Les vétérans du thrash canadien Annihilator étaient de passage à Paris pour la tournée For The Demented. Belle actualité pour l'infatigable quatuor mené par Jeff Waters, avec l'annonce il y a quelques jours de la sortie en 2020 du dix-septième album d'Annihilator. Retour sur une soirée thrash old school dans un Petit Bain complet.
Archer Nation
Les trois Californiens ont l'air ravis que la salle soit pleine à ce point pour la première partie. Le heavy metal proposé par Archer Nation, pêchu, bénéficie d'un son correct, du moins quand on est dans le fond. Devant, comme souvent à Petit Bain, la batterie est bien trop forte et les mélodies guitare / voix disparaissent un peu. Le public réagit cependant assez bien, headbangs et applaudissements sont de mise.
Des titres plus heavy ou même thrash s'enchaînent, efficaces, et vocalement c'est très bien executé par Dylan Rose - même si sur certains morceaux la ressemblance avec Dave Mustaine est très (voire trop) marquée. Quelques réglages malheureux viennent un peu gâcher les choeurs assurés par David de Silva, le bassiste.
Dylan Rose s'adonne également à de nombreux soli très bien exécutés et une présence musicale indéniable, qui fait parfois penser qu'il y a non pas une mais deux guitares.
Archer Nation fait preuve d'une bonne énergie : leur son est heavy à souhait, avec des passages rapides très thrashy mais un groove et un côté mélodique agréable. Les ruptures de rythme sont intéressantes dans le titre tout récent "Acedia" (sorti sur leur dernier effort studio, Beneath the Dream). Certains morceaux restent en tête facilement, comme "Day That Never Came" ou "I Am The Dawn", efficace et bien construit, sur lequel le public tape des mains. Le gros atout du set vient de la rythmique excellente imposée par le batteur Keyhan Moini, infatigable, qui se démarque par sa maîtrise, et sa bonne humeur derrière les fûts. Le trio américain termine sous les applaudissements ce set solide et convaincant.
Setlist Archer Nation :
Not My Own
Shackled
Acedia
Hell in a Handbag
Day That Never Came
Division
Severed
I Am the Dawn
Annihilator
Le concert de ce soir fait partie de la tournée intitulée Tour for the Demented - alors que l'album du même nom est sorti il y a plus de deux ans maintenant, et que le suivant est déjà prêt : la sortie de Ballistic, Sadistic est prévue pour 2020. En guise de décor, l'artwork de For The Demented sur la caisse claire et des draps tendus sur les côtés vont être colorés au gré des jeux de lumières assez sympathiques pour la petite salle.
Dès l'arrivée du quatuor canadien, l'énergie est au rendez-vous : malgré la petite taille de la scène, les quatre musiciens courent et bondissent dans tous les sens. Jeff Waters distribue les poignées de mains aux premiers rangs tout en jouant les accords rapides de "Betrayed" en ouverture de ce set efficace. Le Petit Bain, plein à craquer, s'agite comme un seul homme, faisant encore plus monter la température. Les deux guitaristes, armés de flying V, annoncent la couleur en rivalisant de virtuosité sur les soli et autres gros riffs d'école : pas de doute, le thrash est à l'honneur ce soir. L'enchaînement avec le dévastateur "King of the Kill" est très fluide, nous faisant presque oublier le quart de siècle de ce morceau. Les premiers crowdsurfers s'élancent, la foule hurle le refrain en s'adonnant au pogo. Le frontman assure, bien sûr à la guitare, comme si les soli et les shreds étaient sa langue maternelle, mais aussi au chant, soutenu aux choeurs par Rich Hinks (basse) et Aaron Homma (guitare).
Annihilator, c'est trente ans de carrière, dix-sept disques et un vivier énorme de tubes, alors pas question ce soir de décevoir les fans, des plus jeunes aux plus chevronnés. La setlist, très équilibrée, balaie toute la discographie du groupe, mais c'est surtout sur les titres ravageurs de la première heure (période 1989-1994) que s'installe une ambiance de folie à bord du bateau. Le Petit Bain commence à tanguer sur le bien nommé "Set The World On Fire", porté par les sauts dans la fosse et les chants du public sur le refrain, qui vont par ailleurs résonner ce soir sur de nombreux titres comme "Knight Jumps Queen" ou l'énorme "Schizos Are Never Alone".
