Pour son retour en studio, le prolifique combo hard rock / heavy metal Alter Bridge a eu à cœur de lancer une ambitieuse invitation au voyage intérieur. C'est aujourd'hui le temps de l'expérience et de la maturité pour la formation américaine qui ose avec ce dernier album, Walk The Sky, faire la synthèse du passé et du présent en se tournant vers des sphères plus lumineuses et introspectives, tout en affirmant avec puissance et talent son statut de pilier de la scène metal actuelle.
C'est l'histoire de deux hommes que rien n'arrête. L'un compose, tourne, produit, s'épanouit dans son projet solo à coups de concept albums. L'autre a sorti un album rock solo entre deux tournées avec Slash et ses Conspirators, qu'il accompagne depuis neuf ans déjà. Et pourtant, ces deux artistes fort occupés se sont trouvés l'un l'autre, se sont compris et complétés, et depuis quinze ans ont progressivement construit un son et un groupe à l'identité bien marquée, Alter Bridge. Habitués des écritures à quatre mains, cette fois Mark Tremonti et Myles Kennedy ont changé leur façon de travailler.
Chacun de son côté a composé et enregistré des morceaux, pour les apporter sur la table en studio. Le duo a ensuite su trouver la patte commune, ce supplément d'âme qui a permis de trouver unité et cohérence et de faire naître une petite quinzaine de morceaux qu'il a partagé avec ses camarades. De cette collaboration si singulière est née Walk The Sky, le sixième album studio d'Alter Bridge, sorte de clé de voûte d'un édifice majestueux, reprenant le meilleur des précédents opus tout en proposant de nouvelles directions. Un album qui représente la somme de tout ce qui fait Alter Bridge, puissance et mélodie en tête, et qui marque un palier de plus dans l'ascension du quatuor démontrant une fois de plus sa solidité et son talent.
Le titre d'ouverture, "One Life", pose une ambiance atmosphérique et plutôt contemplative, tout en douceur , puis on entre dans le vif du sujet avec l'énergique single "Wouldn't You Rather". Riffs en avant, rythme enlevé, refrain entraînant et effet bondissant crée par l'efficacité du duo Scott Phillips (batterie) et Brian Marshall (basse), pas de doute : Alter Bridge est bien de retour. La recette AB, c'est ce style reconnaissable entre mille : la voix exceptionnelle de Myles Kennedy, une mélodie imparable et les parties de guitares bien lourdes.
Juste le temps de se dire, peut-être, que les Américains s'installent dans un style rassurant et légèrement prévisible, et déjà toutes les inquiétudes sont levées à l'écoute des deux morceaux suivants, les explosifs "In The Deep" et "Godspeed". Le premier étonne par une intro très power metal, des riffs heavy très rétro, qui donnent à l'ensemble une intensité intéressante ; le second nous fait plonger dans la synthwave la plus pure avec l'utilisation des claviers eighties (jusque-là inédits chez Alter Bridge), grosse nouveauté qui s'harmonise fort bien avec la rythmique punchy du morceau. L'énergie, très marquée 'Tremonti touch', peut paraître surprenante si l'on considère la thématique assez douloureuse de la chanson, à savoir l'adieu à un proche, Mark Tremonti ayant écrit cette chanson à la mémoire d'un ami disparu, mais l'ensemble fonctionne.
Ces nouvelles nuances et influences ne sauraient faire oublier la base solide et imparable d'Alter Bridge, machine à fabriquer du méchant tube heavy US. Walk The Sky contient quelques claques musicales, preuve que le duo Myles Kennedy / Mark Tremonti a su trouver cette symbiose idéale pour la composition. L'énorme "Pay No Mind" s'élève comme un cri d'alerte sur les dangers de l'indifférence et de l'irresponsabilité dans nos sociétés modernes, soutenu par un riff implacable et un refrain groovy à souhait. La performance vocale est à saluer, Myles étant aussi efficace dans les graves que les aigus, et on ne peut nier que le producteur Michael 'Elvis' Baskette (Slash) a fait un travail d'orfèvre pour le mix, intense et équilibré sur tout l'album.
