Alors que le groupe venait tout juste de sortir les deux facettes de son très riche Automata, on avait dû se contenter l'année dernière d'une seule et unique date au Trabendo, pour un show amputé car en première partie de TesseracT. Maigre représentation, c'est pourquoi à l'annonce des trois dates françaises en octobre, on a rapidement imaginé pouvoir enfin savourer The Automata sur scène. Trois choix s'offraient au public de l'Hexagone pour ce cru 2019 : Toulouse, Vauréal (première en IDF hors de la capitale) et Nantes. Récit de cette dernière au Ferrailleur, référence pour les concerts metal dans tout le pays nantais, et même au delà !
Aucune première partie n'est programmée ce soir, contrairement aux deux autres concerts chez nous. Le début des hostilités se fait pratiquement sans un poil de retard à 20h30, alors que les lumières dans la fosse viennent de s'éteindre et que des projecteurs rouges tapissent la scène. On distingue les musiciens qui se placent à leurs instruments, juste avant de lancer le premier set sur un instrumental déjà bien technique. En fait, c'est une sorte de gros medley que nous réserve le groupe en ce tout début de set, avec d'abord l'intro de "Naked By The Computer" qui se fond fort efficacement dans "Astral Body", celui-ci enchaînant sans pause sur son successeur direct : "Lay Your Ghosts To Rest". Et à la fin de ce long titre alternant passages progs ultra techniques, vocaux hurlés, influences avant-garde et passages lancinants, retour sur le thème du tout premier album avec le final instrumental de "Fire For A Dry Mouth". Wow, c'est déjà du très lourd ! Le public est ravi, venu en masse ce soir pour le set des Américains et la salle du quai de l'île de Nantes est bondée.
Les réglages sonores ce soir sont vraiment bons : les deux guitares de Paul Waggoner et Dustie Waring sont parfaitement mixées sur la rythmique assurée par le duo basse / batterie (Dan Briggs et Blake Richardson), impeccable jusque dans les nombreux passages groovy parsemant les compositions. Et pour une fois, Tommy Rodgers est bien audible, dans ses growls qu'il balance avec puissance et justesse dès que la musique s'énerve (comme sur "More Of Myself To Kill") comme dans ses screams et lors des passages en voix claire. Ça le fait au niveau du son, mais en revanche ça ne bouge pas beaucoup sur scène, sorti du frontman qui se déplace un peu lorsqu'il n'est pas fixé derrière son clavier, en particulier pour les passages les plus death. Comme avant, les membres sont également peu expressifs. Ça pourrait être regrettable, mais une fois arrivé à la fin du premier set exécuté pratiquement d'une traite en un seul mouvement, on se dit que c'est un prix acceptable à payer, alors que la puissance du dernier duo de titres "Mirrors"/"Obfuscation" (et leurs passages remarquablement riches planant quelque part entre le jazz en contrepoint, le gros death technique qui tâche, et cette ligne de claviers si hypnotique) est encore fraîchement imprimée en tête.
La pause est méritée, et pas seulement car les gosiers crient famine. La setlist que Between The Buried And Me vient de nous délivrer a judicieusement alterné entre les époques du groupes, avec une bonne moitié de titres anciens (jusqu'à Alaska), et presque autant de morceaux récents, bien que systématiquement sortis avant les Automata. Le deuxième set est, sinon plus conventionnel, au moins plus attendu : deux suites de trois morceaux s'enchaînent, du Parallax II d'abord avec "The Black Box"/"Telos"/"Bloom" et puis enfin les trois premiers titres d'Automata II. "Telos" se rappelle à nous avec sa rythmique bossa du plus bel effet, tandis que "Bloom" est de son côté tellement fou qu'une oreille non avertie pourrait sans mal croire à une composition de Mike Patton. Du côté du dernier album, "The Proverbial Bellow" impose directement son ambiance et entraîne immédiatement la foule jusqu'aux impitoyables "we are hollow, condemned to the gallows", répétés encore et encore en fin de set.
Alors que la durée totale du concert à déjà dépassé les deux heures, le groupe se retire avant de revenir pour un rappel qui démarre sur le monstrueux "Selkies: The Obsession", une des pierres angulaires du groupe et un de leurs titres les plus incontournables en live. Effet immédiat dans la salle, avant de terminer réellement sur "Viridian" et l'immanquable "White Walls", pour un rappel de grande qualité et étendant pratiquement cette soirée d'une demi-heure.
À la sortie de la salle, il est déjà temps de faire le point : Between The Buried And Me a fourni un set dantesque, bien loin d'un hypothétique set Automata I & II et tellement plus riche. D'ailleurs, il est intéressant de constater que le seul album du groupe à n'avoir pas été représenté ce soir est en fait Automata I, privilégiant pour le premier set une judicieuse sélection de titres aboutissant à des enchaînements de qualité. Une vraie pépite pour les fans, même si certains auraient aimé un full Automata set, obtenue au prix d'une exécution qui manque de relief et surtout d'un groupe en mode autoroute. Logique au vu du planning de la tournée, avec les dates qui s'enchaînent et les setlists qui se ressemblent toutes.
Setlist:
Naked by the Computer/Astral Body
Lay Your Ghosts to Rest/Fire for a Dry Mouth
Alaska
More of Myself to Kill
The Coma Machine
Mordecai
Reaction
Mirrors
Obfuscation
The Black Box
Telos
Bloom
The Proverbial Bellow
Glide
Voice of Trespass
Rappel :
Selkies: The Endless Obsession
Viridian
White Halls
Photographies : © Régis Peylet 2019
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