut pas se permettre d’ignorer le reste.

 


Et pourquoi n’avoir mis qu’Aaron en avant et ne pas avoir tous partagé un peu de vos impressions ?

Victor : ça nous paraissait plus facile. Ça nous paraissait plus audible et plus vendeur. On s’est dit que ni chacun d’entre nous débarquait avec son accent français pour raconter ses propres trucs, on allait s’y perdre et ça perdrait un peu en crédibilité. Tu nous imagines avec nos gros accents français à dire des conneries du genre ‘’Oh … yes … euh … I really like … euh…’’, franchement, non. Il valait mieux que ce soit Aaron qui parle. C’est lui qui gère ce genre de chose. Chacun a vraiment son poste dans BTM. Chacun a ses responsabilités. Chacun à ses tâches. Et celle d’Aaron, c’est d’être l’ambassadeur du groupe. C’est lui qu’on met en avant quand il s’agit de s’adresser à notre public. Ça lui convient et ça nous convient très bien comme ça. On est tous très occupé. On a tous nos trucs à faire. Il y en a un qui gère la technique, un qui gère les réseaux sociaux, un qui gère les visuels. On a vraiment chacun son poste et quand il s’agit de s’adresser à notre public via des vidéos qui vont être vues dans le monde entier, on a aucun problème à mettre Aaron en avant. C’est un très bon ambassadeur. Il assume très bien ce rôle. Il représente le groupe, il parle pour nous et ça ne nous dérange pas, au contraire.
 


On va commencer à parler un petit peu de votre nouvel album. Déjà, il sort le vendredi 13 septembre. C’est un choix délibéré ou une pure coïncidence ?

Victor : Pur hasard, mais je trouve ça marrant ! Je trouve ça cool.

Le titre de ce nouvel album est Rapture, que l’on peut traduire par le mot extase, mais qui a aussi une connotation religieuse. C’est le moment où Dieu accueille ses plus fervents disciples au Paradis.

Victor : Ouais, en fait c’est un passage biblique qui est le moment où Dieu vient tirer les âmes dignes vers le haut pour les sauver de l’Apocalypse et les emmener au Paradis.

Est-ce que ce mot a une réelle signification pour vous ? Est-ce que vous avez voulu mettre cette connotation religieuse en avant avec cet album ?

Victor : On a voulu mettre cette connotation religieuse parce que l’épisode biblique représentait un peu notre état d’esprit, sans vouloir prêcher bien sûr. On ne veut pas faire passer de message biblique ou quoi ce soit. Ça fait un petit moment qu’on s’écarte de ce message religieux. On garde juste le message positif qu’il y a toujours eu dans Betraying The Martyrs. Un message qui va vraiment de l’avant, qui n’est pas forcément très dark. Mais après, la réflexion qu’on s’est faite avec la pochette et le titre de l’album… c’est qu’on était parti de cette fleur blanche qui représente un peu ce côté pur de l’innocence, qui nous représente un peu nous. Dans le sens où Betraying The Martyrs est un groupe qui essaye d’avoir un message positif comparé à d’autres groupes de metal. Et qui essaye de faire des chansons avec une morale à la fin. Donc, oui… cette fleur nous représente et elle est happée vers le bas. Elle est comme un peu malade, rongée par une maladie. Pour faire écho à notre single, elle est un peu parasitée. Et donc cette fleur parasitée c’est nous, car sur cet album, on a un petit peu plus assumé notre côté dark, je pense. Depuis les débuts de BTM, on a essayé de faire quelque chose de plutôt lumineux. On nous a même catégorisé dans le white metal. Et là pour Rapture, autant musicalement qu’au niveau du message, on a quand même assumé un truc un peu plus dark, un peu plus metal en nous. On est assez content du résultat. Et on pense que tout ça va nous tirer vers le haut, comme cet épisode de la Bible.

C’est vrai que pour avoir écouté ce nouvel album, les riffs sont bien plus lourds, bien plus sombre. Il y a juste le clavier qui vient essayer de percer cette noirceur, de temps à autre, qui donne un aspect lumineux, mais il se fait vite happer par le côté plus sombre des différents morceaux. Du coup, cette pochette d’album illustre plutôt bien la musique contenu dans l’album.

Victor : Merci, beaucoup, ça fait plaisir. En fait, on a pas mal réfléchi à comment on construisait les chansons. C’est vraiment un truc sur lequel on a beaucoup évolué, je pense, depuis le début du groupe. On construit des chansons qui sont de plus en plus digestes. Et surtout, des chansons qui ont une identité, une âme, du début à la fin. Au début de Betraying The Martyrs, pour le premier album, Breathe in Life, entre autres, on avait tout à prouver. On était des petits jeunes. On venait juste de débarquer. On a eu tout à prouver, et dans chaque chanson, on mettait tout ce qu’on savait faire. Je pense qu’aujourd’hui on arrive à mieux équilibrer nos chansons. On arrive à se dire que dans telle chanson, on voudrait plus faire paraître cet état d’esprit, plus qu’un autre. On s’écarte vraiment de ce mode d’écriture où on tartinait dans chaque chanson. J’ai envie que chaque chanson veuille dire une seule et même chose du début à la fin, et qu’il n’y ait pas d’incohérence au milieu de la chanson. Ça ne sert à rien de tout mettre dans une chanson parce qu’on final, c’est un album qu’on sort et pas un seul morceau. C’est mieux de montrer des choses différentes sur onze tracks que de vouloir tout mettre dans une seule chanson.