La pépite de l'album, "Native Son", regorge de guitares accrocheuses, avec un riff d'intro magistral à la Dream Theater, et un tempo entraînant. Il n'y a pas que de l'hymne dans le refrain de ce titre taillé pour le live, on voit ça et là de belles subtilités dans la construction toute en nuances.
C'est là un vrai challenge que de présenter quatorze titres sans tomber dans l'effet répétitif et lassant. Une petite mention assez bien pour certains morceaux hard rock solides, bien construits, avec des parties vocales intenses et inspirées, mais moins d'originalité et de pep's, comme "Tear Us Apart" ou "The Bitter End". Mais Alter Bridge nous montre aussi une belle capacité à se réinventer, ou à exposer la multitude de ses talents. N'oublions pas que Myles Kennedy est, aussi, un excellent guitariste, assurant nombre de soli et coupable de méchants riffs, et que Mark Tremonti est, aussi, un excellent vocaliste. Assurant les harmonies de façon très convaincante sur d'innombrables titres, comme ici sur "Take The Crown", où les voix des deux hommes se complètent parfaitement dans le refrain, c'est sur le titre "Forever Falling" que Mark fait son retour au chant principal (depuis 2013 sur l'album Fortress). Ce titre complexe nous emmène de la douceur des arpèges d'introduction vers une explosion de rythmes implacables où batterie et riffs s'affrontent. Quelle ligne de basse monstrueuse, et quels couplets splendides, le timbre de Mark exprimant idéalement une belle intensité, avant d'entamer un fondu vers la voix de Myles sur les notes les plus hautes du refrain.
Walk The Sky a été présenté par Mark Tremonti comme l'album le moins sombre de la discographie d'Alter Bridge, et effectivement, ici point de désillusion ni de mélancolie. On y verrait même une portée métaphysique, des références à la nécessité de trouver une nouvelle perspective, de se recentrer sur l'essentiel en vivant sa vie autrement. La pochette de l'album représente bien cette élévation vers des sphères plus paisibles, au cœur également de la chanson "Walking on the Sky" : les deux voix s'équilibrent idéalement dans les couplets, le refrain sonne à la fois heavy et aérien, avec l'image du funambule et cette idée de braver ses peurs pour lâcher prise et oser vivre. Cette nouvelle philosophie, c'est finalement l'âge de la maturité pour Alter Bridge, avec une force d'élévation et une sérénité à toute épreuve.
L'ultime morceau du disque, "Dying Light" est probablement le plus complexe et le plus marquant de l'album, la structure étant en parfaite harmonie avec le message. Des beaux passages voix / guitares acoustiques au tourbillon de guitares, chœurs, soli, lignes de basse, nous voilà emmenés entre légèreté et lourdeur, dans un morceau orchestral et riche au refrain marqué tant par des ascensions que de brusques chutes. Une mort symbolique qui laisse place à une vie intérieure riche, voilà la conclusion intense et puissante de Walk The Sky.
Alter Bridge nous offre ici une nouvelle démonstration de son talent, sans partir dans de l'expérimentation ou un changement trop brutal, mais en sachant se réinventer ou innover comme il le faut, avec toute la maîtrise des nuances que peut conférer une grande expérience. Walk the Sky est un album qui additionne et reprend tout ce qui fait Alter Bridge, puissance et mélodie en tête, et marque un palier de plus dans l'ascension du quatuor, démontrant une fois de plus sa solidité et son talent. Alter Bridge présentera Walk The Sky lors d'une date unique en France, à l'Olympia à Paris le 9 décembre prochain.
Tracklist
One Life
Wouldn’t You Rather
In The Deep
Godspeed
Native Son
Take The Crown
Indoctrination
The Bitter End
Pay No Mind
Forever Falling
Clear Horizon
Walking On The Sky
Tear Us Apart
Dying Light
Walk The Sky, sixième album d'Alter Bridge, est déjà disponible chez Napalm Records.