Dimanche 23 juin, Mainstage 1, 0h35
Tool
Une fin en apothéose
Cette année, le Hellfest a frappé très fort pour sa tête d’affiche de clôture, avec un groupe dont la réputation s’est en partie bâtie sur sa rareté sur les scènes hors Amérique et surtout sur disque. Alors, avoir le groupe pour sa première date française en douze ans et alors qu’il s’apprête à sortir son premier album en treize ans, c’est un événement.
Même si certaines zones sur les côtés de la Mainstage se sont un peu vidées, la fosse est encore très pleine, et les fans attendent impatiemment l’arrivée de Maynard James Keenan et ses acolytes. « Tool, ça va être cool », lance un spectateur, visiblement ravi de son jeu de mots.
A peine le quatuor entré en scène, le chanteur assure que c’est un honneur de se joindre au public du Hellfest ce soir. Ce seront à peu près ses seuls mots. Le groupe attaque alors avec un « Aenema » direct qui met tout le monde d’accord. La philosophie de Tool a toujours été de mettre en avant la musique plutôt que les musiciens. Alors ce soir, aucune image du groupe ne sera transmise sur les écrans géants. Et entre les chansons, les Américains restent plongés dans le noir. Le leader lui-même reste souvent dans l’ombre durant les morceaux, ou à l’arrière de la scène, et il semble que les projecteurs ne soient presque jamais braqués directement sur lui, mais les spectateurs suffisamment bien placés pour l’apercevoir peuvent par moments l’observer en train de gesticuler en faisant de grands mouvements de bras et de jambes, ou de traîner son pied de micro à l’arrière de la scène.
En revanche, pour mettre en valeur sa musique, Tool déploie des trésors d’inventivité visuelle sur les écrans. Extrêmement psychédélique sur les premiers titres, les visuels animés donnent l’impression qu’il n’y a qu’un seul écran géant parcourant toute la Mainstage d’un bord à l’autre en passant par le fond de scène. C’est indéniablement un des groupes qui utilisera le mieux les nouveaux écrans encore plus géants qu’avant mis en place cette année par le Hellfest.
Impressionnants, ils plongent dans un monde fantastique, surnaturel, en mêlant figuratif et abstrait. Les lumières sur scène sont tout aussi somptueuses, et font apparaître les musiciens en ombre chinoise. Sans décor, mais avec un travail époustouflant tant sur les visuels que sur les lumières et les lasers, le groupe et ses équipes réussissent à rendre la scène spectaculaire, et, alors qu’il ne s’y passe pas grand-chose, elle est fascinante.
Le son est globalement très bon et tout s’entend distinctement, mais selon l’emplacement dans la fosse, la guitare d’Adam Jones et la basse de Justin Chancellor émettent des vrombissements particulièrement horripilants sortis d’on ne sait où pendant une bonne partie du concert. Il parait que c’est propre au son du groupe, c’est en tous cas plus que déroutant pour les non initiés. Cela prend tellement d’ampleur que la voix de Keenan, laquelle n’est d’ailleurs pas mixée extrêmement fort, est peu audible. Mais quand le vrombissement s’arrête, la voix du chanteur semble reprendre de la vigueur.
Le public est globalement très attentif, on observe quelques headbangs ici et là, mais dans l’ensemble, la fosse a l’air hypnotisée. Et l’on sent que c’est bien un concert pour les fans qui est organisé ce soir. Les applaudissements sont nourris, non seulement à la fin de chaque morceau, mais également au début de la majorité d’entre eux, en reconnaissance de ce qui va suivre. Et il y a de quoi applaudir. Tool pioche dans chacun de ses quatre albums, convoque un titre de son second EP (« Part of Me », issu d’Opiate, paru en 1992), et joue les deux nouveaux morceaux de Fear Inoculum, son album qui n’est alors pas encore sorti : « Descending » et « Invincible ».
Le metal progressif du quatuor est magnifiquement interprété, il plonge les spectateurs dans des errements psychédéliques. C’est torturé, technique, les morceaux atmosphériques alternent avec ceux plus directs, la guitare est parfaitement complémentaire avec la section rythmique de Chancellor et Danny Carrey. Si tout le monde n’adhère pas à la musique assez difficile d’accès des Américains, ceux qui y sont sensibles ont de quoi être comblés ce soir.
C’est après « Stinkfist », et toujours sans un mot, que Tool quitte la scène. Douze ans après son dernier concert en France, le groupe prouve à ceux qui l’avaient oublié l’étendue de son talent. Si sa musique complexe n’est pas forcément la plus évidente en clôture de festival pour résister à quatre jours de fatigue accumulée, elle aura offert aux spectateurs les plus vaillants une fin de Hellfest en apothéose.
Setlist
• Third Eye Intro
• Ænema
• The Pot
• Parabol
• Parabola
• Descending
• Schism
• Invincible
• Intolerance
• Jambi
• Forty Six & 2
• Part of Me
• Vicarious
• (-) Ions
• Stinkfist
Photo : Lukas Guidet. Reproduction interdite sans autorisation du photographe