Abbath a pris plus de temps que prévu sur la pause déjeuner... C'est avec du retard que nous le rencontrons en compagnie de son guitariste Ole André Farstad peu bavard et son ami de longue date, le parolier Simon Dancaster. Bien installé dans son fauteuil, les bouteilles de Jack Daniel's et de Coca à porter de main, Olve Eikemo commence...
Abbath : Salut je te présente notre guitariste Ole (André Farstad) et Simon Dancaster notre poète black metal (rire général).
La Grosse Radio : Il y a eu de gros changements au niveau du line-up et un nouvel album. Peux tu m'en dire plus?
Ole André Farstad: J'étais déjà dans le groupe juste avant...
Abbath : Notre premier batteur Kevin Foley était français (en fait il est irlandais et joue dans F Stands for Fuck You, un groupe français de grindcore, ndlr), ensuite il y a eu un Suédois (Emil Wiksten) mais ce dernier est tombé malade. Maintenant Ukri Suvilehto joue avec nous. Il est finlandais, a 25 ans et possède un incroyable talent. Tu sais, à un moment donné, pendant que tu commences à rentrer dans le processus de création et que ton bassiste devient fou alors que tu termines trois titres pour le futur album, il faut agir. Alors on a rencontré cette incroyable femme, l'étonnante Mia Wallace de Milan en Italie. On m'avait dit qu'elle était excellente, sociale, on a donc maintenant une "female beast" on bass"... (rire)
Que veut dire exactement Outsrider?
Simon Dancaster : C'est un néologisme, c'est un mot que je vous ai composé, et tu ne le trouveras pas sur Google, c'est un cavalier, quelqu'un qui est à l'intérieur mais en route vers l'extérieur. Il garde un regard vers l'intérieur mais se dirige vers l'extérieur.
Abbath : Il a les moyens d'aller où il veut...
Simon : Oui en dehors de sa zone de confort comme le dit Abbath.
Quand avez-vous commencé à travailler sur l'album?
Abbath : Je dirais juste après le premier album quand j'ai reçu un appel du fameux "homme d'affaires lyrique". A ce moment on a créé des riffs et c'est devenu intense. Il y a eu beaucoup d'activité. La diversité des riffs était telle qu'on était prolifique. L'album est varié et les ambiances diffèrent beaucoup entre chaque titre. On a eu le privilège de travailler avec la pré-production du "chien de Bergen" (Dag Erik Nygaard) pour le son, sans oublier Ole notre lead guitariste (qui ne parle pas beaucoup après le repas) (rire). L'album n'aurait pas été aussi sexy et élégant s'il n'y avait pas eu cette lead guitare.
Vous composez tous?
Simon Dancaster : Les compositions reflètent ce que nous sommes. Nous sommes agressifs avec beaucoup de colère....
Abbath : ... et puis il arrive avec de l'énergie...et comble de raffinement et cerise sur le gâteau les paroles de Simon!
Vous vouliez revenir aux racines de la musique que vous appréciez?
Abbath : Les racines restent les racines. Elles sont en feu mais elles sont toujours là.
Peut-on dire que sur Outsrider on retrouve une sorte d'équilibre entre ce que tu as fait dans tes différents groupes?
Abbath : Oui! "Lay down your souls to the gods rock n' roll" (paroles de "Black Metal" de Venom) (rires)
Comment décrirais-tu cet album?
Simon Dancaster : One step beyond !!! (rires)
Abbath : (grand silence) c'est notre Balls to the Wall. (rires)
Simon : C'est beaucoup plus organique.
Et comment c'est passé le travail avec Dag Erik Nygaard à la pré-production? C'est un vieux copain?
Abbath : Oh oui on s'est bien amusé dans la Grande Ville. Il est entré dans ma vie quand on est parti en tournée ensemble à l'époque d'Immortal pendant des festivals (il tenait la basse dans Immortal en live en 1998 NDLR). Il a un super studio. Je voulais déjà travailler avec lui depuis le premier album. Ce gars est fou et peut quand même garder une totale maîtrise. Et puis c'est facile de lui passer un coup de téléphone, lui demander quel genre de son de guitare il aime, parler des ses titres favoris, de plus c'est un excellent guitariste. Je peux lui dire que j'aime bien le son de "Ride the Lightning" (Metallica) et ensuite il m'explique comment faire les réglages. Ensuite derrière mes amplis je tourne les boutons et ça fonctionne...
Simon : C'est un nerd !
Abbath : Dès qu'il avait une idée c'était brillant, je veux dire qu'il y avait beaucoup d'intelligence et qu'on a passé un très bon moment ensemble.
Simon, tu as écrit toute les paroles?
Simon : Oui et j'ai même réalisé le video clip ("Harvest Pyre"). J'étais scénariste et co-réalisateur car la place de réalisateur en chef et intelligent était déjà pris. (rire d'Abbath dont la voix ressemble de plus en plus à celle de Lemmy)
Tu penses que la littérature, les peintures ou de bons films peuvent t'aider à écrire ou trouver ton inspiration?
Simon : Oui je suis un nain sur l'épaules des géants en matière d'inspiration littéraire. Je recueille l'inspiration à tous les niveaux. Comme un Anglais j'ai pris comme habitude de m'approprier les cultures du monde entier que nous avons volées. Je continue cette tradition en volant la mythologie, la psychologie, les légendes, les mythes et les philosophies en les tordant puis encore une nouvelle fois jusqu'au prochain craquement. Et là vous savez que vous êtes sur une bonne piste. Quand vous entendez le cou qui fait "crac" très fort ça commence à sentir bon...
Abbath : c'est vrai ça. Parfois je me demande d'où il tire son inspiration...
Simon : L'autre coup c'était de Beethoven...
