Le premier album des Franciliens de Lone Survivors, Ground Zero, sort ce 22 novembre 2019. Groupe partenaire de La Grosse Radio, Lone Survivors fait avec ce premier opus une entrée fracassante dans la cour des grands ! Son metal progressif aux tonalités djent et metalcore fait mouche, orchestré d'une main de maître par des musiciens issus d'univers différents et une équipe de pros à la production.
Le projet Lone Survivors a été lancé par le duo Olivier Crescence (Dry Can) – Samuel Smith , qui d'ailleurs est à l'origine des compositions et des paroles de l'ensemble de l'album. Accompagné de Jérémy Piau et François Lescuyer, le projet a pris forme et c'est l'arrivée au chant de Matthieu Romarin (également chanteur dans le groupe de metal extrême Uneven Structure) qui a permis au groupe de trouver sa voix et de se lancer dans la création de son premier opus.
Le titre d'ouverture, "Enigmatic Side Effects", est probablement l'un des morceaux les plus riches de Ground Zero : c'est un feu d'artifice de maîtrise que notre quintette artificier envoie sans complexe. D'emblée, après une intro éthérée, quelle claque ! On est attaqué directement par un cri d'outre-tombe impressionnant et un groove imparable, basse et riffs en tête, pour un passage lourd en djent. Une belle transition emmène vers le chant clair et on est séduit par la nouvelle ligne musicale plus prog, par le timbre riche et profond de la voix exceptionnelle de Matthieu, et les envolées des guitares. L'ambiance devient hypnotique, avec des claviers bien dosés et une ligne de batterie lancinante. La deuxième partie de ce morceau-démonstration lance une superposition du chaud et du froid, du chant clair et du growl, pour une montée en puissance qui prend aux tripes. La même sensation nous prend à l'écoute du single puissant "Lost In My Mind", où les transitions habiles font passer d'un voyage planant au sentiment d'urgence le plus brut.
Même si cela peut paraître paradoxal compte-tenu de l'agressivité de certains passages et de l'univers franchement glauque, un mot résume bien ce qui fait la force de Ground Zero : équilibre. Bien que complexes, les compositions de Lone Survivors ne sont ni alambiquées ni inaccessibles (reproche que l'on peut faire à pas mal de prog dit « de démonstration »). Le djent provoque un tambourinement unique collant à merveille à la thématique (post) apocalyptique de l'album. La basse d'Olivier est à saluer, car avec les guitares, elle impose cette rythmique de fou sur les temps et contretemps, une vraie prouesse de matheux, et on s'imagine déjà en concert, comme pris par le beat du début à la fin du set, sous les coups de la batterie, happé par la musique et dans une sorte d'état second que ceux et celles qui ont déjà vu Meshuggah en live peuvent connaître. "Paul The Saint", par exemple, attaque avec un gros double blast, un djent énorme... outre la maîtrise exceptionnelle de la rythmique, c'est la mélodie et les atmosphères qui marquent dans ce titre quand arrive le chant exceptionnel de Matthieu, comme aérien mais puissant en même temps.
C'est que Lone Survivors a trouvé dans la maîtrise vocale de Matthieu Romarin un atout de taille. Sa puissance et sa richesse brillent sur toutes les pistes, accompagnant à merveille les compositions de Ground Zero qui font la part belle aux mélodies. Des cris, growls profonds et déchirants, aux splendides passages en chant clair, voire dans le mélange des deux, Matthieu emmène l'auditeur en voyage par son timbre séduisant, sa profondeur et sa force d'interprétation. Les paroles, quant à elles, évoquent de façon métaphorique l'humanité courant à sa perte, une tentative de recherche de spiritualité dans un univers post-apocalyptique où les "seuls survivants" tentent de trouver un sens à leur existence face aux désillusions du néant de la destruction.
Si dans le bien nommé "Six Feet Under", on se fait littéralement achever par le staccato qui creuse dans la terre de l'extrême, gros coup de poing sensoriel, certains titres en revanche nous offrent un schéma que Lone Survivors semble affectionner particulièrement. Dans les morceaux "In The Flesh" ou "The Circle Of Thoughts", on voit toujours cette même alternance de lourds passages agressifs et des temps plus atmosphériques... L'effet est légèrement répétitif, avec peut-être moins d'identité ou de singularité sur ces morceaux très bien exécutés au demeurant, mais manquant de cette « chimie » flagrante dans d'autres titres. En revanche la recette fonctionne à merveille dans "Lucid Dream" : un son un brin nostalgique, des soli de guitare exceptionnels à l'ancienne et même une voix oscillant entre le metalcore et le heavy metal.
Post retro, past moderne, c'est un son unique en tout cas pour Lone Survivors qui se démarque par la qualité du mixage et ce souci des détails. Impossible de ne pas remarquer sur Ground Zero la production exceptionnelle et le mixage précis et soigné, vrai travail d'orfèvre... rien d'étonnant quand on apprend que ce sont les excellents Fred Duquesne (Mass Hysteria) et Magnus Lindberg (Aqme, Tagada Jones) qui ont apporté leur savoir-faire pour assister Lone Survivors dans la production.
Achevons notre tour d'horizon de cet opus par le splendide "Ground Zero". Encore cette basse ! Olivier en fait la vraie ligne directrice de cet album, omniprésente et presque autant responsable de l'ambiance que les synthés, grâce à la production au top. Vocalement, c'est exceptionnel : la voix claire monte en puissance dans la distorsion pour arriver au growl, acompagnée à la perfection des riffs de guitare un peu rétro. Agrémenté de passages au phrasé original et d'autres entre voix presque parlée et growl, en passant par le cri metalcore, ce morceau est prenant... voire surprenant d'efficacité. Un titre mélancolique que l'on fredonne très rapidement, et à nouveau cette capacité impressionnante de Lone Survivors à fabriquer un headbanger en puissance avec une composition complexe. On ne peut qu'avoir hâte de les entendre en live !
Ground Zero, un premier album ? Peut-être, mais avec un tel soin dans les finitions qu'on ne peut que saluer ce job de Lone Survivors, quintette loin d'être débutant. Un album qui permet en tout cas de dépasser les paradoxes : du prog accessible, du metalcore intello, du djent qui fait planer, des débutants expérimentés, de l'harmonie dans l'agression, et de l'énergie dans la noirceur, c'est tout ce que nous offre ce premier effort, et on en redemande !
Tracklist
1. Enigmatic Side Effects
2. In The Flesh
3. Paul The Saint
4. Lost In My Mind
5. Six Feet Under
6. New Dimension
7. Quantum Slaves
8. The Circle Of Thoughts
9. Lucid Dream
10. Ground Zero
Ground Zero, premier album de Lone Survivors, est déjà disponible (via Charlie Lescuyer Productions). Lien vers le bandcamp du groupe ici.