Alors que les fans attendaient depuis 27 ans un nouveau concert de Sortilège, on peut dire que le retour du groupe culte de heavy metal n’est pas passé inaperçu. Enchainant les dates depuis le Keep it True, c’est à l’Ilyade de Seyssinet-Pariset que se produit en ce 30 novembre 2019 la formation pour son dernier show de l’année en France.
Sacral Night
Après une ouverture des portes à 19h30, c’est Sacral Night qui débute la soirée devant un parterre déjà bien présent. Bâti sur les cendres de Sanctuaire, le groupe a ses amateurs dans la salle et est bien décidé à les contenter. Jouant un heavy metal occulte, lorgnant tant vers Mercyful Fate que vers le thrash, le black et le death metal, le résultat est une musique agressive, violente et pourtant mélodique. Que ce soit au niveau de la scénographie, avec son crâne prenant place devant le chanteur Amphycion, que du point de vue des compositions, on est plongé dans un univers très sombre.
Très clairement, on sent le bagage des membres, passés par des groupes tels que Necrowretch, Aldaaron ou encore Aorlhac. Ca joue vite, de manière très agressive et pourtant le tout est empli de riffs qui tournoient dans la tête après leur court set d’une demi-heure. Néanmoins, le chant d’Amphycion n’est pas aussi marquant que celui d’Antoine Volat qui officiait sur leur EP Darkness Process. Et même si celui-ci rend très bien en CD, sur scène, les parties vocales peinent ici à prendre leur envol. Heureusement, la durée du concert, une base rythmique efficace, des riffs à la pelle et des compositions percutantes font que le positif l’emporte sur ce léger point négatif.
Reste un groupe intéressant à suivre, dont nous ne pouvons que vous conseiller leur excellent premier album Ancient Remains.
Elvenstorm
Après un petit changement de plateau, place à un autre quatuor local avec Elvenstorm, récemment signé chez Massacre Records pour son troisième disque The Conjuring sorti l’an dernier. Le registre est moins sombre et agressif, mais tout aussi enlevé que pour Sacral Night. Et même si la voix de Laura Lombard rapprochera le groupe de Doro et surtout de Warlock, on est ici dans un heavy metal biberonné aux géants allemands comme Accept ou Running Wild.
Et malgré un son pas à la hauteur de la qualité d’interprétation, les larsens se faisant trop présents pendant le concert, Elvenstorm fait passer un excellent moment. Laura module parfaitement sa voix, et donne une efficacité certaine aux compositions grâce à un placement à toute épreuve. Mais il y a aussi les membres du groupe, notamment son guitariste Michael Hellström, sortant des déluges de notes lors de solos exécutés à la perfection.
Le dernier album The Conjuring se taille la part belle de la setlist avec la moitié des titres joués ce soir. Les morceaux se transforment en hymne, remplis de refrains accrocheurs, que ça soit sur les chansons aux tempos les plus enlevés comme sur des mid-tempos renforcés de chœurs infaillibles.
Et c’est après un endiablé "Legions of Steel" tiré de leur premier opus Of Rage and War, le quatuor finit le concert sous les applaudissements du public au complet.
Sortilège
Tandis que nous pouvions imaginer un décor riche pour la tête d’affiche, la grande scène de l’Ilyade se drape de sobriété. Une immense toile à l’effigie du premier EP derrière une batterie surélevée et rien de plus. C’est dans ces conditions qu’apparaîssent les cinq musiciens lors d’une épique introduction avant que ne débute "Marchand d’Hommes".
Première constatation, Sortilège joue ce soir pour la seconde fois (la première étant au Pyrenean Warriors Open Air) depuis son renouveau sans Lynda Basstarde de Furies. Alors que celle-ci était une membre importante dans le retour du groupe, épaulant Christian « Zouille » Augustin dans les parties les plus aigües des morceaux, celle-ci est donc absente. Est-ce parce que celle-ci n’était pas disponible ou bien car Zouille a récupéré ses capacités vocales ?
Au milieu de ce karaoké géant, où le public entonne refrains et couplets en chœur, la réponse se fait sentir rapidement. A chaque concert qui se finit, Sortilège redevient de plus en plus juste, de plus en plus carré, et Zouille retrouve un peu plus son chant. Que ça soit sur les compositions les plus véloces comme "Amazone", ou sur les tempos les plus lents tels que "Gladiateur", ses parties sont toujours plus précises. Effectivement, on oublie les montées suraigües divines des albums, mais par le placement, les ajustements et des hurlements intéressants, on parvient à passer outre l’important apport de Lynda ces derniers mois.
On récupère donc un véritable quintet, où chacun joue parfaitement sa prestation, même si des pains se glissent parfois durant ce show. Ainsi, on retrouve un Dem qui s’affirme à la guitare rythmique là où Bruno Ramos est toujours capable de captiver avec sa facilité à sortir des solos magnifiques. Daniel Lapp et Farid Medjane assurent à merveille, Farid n’hésitant pas à faire le spectacle derrière ses futs et à alpaguer régulièrement les auditeurs tandis que Lapp enveloppe les riffs de ses collègues d’une basse ronde et chaleureuse.
Et malgré l’absence de certains titres tels que "Le Dernier des Travaux d’Hercules" ou "La Huitième Couleur de l’Arc en Ciel", la setlist fait passer cette heure et demie de concert trop vite. Les moments forts se succèdent, que ça soit un "Chasse le Dragon" hurlé par le public hystérique, ou "Délires d’un Fou" porté par la voix emplie d’émotion de Zouille.
Sortilège n’a jamais été le groupe le plus technique du heavy metal, ni le plus rapide. Néanmoins, la formation a pour elle cette puissance évocatrice au niveau de ses compositions, et de ses paroles écrites dans un français bourré de passion. Les hymnes sont fédérateurs, les riffs magnifiques et la scène donnent un second souffle aux chansons du groupe.
Et c’est après une interprétation sans faillir de "Messager" que le quintette semble quitter les planches. Pour mieux remonter quasi aussitôt pour un rappel. Celui-ci est précédé d’un hommage qu’on ne peut taire à Jean-Yves « Bam-Bam » Marcon via un immense présentoir trônant à coté de la batterie. Figure locale du heavy metal, ancien roadie, chroniqueur radio et surtout une personne d’une culture gigantesque égale à sa gentillesse, celui-ci est décédé des suites d’une maladie deux semaines avant le concert. C’est après ce moment fort en émotion que Sortilège finit son set sur "Quand un Aveugle Rêve", puis, après une introduction de Zouille entonnant le premier couplet du morceau, sur le classique "Sortilège" extrait du premier EP.
Revoir Sortilège en 2019 était au début de l’année inespéré. Et pourtant, en cette fin de mois de novembre, nous avons devant nous un groupe debout, uni, et surtout prêt à rouler sur la France d’un heavy metal qui n’a pas pris une ride. Disons-le clairement, Sortilège nous a envoûté, et c’est avec impatience que nous attendrons leur concert et enregistrement live à l’Elysée Montmartre ainsi que leur venue sur la Main Stage du Hellfest en 2020.
Setlist :
Marchand d'Hommes
Majesté
Civilisations Perdues
La Hargne des Tordus
Délire d'un Fou
D'ailleurs
Gladiateur
Progéniture
Chasse Le Dragon
Amazone
La Montagne Qui Saigne
Mourir Pour Une Princesse
Rappel :
Quand Un Aveugle Rêve
Sortilège
Photos: Lukas Guidet 2019
Toute reproduction interdite sans autorisation.