Réévélé au grand public par un passage dévastateur au Hellfest 2019, Aorlhac est en ce soir glacial du 7 décembre 2019 de passage à Grenoble. C’est donc la salle de L’Amperage, bien remplie, qui se charge de son accueil, mais aussi de celui des trois groupes accompagnants les Auvergnats, Nydvind, Griffon et Bovary.
Bovary
C’est le dernier groupe précité qui ouvre les hostilités. Auteur de deux démos jusqu’à présent, Bovary propose un depressive suicidal black metal portant on ne peut mieux son nom. La musique de la formation est sombre, noire, et abat telle une chape de plomb des torrents de négativité sur le public.
Malgré son jeune âge, le quintet arrive à jouer sur les atmosphères, délivrant tant des mid-tempos très lourds tel "Je ne serais plus là pour t’attendre" ou "Arsenic", mais aussi des salves d’aigreur et de violence soutenus par des rythmes effrénés comme "Ta vie c’est mes chiottes" ou encore "Nous Sommes".
Bien qu’il s’agisse de son dernier passage sur scène, la chanteuse Ondine transmet une tristesse, un regard désabusé dans ses hurlements, aidé par des riffs puissants et des ambiances vraiment pesantes. Le son, malgré des guitares trop en avant, laisse s’exprimer l’intégralité des instruments et parvient à ressortir les subtilités des compositions.
Après seulement deux démos, le concert de ce soir nous le confirme, Bovary est un groupe à suivre. On espère que le line-up saura se stabiliser pour continuer à proposer son black metal dans une voie que trop peu osent emprunter, encore plus en France.
Setlist Bovary :
Mes racines dans le Désert
Ta vie, c’est mes chiottes
Nous sommes…
La Lumière t’évince
Soleil sans cieux
Je ne serais plus là pour l'attendre
Arsenic
Celui
Irrécupérable
Griffon
Après un court changement de plateau, l'ambiance est toute autre avec Griffon. Beaucoup plus rentre dedans, les Parisiens délivrent un black metal qui conte les horreurs des batailles et de l’histoire.
Très discret au niveau discographique - son (excellent) split avec Darkenhöld sorti cette année n’est que son troisième disque après l'EP Wig Ah Wag en 2014 et l’album Har HaKarmel publié en 2016 – le groupe ne l’est pas en live. On est porté par ce jeu théâtral du chanteur Aharon, les rimes de ses textes en français tantôt hurlé, tantôt déclamé dans une voix claire avec souffrance. La présence des membres sur scène est pleine de charisme et d’autorité, donnant un impact d’autant plus fort à la puissance de riffs épiques et marquants.
Griffon en impose sur les planches, sachant sortir les griffes tel le rapace mythologique dont il revêt le nom. Leurs arrangements sont à la fois agressifs, évocateurs et parfaitement exécutés. Les compositions sont vraiment efficaces, les breaks sont judicieusement placés et la paire de guitaristes Sinaï et Antoine mène la danse avec justesse.
Les trois morceaux joués du split avec Darkenhöld montrent une nette affirmation dans la musique du groupe, le moment fort du concert étant l’intense interprétation de "Si Rome vient à Périr". On espère du nouveau matériel à se mettre prochainement sous la dent, tant Griffon prouve ce soir qu’il est une excellente formation de plus dans la scène black metal française.
Setlist Griffon :
Souviens-toi Karbala
L’Arbre Blanc
Jérusalem
Si Rome vient à Périr
La Cité est Perdue
Tout est accompli
Nydvind
Après les deux premiers coups de boutoir, place maintenant à un peu plus de variété. Attention, on vous voit venir, pas question du style musical ici, mais de la définition même du terme. Nydvind transmet un pagan black metal dont les variations, les changements de ton et les ambiances sont extrêmement diversifiés.
A l’image de son dernier disque Seas of Oblivion, on navigue entre riffs fédérateurs propres au headbang sur "Skywrath" àet black metal épique que ne renierait pas Kampfar sur "Sailing Towards The Unknown".
Le chant, en anglais cette fois-ci, de Richard Loudin est excellent et propage une hargne bienvenue dans les morceaux. On est pris dans un long voyage, fait de changements, de variations, telle une houle se tranformant en tempête au gré des précipitations .
Le groupe dévoile "The Serpentine Call" extrait de son album à venir en 2020, sur lequel Nesh quitte sa basse pour porter un bouzouki, comme une parenthèse enchantée et folklorique au milieu d’un concert bien plus agressif.
On parlait ci-dessus de variété, pourtant les différentes compositions de ce soir forment un set cohérent qui montre la puissance de ses chansons. Nydvind prouve qu’il n’est pas nécessaire de surjouer, de rajouter des dizaines d’instruments, pour proposer un pagan black metal aussi folk qu’épique. L’intensité évocatrice des riffs de guitare, les changements de ton, le côté mélancolique et lancinant qui s’appuie sur des successions de violence et de brutalité, tout tend à retenir la musique du groupe qui nous livre un excellent concert. Vivement 2020 et le nouvel album donc !
Setlist Nydvind :
Skywrath
Thunderhymn
Son Of Fire
The Serpentine Call
Nordic Dawn
Sailing Towards The Unknown
Empire of Frost
Aorlhac
Place maintenant à la tête d’affiche de la soirée, et il faut dire qu’après trois groupes de qualité, pas question pour Aorlhac de faire moins bien. Au contraire, les Auvergnats attaquent pied au plancher par "Alderica", suivit de "Plérion".
L’animosité est au rendez-vous. Le son est parfait, duquel on retient un Spellbound impérial au chant, ivre de rage et d’agressivité derrière son micro. La fosse se met enfin à bouger de manière endiablée, les riffs thrashisants et les breaks épiques se succèdent à toute vitesse, portée par une base rythmique pleine d’énergie.
On se prend de plein fouet cette tempête cathartique et misanthropique, mémoire d’un passé et du folklore occitan que souhaite transmettre Aorlhac. Les compositions sont une invitation au voyage, extrêmement enlevée certes, et poussent à s’intéresser à un pan méconnu par beaucoup d’une histoire peu contée dans les livres.
Alors que l’on pourrait penser que L’esprit des vents aura la part belle de la setlist, celle-ci est aussi beaucoup composée du précédent disque La Cité des Vents. Ainsi, on se prend à headbanguer, à valdinguer entre ces riffs torturés et ces hurlements furibonds. Malheureusement, après une sublime interprétation de "La Révolte des Tuchins", Aorlhac attaque sa chanson éponyme… avant de la couper subitement, apprenant avec dépit que le groupe doit quitter la scène bien qu’il reste trois morceaux, la salle devant fermer à cause de l’heure.
C’est donc empli de rage qu'Aorlhac joue Infâme Saurimonde pour clôturer la soirée. La mélodie, encore plus épique qu’à l’habitude compte tenu de la récente nouvelle, est porté par ses chœurs et ses riffs furieux pour terminer ce récital contenté, mais tout de même déçu par la durée du set des Auvergnats.
Malgré un concert plus que réduit de la part d’Aorlhac, on ne peut que remercier Ondes Noires pour cette superbe soirée qui prouve encore une fois la grande richesse du black metal français. Quatre groupes, tous de qualité et proposant un son et une imagerie différente. Griffon, Nydvind et Aorlhac s’arrêteront ensemble à Lille et à Paris en 2020 et, si vous êtes amateurs du genre, il s’agit d’une date à ne pas rater.
Setlist Aorlhac :
Alderica
Plérion
Saint-Flor, La Cité Des Vents
Le Bücher des Cathares
La Révolte Des Tuchins
Aorlhac
Infame Saurimonde
Photos: Foxy Photographie 2019
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