Le quatuor suisse Coilguns, connu pour ses lives percutants (dans tous les sens du terme), sort Watchwinders, son troisième album studio. Peut-être vous êtes-vous déjà pris un croissant en pleine face au Hellfest ? Ou une léchouille de Louis Jucker fendant la foule ? Ou bien il vous a déjà piqué votre portable pour le manger sur scène pendant que Jona, Donatien et Luc chamboulaient tout votre être avec leur musique violente et totalement inclassable ? Si ce n’est pas le cas, vous devriez vous précipiter pour prendre vos places pour assister à la tournée de promotion de Watchwinders qui débutera le 8 novembre avec une release party à L’Espace B dans le cadre de la première édition du Dark Horse Festival.
Mais les membres de Coilguns ne sont pas seulement des bêtes de scène offrant des concerts inoubliables. Ce sont aussi des travailleurs forcenés à l’esprit créatif et perfectionniste, capables de s’enfermer un mois en studio pour créer un album très personnel et abouti. Tout en produisant une multitude d’albums avec leur label Hummus Records, en sillonnant les routes pour monter sur scène et en organisant des évènements sortant souvent de l’ordinaire, où la création quelle qu’elle soit est à l’honneur.
Ceux qui auront pré-commandé Watchwinders, l’ont probablement déjà reçu en avant-première. Et ceux ayant opté pour la version vinyle ont en leur possession un bel objet, car chez Hummus Records, on a le souci du détail. Ledit vinyle est accompagné d’un livret regroupant les paroles des douze titres de l’album ainsi que d’une vingtaine d’artworks réalisés par Noé Cauderay, plus inquiétants les uns que les autres (même si l’illustration choisie pour la pochette peut ressembler à une girafe buvant paisiblement pour les optimistes, ou les tordus).
Côté musique, on retrouve incontestablement la patte Coilguns où son et ressenti sont étroitement liés. Cet album pourra vous sembler être une succession de bruits dissonants et dérangeants mais chaque sonorité éveillera un sentiment bien enfoui ou une réaction incontrôlée. Watchwinders contient aussi son lot de surprises comme l’apparition de la voix claire de Louis Jucker que l’on connait mieux sur ses projets solos, et qui apporte ici une dimension nouvelle au son de Coilguns.
D’ailleurs, l’album débute avec ‘’Shortcuts’’ où l’on peut entendre cette voix claire soutenue par un rythme assez lent, assez inhabituel quand on l’habitude de se prendre une bonne claque dès les premières mesures. Mais très vite, le rythme s’accélère et ‘’Shortcuts’’ laisse place à ‘’Subculture Encryptors’’. La musique se fait plus lourde, noire et chargée d’anxiété. On se sent comme traîné vers les profondeurs. Ce qui colle parfaitement à la métaphore des profondeurs maritimes utilisée dans les paroles de la chanson pour décrire ce besoin plutôt malsain de vouloir toujours aller vers le pire. La violence des cris et les passages musicaux étouffés comme joués dans une bulle nous entraîne encore et toujours plus bas vers les profondeurs de l’âme humaine. On se sent comme suffoquer et la rage et la douleur contenues dans les paroles et les riffs de ‘’Big Writer’s Block’’ et ‘’Watchwinders’’ ne nous laissent pas le temps de reprendre notre souffle. Ce n’est qu’à la fin de ‘’Watchwinders’’ que l’on retrouvera un peu nos esprits avec un retour à la voix claire de Louis, sur un rythme de batterie presque enjoué. Mais les riffs de Jona à la guitare ont un petit côté inquiétant nous rappelant la peur de notre effondrement programmé contenue dans les paroles de la chanson.
‘’The Growing Block View’’ pause une ambiance un peu différente. Les riffs de guitares plutôt lents et lourds sont en total contraste avec les contre-temps rapides joués par Luc. Là-dessus viennent se poser les voix de Louis et Donatien formant comme un écho. Ce morceau vous fait légèrement frissonner d’anxiété. Sentiment que l’ont retrouve dans les paroles retraçant les questionnements et les incompréhensions face à l’existence.
Le petit répit offert par ‘’The Growing Block View’’ est vite éventré par les hurlements déchirants contenus dans ‘’Manicheans’’. En effet, le côté dissonant de ce morceau, et les cris sont comme des coups de poings qui vous martèle cette idée douloureuse que l’amour et la haine sont étroitement liés et deux sentiments dévastateurs.
Vous pourrez ensuit presque vous consoler en écoutant ‘’Prioress’’ dont le clip a été dévoilé il y a quelques jours. Cette chanson vous englobe dans une sorte de torpeur, ou de rêve éveillé où la voix claire de Louis à un côté rassurant, mais où les riffs passant de douceur à noirceur vous rappellent que la frontière entre bon et mauvais rêve n’est pas très bien définie et qu’il n’est pas rare qu’une douce rêverie se transforme en cauchemar.
‘’The Morning Shower’’ est probablement le seul morceau optimiste de Watchwinder. Il sonne comme le coup de pied aux fesses qu’il est nécessaire de se donner à soi-même pour continuer d’avancer. Ici, ledit coup sonne plus comme un gros passage à tabac. On s’en prend vraiment plein la gueule et nos oreilles accueillent avec plaisir la douceur torturée de ‘’Mirror Bias’’
Les trois dernières chansons de l’album viennent nous achever. Riffs rapides, cris et sons étranges sont au rendez-vous sur ‘’Urban Reserves’’. La longue intro de ‘’Broken Records’’ crée comme une sorte de spirale infernale qui nous entraîne dans un tourbillon de noirceur. Les cris et lamentations de Louis sont en total décalage avec la rapidité rythmique de la musique. Plus le rythme s’accélère, plus la musique vole en éclat. On a l’impression que la musique se heurte à des obstacles, mais ceux-ci ne peuvent stopper cette spirale infernale qui s’arrêtera brutalement pour laisser place à des sons de synthé plutôt lent et méditatifs.
‘’Periscope’’ clôture cet album en beauté. Il débute sur des sons stridents avant de continuer sur des notes plus graves et limite occultes. La musique est accompagnée de sons plus ou moins désagréables en arrière-plan faisant penser à de la pluie et au froissement du papier aluminium, mais qui ne perturbent pas l’écoute. L’album prend fin sur le tic-tac d’une horloge et le son du diamant quittant les sillons du disque, comme si Coilguns voulait indiquer aux oreilles qui les écoutent qu’il est temps de se quitter.
Cet album ne vous plaira peut-être pas et vous semblera trop cacophonique si vous avez un esprit très carré. Mais que vous aimiez cet album ou non, Coilguns aura encore une fois réussi le pari de créer des réactions épidermiques avec sa musique. Par contre, si vous aimez vous faire surprendre, et que pour vous un bon album est un album qui vous prend aux tripes et qui vous fait ressentir des choses que vous aviez enfouies profondément, cet album est fait pour vous !
Tracklist
Shortcuts
Subculture encryptors
Big writer's block
Watchwinders
The Growing block view
Manicheans
Prioress
The Morning shower
A Mirror bias
Urban reserves
Broken records
Periscope
Sortie le 25 octobre chez Hummus Records.
