Opeth (+ The Vintage Caravan) à  l’Olympia de Paris (11.11.19)


Un vent nordique, prog et retro a soufflé le 11 novembre dernier à l'Olympia, qui affichait complet. C'est dans cette salle parisienne mythique que le groupe suédois Opeth a choisi de se produire pour la seule date française de sa tournée européenne. Mikael Åkerfeldt et sa bande, forts d'un excellent treizième album, In Cauda Venenum, sorti quelques semaines auparavant, étaient accompagnés de l'énergique trio islandais The Vintage Caravan.   

The Vintage Caravan

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Il ne faut pas se fier à l'apparente candeur des trois jeunes hommes tout sourire qui prennent la scène pour ouvrir la soirée. The Vintage Caravan, trio (hard) rock psyché tout droit venu d'Islande, va montrer en quarante petites minutes toute l'étendue de son talent et emmener le public de l'Olympia, déjà bien nombreux, dans un univers retro entraînant et agréablement heavy. Le groupe propose un hard rock old school, teinté de heavy et de psyché, très marqué années 70, pour un retour en arrière qui fleure bon les accords à la Deep Purple, comme sur l'entraînant "Set Your Sights" , ou encore Led Zeppelin, dans les irrésistibles riffs de "Expland your Mind". Le style vestimentaire des musiciens est d'ailleurs en parfaite adéquation avec cette thématique.

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Le bon mix du set de The Vintage Caravan met en valeur la puissance et l'énergie des titres proposés par les Islandais, car c'est une explosion de riffs à chaque seconde, menés par l'énergique chanteur et guitariste Óskar, auteur de nombreux gros soli, virtuose du shred, et le bondissant bassiste Alexander, impeccable en section rythmique mais également mélodique, sur des parties solo impressionnantes. Une mention spéciale pour le morceau "Reset", qui montre que le groupe sait aussi faire dans le subtil, avec un début très doux sur lequel les superbes harmonies vocales d'Óskar, Alexander, et Stefán (batterie) fonctionnent très bien.

L'enthousiasme des musiciens fait plaisir à voir : ils interagissent beaucoup avec le public et ne manquent pas de le remercier ou de l'encourager à participer, comme sur "Crazy Horses". Sur l'ultime titre, l'énergie est à son comble, sur scène comme dans le parterre, au point de faire tanguer le parquet flottant de la fosse de l'Olympia, chose assez rare pour une première partie... Chapeau ! (Transition facile - mais assumée - vers le set d'Opeth)

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Setlist The Vintage Caravan :

- Reflections
- Set Your Sights
- Crazy Horses
- Reset
- Babylon
- On the Run
- Expand Your Mind

Opeth 
 


Le sentiment d'excitation est palpable dans la salle pendant la pause. L'Olympia affiche complet, preuve que le prog si singulier des Suédois fascine et attire. Les derniers passages d'Opeth dans la capitale datent de 2016, 2015 (au Trianon) et 2014 (au Bataclan), deux salles prestigieuses, et le concert de ce soir promet de rester dans les annales, si l'on en juge à la disposition des éléments scéniques (trois podiums circulaires visant à accueillir bassiste, clavier et batteur, de nombreux spots et même des ampoules suspendues, sans compter des écrans un peu partout). À l'heure exacte, on entre tout de suite dans le vif du sujet avec l'intro du dernier album, In Cauda Venenum, "Livets Trätgard", sur laquelle les cinq musiciens font leur entrée.

Mikael Åkerfeldt, tout en élégance ce soir et coiffé d'un chapeau, salue le public et le groupe entame son set avec le single "Svekets Prins", en suédois donc. Petit rappel, In Cauda Venenum est sorti sous deux versions, en suédois et en anglais, mais les titres issus de cet opus présentés ce soir seront interprétés dans la langue natale de Mikael. Force est de constater que cela rajoute une dimension et une puissance supplémentaire aux morceaux. Le son est très fort, les musiciens sont engagés dès le début, le côté visuel étant assuré par des décors mouvants projetés en permanence et couplés à de beaux jeux de lumière. Un palier a encore été atteint par Opeth qui offre un début de set d'une qualité exceptionnelle. 

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Parmi la discographie d'Opeth, riche, variée, polémique parfois, quels étaient les titres les plus attendus ? Difficile à dire tellement un grand nombre de disques des maîtres du prog regorge de sérieux prétendants au titre de tube. La qualité du set tient pour beaucoup à cette setlist variée et équilibrée, avec des enchaînements et transitions dont seuls les plus grands ont le secret. C'est ainsi que le complexe "The Leper Affinity", avec sa splendide outro au piano, issu de l'immense Blackwater Park (2001), vient s'intercaler presque naturellement entre deux titres du dernier opus.