Abbath : Ah oui merde...c'est vrai qu'il a créé ses meilleurs compositions lorsqu'il est devenu sourd. Enfin, vous les "poètes musiciens", vous commencez par suivre des pistes dans votre tête, pas tout le temps mais ça arrive. Je me souviens de ton discours lorsque nous sommes entrés en studio avant que l'on commence à se mettre au travail. Tu étais là, toi aussi Ole (qui dort toujours sur le canapé), j'étais époustouflé par les ouvertures faciles et lyrique du titre "Hurricane". J'étais sur le cul. C'était impressionant et je veux dire que je savais que ce serait génial. Si tu as les riffs alors les paroles sont les remèdes. Il faut atteindre cette dimension pour que cela fonctionne.
On voit des similitudes entre la couverture de ton premier album et Outsrider. Est ce une allégorie à la nature?
Simon : C'est ce que l'on retrouve dans la vidéo "Harvest Pyre", c'est la Guerre de Bergen. Il y a un peuple sur une partie du paysage et le paysage fait partie de la mentalité des gens. C'est une règle qui nous est donc proposée d'être honnêtes et authentiques afin que les deux parties puissent se montrer, et être dépeint d'une manière authentique. Dans la vidéo nous sommes remontés aux origines d'Olve (Eikemo aka Abbath), à son nom de famille, c'est un endroit appelé Eikemo, celui des Whickers où il a été elevé par une famille de phoques (rire général) sur les bords de mer. Il a vécu sur les bords de la falaise...
Abbath : C'est un genre de fantôme...
Simon : C'est un portrait mais il doit rester authentique, il doit être réel. Lorsqu'il prend la hache et qu'il la brandit il devient réel...
Abbath : c'est un portrait n'est ce pas?
Simon : Oui c'est un portrait de l'Au-delà, d'abord tout est dessiné en tenant compte du visage d'Abbath et ensuite cela devient un paysage et cela se développe autour de cette même image en vidéo. C'est un peu comme une tache de Rorschach (le test de Rorschach ou psychodiagnostic de Rorschach consiste en une série de planches graphiques représentant des taches symétriques qui sont proposées à la libre interprétation de la personne évaluée. C'est un outil d'évaluation psychologique de type projectif élaboré par le psychanalyste Hermann Rorschach en 1921.). La neige en noir et blanc...
Abbath : Tu parles de Rorschach?
Simon : Oui il y a beaucoup de tests de Rorschach ...
Abbath : j'avais compris lone shark ("requin solitaire")... (rire général)
Pourquoi une reprise de Bathory?
Abbath : Blood Fire Death (1988) est l'un de mes albums préféré de Bathory. Quorthon a été une énorme influence pour moi. Il ne voulait pas le reconnaitre mais il était un grand fan de Manowar et de Kiss. Personnellement Motörhead est le moteur de ma vie. C'est comme une vision avec ton miroir sur un mur: "Miroir, miroir qui est le plus rapide?" "Miroir, miroir qui est le plus bruyant?" Tu sais, il est décédé très jeune, il n'avait que 39 ans. Il est né avec des problème au cœur, il aimait le Jack/Coca, d'ailleurs on aime tous ça (dit-il en se resservant une rasade). et cela fait un cocktail rapide vers où tu sais... Ensuite il fallait que je trouve une dernière chanson pour tous ceux qui sont morts, je ne savais pas quoi faire comme reprise, une de Judas Priest ou une autre. Danny est venu au moment où je jouais avec Ule et il m'a dit de faire ce qu'on avait envie de faire. D'ailleurs pour l'album on pensait reprendre du Slayer du Metallica ou du Motörhead mais il fall ait que l'on soit à l'aise avec le morceau.
Donc tes influences sont Bathory, Motörhead, Judas Priest. Qui d'autre ?
Abbath : Les Kiss sans ou blier Fats Domino (il se met à chanter "Blueberry Hill" NDLR). " I found my thrill - On Blueberry Hill - On Blueberry Hill - When I found you...")
Abbath, ce qui est marrant quand on observe ta carrière c'est qu'on peut la comparer à celle de Gaahl. Lui a commencé dans Trelldom puis Gorgoroth, toi dans Old Funeral puis Immortal. Ensuite il a essayé de faire quelque chose avec God Seed et toi avec le projet I et maintenant vous avez tout deux vos propres groupes. Gaahl's Wyrd d'un côté et toi Abbath...C'est une longue histoire...
Abbath : Oui "It's a long way to the top if you wanna play black metal" (rire général) (il prend la voix de Bon Scott et commence à chanter les premiers vers...)
Que penses tu du film Lords of Chaos [film semi-fictionnel sur Mayhem et la scène black norvégienne des années 1990] ?
Abbath : Je n'ai pas vu le film... j'en ai parlé à l'un de mes fans récement qui était là à cette époque et apparemment ce qui est dit est vrai, même s'il y a des erreurs et qu'on peut critiquer le film. Je suis juste heureux de n'être pas célèbre pour avoir poignardé une personne que j'appréciais. C'est tellement honteux.
Au tout début est-ce que cela a été difficile pour toi de créer ton propre corpse paint?
Abbath : Un jour j'étudiais mon visage dans le miroir avec une peinture blanche, j'ai éssayé d'ordonner tout ça et tout à coup il est apparu ce putain d'Abbath ! C'est comme ça que j'ai vu Abbath, j'aurais aussi pu trouver Black S'Abbath" (rire général)
Sur scène la setlist risque d'être compliquée à établir ?
Abbath : Oui c'est un gros défi. Le meilleur reste à venir. Il y a tellement de titres que c'est difficile de faire un choix.
Photos : © 2019 Antoine de Montremy (Duke TV, Les Improductibles)
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