Pour toi, c’est quoi la meilleure chose dans la création d’un album ? Le composer ? L’enregistrer? ou le jouer sur scène ?

Victor : Franchement, c’est la raison pour laquelle j’aime tellement ce que je fais. Rien n’est jamais pareil. C’est parce que justement, il y a des phases de tournée, des phases sur la route, des phases à jouer sur scène, des phases de studio, des phases de composition. Et puis depuis l’album Rapture, on a changé notre façon de composer. On a trouvé un corps de ferme qui a été aménagé en studio, dans la région nantaise. Et s’est enfermé là-haut deux fois deux semaines. On passe vraiment deux semaines en autarcie totale. On est que tous les six. On fait de la musique de 11h à minuit. Le lendemain matin on se lève en ayant hâte d’écouter ce que l’on a bouclé la veille. On a vraiment adoré bosser comme ça. J’aime vraiment énormément chaque aspect de ce métier. C’est pour ça que j’aime autant ce que je fais. J’ai souvent eu cette conversation avec mon ingé son qui lui n’a fait que du live. Il est tout le temps en tournée avec tel ou tel groupe. Il ne fait que de la route et des concerts. Mais même si c’est un de mes aspects préférés du métier, je crois que si c’était 100% ça, je ne m’y retrouverais plus. Ce que j’aime, c’est justement passer d’une phase à l’autre.



En parlant de tournée, vous avez prévu une release party le 14 septembre à la Maroquinerie. Est-ce que vous avez prévu quelque chose de spécial pour cette date ?

Victor : ça va être une date un peu particulière. C’est notre release party à Paris. Il va y avoir plusieurs potes qui vont venir faire des fits sur scène. Il va y avoir quelques surprises. Je pense que ça va être cool. J’ai hâte. Ça va faire un petit moment qu’on n’a pas joué à Paris en plus. L’affiche est cool. J’ai très envie de revenir jouer à La Maroquinerie parce que c’est une bonne salle. Ça va être bien. Et puis, ça fait toujours plaisir de rafraîchir notre set. Ça fait deux ans qu’on joue les mêmes chansons de The Resilient, même si des fois on fait des petits changements. Là, il va y avoir cinq ou six nouvelles chansons. Ça me fait vraiment plaisir de revenir à quelque chose de nouveau. Ça me manquait.

Vous avez une grosse tournée française et une tournée Européenne qui vous attendent. Vous vous sentez comment après avoir dû annuler la fin de votre tournée américaine à cause de l’incendie qui a ravagé votre matériel ?

Victor : Je pense parler au nom de tout le monde en disant que ce n’est pas la peur qui nous dirige. Franchement, on est peu rentré chez nous la queue entre les jambes, et j’ai hâte de prendre une revanche là-dessus. On a reçu énormément de messages de soutien de plein de fans qui nous ont dit qu’il était hors de question que BTM arrête de faire de la musique. On a aussi reçu pas mal de soutien via le Go Fund Me qu’on a lancé pour nous aider à rembourser nos dettes et à racheter du matériel. Il y a eu un tel engouement, un tel soutien, que quand on reçoit des messages comme ça on n’a pas d’autre choix que de continuer. On a reçu des messages d’étudiants nous disant que même s’ils n’avaient pas trop les moyens de nous aider, ils aimeraient que BTM continue à faire de la musique. Quand on reçoit des messages comme ça, on a vraiment envie de se remettre en selle. Pis là c’est bon, toutes les dates sont déjà bookées, on remet sur les rails et il en faudra vraiment beaucoup plus pour arrêter BTM.

Une dernière question. Si tu devais choisir un seul mot pour expliquer ce que Betraying The Martyrs représente pour toi musicalement et personnellement parlant, lequel serait-il et pourquoi ?

Victor : Pour moi ce serait le mot EPIQUE, parce que pour moi, dans la musique que je compose il y a des passages très grandiloquents. Je fais pas mal de grosses montées d’orchestre qui sont bien épiques. Et puis même dans les refrains… Pour moi le but dans BTM c’est de sauver le monde à chaque refrain. Pis d’avoir les gens qui hurlent avec moi et qui se joignent à mon hymne. C’est une dimension qui est importante pour moi. Et puis, BTM c’est un rêve qui est là depuis le début, qu’on nourrit, qu’on travaille ; ça reste une expérience qui nous fait réaliser les rêves qu’on a depuis qu’on a quinze ans. Et comme je le disais avant, album après album, on passe de nouvelles étapes. Il ne se passe pas un mois sans que je ne fasse deux pas en arrière et que je me dise ‘’Ouah, on a fait tout ça !’’ On continue à pouvoir grimper et il y a un côté épique dans tout ça justement. On arrive vraiment à réaliser nos rêves.

Merci beaucoup pour tes réponses.

Victor : Merci à toi.
 

Interview: Eloïse Morisse



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