La complexité et l'indéniable musicalité des compositions d'Opeth explose littéralement sur le chef-d'oeuvre de la soirée, "Reverie / Harlequin Forest" : cette errance en forêt, magistralement mise en lumière, fait passer des moments introspectifs pleins d'émotions au death sombre et tellement mélodique, Mikael étant aussi convaincant en chant clair que dans les growls. Ajoutons à cela les guitares du frontman et de Fredrik Åkesson, jouant toute la soirée dans un unisson parfait, et des parties au clavier par Joakim Svalberg, pour un effet bouleversant. Le public, visiblement conquis, chante et communie avec le groupe, conscient de vivre un moment spécial.  

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Sur les passages les plus agressifs cependant, le (gros) bémol du concert apparaît, au point d'en devenir gênant pour le public de la fosse : un bourdonnement lié au mix des guitares, bien trop mises en avant dans les moments les plus lourds, va perdurer une bonne partie du set. Le public, peut-être un peu gêné par ces soucis, ne semble cependant pas en vouloir au groupe, d'autant que sur les passages lents il est aisé d'entendre les nuances et le talent de chaque musiciens.

Le suave "Moon Above, Sun Below" est écouté dans une ambiance quasi religieuse, l'ensemble du public étant suspendu aux lèvres de Mikael... Il faut dire que ce dernier a précisé juste avant qu'il avait du mal à la jouer et à la chanter, ce qui se révèle absolument faux, mais a été un pretexte pour présenter ses camarades musiciens en louant leurs talents.

Chose usuelle pour un concert d'Opeth, l'animation de la soirée repose sur les interventions truculentes et humoristiques du leader, très en forme. Commentant avec dérision son style vestimentaire et son chapeau (qui, d'après lui, le fait ressembler à un Amish mais au moins lui évite de manger ses cheveux pendant tout le concert ), Mikael s'excuse aussi de la longueur des moments d'accordages entre les titres, nécessaires à la qualité d'un vrai live band qui, nous dit-il, s'est toujours refusé à utiliser des pistes enregistrées, comme beaucoup de groupes de sa connaissance. À bon entendeur … 

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Même s'il est vrai que sur certains titres, la batterie de l'excellent Martin « Axe » Axenrot, les claviers de Joakim Svalberg et la basse de Martín Méndez sont peu mis en valeur dans le mix, les trois hommes étant d'ailleurs également invisibles car peu éclairés, en revanche sur le devant de la scène, quelle présence ! Statiques mais inspirés, Frederik et Mikael possèdent la scène comme de réels patrons, enchaînant les soli et les passages alambiqués de main de maître.

Les harmonies vocales sont également maîtrisées à la perfection, les trois voix de Mikael, Joakim et Frederik se fondant merveilleusement sur les passages mélancoliques de "Hope Leaves" par exemple. Le timbre subtil et chaud du leader fait des merveilles ce soir, et les moments de grâce se multiplient. Ce dernier admet être impressionné par le lieu, en faisant référence aux dix-sept Olympia successifs des Beatles, mais citant aussi les Doors, Lynyrd Skynrd ou encore – gros cocorico de la soirée ! - son groupe préféré, les Français de Magma, comme références et inspirations.  

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Le talent du quintette va au-delà de l'interprétation de morceaux. Le set, audacieux, magistral, est construit tel un fil narratif harmonieux et s'apprécie finalement comme un parcours sensoriel et émotionnel. Le public, chantant, agitant la tête à l'unisson, vit avec Opeth un voyage parmi des ambiances, des époques et des styles tellement variés que seul un maitre d'orchestre tel que Mikael Arkerfeldt pouvait inventer. Les pérégrinations entre l'ancien et le nouveau de la première moitié du set sont suivies d'une folie jazzy-psyché subtile ("Nepenthe"), de moments d'élégance impressionnants, et même d'un solo de funk du bassiste Martin Mendez, descendu sur la scène pour l'occasion.

Alors qu'on ne pensait pas qu'Opeth puisse faire plus fort, c'est un final inoubliable qui est offert. L'enchaînement redoutable des quatre derniers titres s'avère parfait. Du death rapide au passage disco / creepy de "The Lotus Eater" au bijou du dernier album, le proggy et entêtant "Allting Tar Slut", et avec un rappel marqué par le riff implacable de "Sorceress", quel splendide final... qui s'achève avec un point d'orgue épique, un voyage en soi, le toujours très marquant "Deliverance". Les cinq hommes quittent la scène de l'Olympia acclamés par le public, partagé entre la joie d'avoir assisté à un moment privilégié et la frustration de ne pas en avoir eu davantage ... 

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Setlist Opeth : 

- Intro : Livets Trätgard
- Svekets Prins
- The Leper Affinity 
- Hjärtat Vet Vad Handen Gör
- Reverie / Harlequin Forest 
- Nepenthe 
- Moon Above, Sun Below 
- Hope Leaves
- The Lotus Eater 
- Allting Tar Slut 

- Sorceress 
- Deliverance 

Photographies ©Marjorie Coulin. Toute reproduction interdite sans l'autorisation de la photographe.  



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