C'est un Jeff Waters des grands soirs qui règne humblement à Petit Bain ce soir. Vocalement, ce dernier assure vraiment, montrant une vraie évolution depuis Suicide Society (2015) lorsqu'il a repris le chant lead du groupe après le départ du dernier chanteur Dave Padden. Très en forme, le frontman bondissant n'est pas avare de sourires et d'anecdotes, tantôt émouvantes lorsqu'il rend hommage à Randy Rampage, tout premier vocaliste du groupe, décédé en 2018, tantôt cocasses pour raconter la genèse du morceau "Chicken Corn" – titre hilarant dont il entame quelques mesures, accompagné de ses musiciens, pour le plus grand bonheur des fans ! Mais le public parisien a affaire avant tout à un guitariste exceptionnel qui offre sur tous les titres des passages époustouflants de virtuosité et de technicité, délivrés avec une apparente facilité. Le public ne s'y trompe pas, donne de la voix pour apprécier le splendide solo dans l'injouable "The Trend", ou sur les morceaux rapides tels que "Twisted Lobotomy" ou "Tricks and Traps".
L'euphorie générale semble aller de pair avec la bonne humeur et la complicité évidente des musiciens sur scène. Aaron Homma se charge de nombreux soli, y compris sur des titres plus anciens ("Knight Jumps Queen"). À noter également, l'aisance de Rich et Aaron, très dynamiques et espiègles sur scène, et l'intermède sympathique du solo de batterie de Fabio Alessandrini qui se mue en duo de rythmique impressionnant quand son camarade bassiste le rejoint. Pas de doute, c'est une belle entente entre les quatre hommes et on sent le groupe plus serein, en pleine confiance. Serait-ce la fin des changemnts de line-up qui ont marqué l'histoire d'Annihilator (Jeff Waters étant le seul rescapé) ? En tout cas ce dernier semble fier d'annoncer que le prochain album, Ballistic, Sadistic, est un effort collectif. Annihilator présente ce soir d'ailleurs un titre de cet opus prévu pour l'an prochain, le très thrashy et percutant "Psycho Ward".
Le bouquet final prévu par Annihilator s'anonce comme une véritable tuerie : voilà "Phantasmagoria", seul titre de la soirée issu de l'excellent album Never, Neverland (1990). Pas de panique, une session de rattrapage est annoncée en exclusivité par Waters qui promet, pour 2020, une tournée anniversaire Never, Neverland, avec le retour du chanteur d'origine, Coburn Pharr ! Les pogos fièvreux et le thrash rapide à l'ancienne sont de retour après un premier salut du groupe, avec le combo final issu d'Alice In Hell (1989) : "Burns Like a Buzzsaw Blade", "W.T.Y.D." et bien entendu l'inévitable "Alison Hell", que Jeff déclare détester à la longue, du moins en répétition, mais qu'il aime toujours autant en live grâce au chant et à la participation du public ! Le Petit Bain ne se fait pas prier, et c'est un ultime moment de partage sur le bateau bondé qu vient conclure cet excellente soirée pleine de nostalgie et de gros thrash, dont Annihilator a le secret. Acclamés par le public et profitant des derniers moments avec la foule, les quatre musiciens se retirent, non sans un dernier scoop de Jeff Waters qui espère revoir le public français très bientôt, plus précisément au prochain Hellfest !
Setlist :
Betrayed
King of the Kill
No Way Out
One To Kill
Set the World on Fire
The Trend
Schizos (Are Never Alone) Parts I&II
Drum Solo
Knight Jumps Queen
Twisted Lobotomy
Psycho Ward
Tricks and Traps
Phantasmagoria
Chicken corn (intro)
Burns Like a Buzzsaw Blade
W.T.Y.D.
Alison Hell
Photographies : Justine Cadet. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe.