Quand on parle piraterie et musique, on pense directement à des groupes comme Alestorm ou Swashbuckle. Mais exit les instruments électriques, Ye Banished Privateers nous offre ici son quatrième opus de musique folk sur le thème des pirates avec 100% d'instruments acoustiques. Exit également une formation standard composée de quatre à six membres en moyenne car l'équipage des Suédois ne compte pas moins de 19 membres ayant travaillé sur cet album et a même presque atteint la trentaine depuis ses débuts. Hostis Humani Generis, le nom de l'album signé Napalm Records, est une expression latine qui date de l'ère de la piraterie ; elle signifie "ennemi de l'humanité" et est issue du droit maritime pour désigner notamment les pirates comme ennemis de toute nation, la haute mer étant hors de juridiction des états.
Il serait presque irréaliste de citer tous les instruments utilisés par les musiciens dans cet enregistrement, tellement ils sont nombreux. Retenons qu'il y a une majorité d'instruments à cordes (frottées ou pincées), quelques percussions et des instruments à vent. La présence d'instruments peut-être un peu plus inhabituels attire l'attention : vielle à roue, nickelharpa, cajon, guzheng...
Ces orchestrations accompagnent plusieurs chanteurs qui apportent des émotions différentes avec les types de chant variants : pirate rauque, masculin tenor, féminin soprano ou alto, féminin plus rauque. Le tout est baigné dans une ambiance renforçant le réalisme de l'univers dans lequel Ye Banished Privateers veut nous transporter ici : tantôt des bruits de vagues, tantôt des bruits d'explosions, des cris de marins ou tout autre son relatif à ce milieu.
Crédit photo : Samuel Pettersson
Cet univers est audible dès le début de l'album avec "No Prey, No Pay" qui nous plonge directement dans la cale d'un bateau pirate. On y entend dans un tempo moyen un chant pirate, rauque et presque murmuré accompagné par des chants marins vraiment entraînants, combinaison explosive pour nos esgourdes que l'on retrouve sur des morceaux comme 'Swords to Plowshares" ou "Rowing with One Hand". L'auditeur reste baigné dans cet univers festif lui donnant envie de danser sur des tables au fond d'une cale de navire sur des morceaux aux tempi plus rapide comme "Hush Now My Child", "Blame the Brits" ou "They Are Marchin Down on High Street". On imagine très bien ces morceaux en live, avec des artistes prenant plaisir à chanter, jouer et danser sur scène pendant que le public suit en choeur sur les refrains. "Elephant's dance" est convaincante avec les différentes voix qui la composent et ses percussions. "A Swinging We Must Go" a une allure crescendo qui est plus que bienvenue.
Mais la vie de pirate n'étant pas toujours festive et facile, Ye Banished Privateers nous régale de quelques morceaux beaucoup plus lents et riches en émotion comme "Capstan Shanty" dans laquelle il y a encore une multitude de chants différents et des choeurs répétitifs accrocheurs. La beaucoup plus sombre et violente "Flintlock" est entraînante avec ses rythmes de guitare folk et le chant confiant. La douce et mélancolique "Parting Song" est interprétée à la perfection par son duo chaleureux accompagné d'arpèges aux cordes et d'une flûte agréable. "Death of Bellows", qui commence par une courte litanie, a une dimension très tragique, appuyée par les bruits de vent, de pluie et de tonnerre et un passage a capella prenant aux tripes. On entend même un bruit de frottement de pierre, représentant probablement la fermeture d'une tombe, et des pas qui s'éloignent. La chanson épilogue "Why the Big Whales Sing" conclut l'album de manière très gracieuse mais sur un ton toujours aussi grave que la précédente.
Crédit photo : Samuel Pettersson
On peut rester sur notre faim avec ces morceaux au tempo lent et austère mais lorsqu'on se tourne vers les thèmes abordés, on ne peut que tirer notre chapeau devant le travail qui a été fourni pour composer cet album. Le décor est planté à la fin du XVIIe siècle, début XVIIIe, à une période assez compliquée pour la piraterie avec les chasseurs de pirate qui se multiplient, notamment Robert Maynard, connu pour avoir vaincu Barbe Noire, cité dans "No Prey, No Pay". Hostis Humani Generis peut être considéré comme un album concept étant donné qu'au fil des morceaux la situation des pirates est présentée de manière de plus en plus tragique. "Hush Now My Child" décrit comment un jeune homme est devenu pirate et a rejoint "The Flying Gang". 'Blame the Brits", "Elephant's Dance" ou encore "A Swinging We Must Go" et "They Are Marching Down on High Street" décrivent des situations desespérantes devant lesquelles les pirates ne fléchissent pas et tiennent le coup, préférant mourir au bout d'une corde que de reconnaître le pouvoir des différentes nations, notamment espagnole et anglaise. Finalement, "Death of Bellows" marque la fin ultime de la piraterie et "Why the Big Whales Sing" la fin de l'esprit de la mer que seuls les pirates pouvaient comprendre ("pourquoi les grandes baleines chantent").
Hostis Humani Generis nous transporte donc dans un univers de piraterie qui devient de plus en plus compliqué, les émotions sont intenses au fil des morceaux et la production est excellente. Ye Banished Privateers est un équipage rôdé qui nous livre ici son meilleur opus, énormément travaillé et bien orchestré. Un groupe à (re)découvrir et à suivre quand on aime le style folk scandinave et irlandais et le thème de la piraterie.
Tracklist :
01. No Prey, No Pay
02. Hush Now My Cild
03. Blame the Brits
04. Capstan Shanty
05. Elephant's Dance
06. Swords to Plowshares
07. Flintlock
08. Parting Song
09. Rowing with One Hand
10. A Swingin We Must Go
11. They Are Marching Down to High Street
12. Death of Bellows
13. Why the Big Whales Sing