Il y a deux semaines, la nouvelle salle de la Seine musicale située sur l’île Seguin recevait les légendes américaines du metal progressif : Dream Theater. Après une prestation au Hellfest plus ou moins critiquée, le groupe revenait pour promouvoir son dernier album en date, Distance Over Time, mais le public attendait particulièrement leur set spécial anniversaire des 20 ans de Metropolis Part 2 : Scenes from a Memory. Au total donc, un programme chargé, en deux actes et sans première partie pour un show 100% Dream Theater. Récit d’un récital de metal progressif.
Le temps pluvieux de ce dimanche soir sur Paris n’est vraiment pas reluisant. Nous arrivons donc avec réconfort en ce début de soirée dans une salle flambant neuve pour un show d'un peu moins de trois heures qui commence un peu avant 19h. Tout de suite, on est très surpris par la configuration de la salle : un plafond très élevé, une fosse extrêmement petite et de nombreux gradins avec une très belle vue panoramique. A vrai dire, la salle a plus une configuration faite pour des opéras ou des concerts de musique classique. Mais à y réfléchir après coup, ce n’était peut-être pas une idée si bête tant Dream Theater avait pensé son set comme une vraie pièce musicale : du metal prog en deux actes avec même un entracte de quinze minutes entre les deux parties. Il faut dire également que le son très progressif de Dream Theater se prête très bien à l’acoustique de la salle. Le son sera d'ailleurs d’une grande qualité toute la soirée.
Mais trêves de bavardage, le show commence donc avec une introduction très futuriste et très travaillée sur un écran situé derrière la scène. Le public, tout de suite pris au jeu fait monter la pression, et c’est avec le titre du nouvel album, "Untethered Angel", que Dream Theater débute le show, un titre peu innovant certes, mais qui reste efficace et qui résume bien ce que fait le groupe depuis tant d’années. On note d’ailleurs que pour ce premier acte, l’ambiance est volontairement très futuriste avec des vidéos pleines d'effets spéciaux en arrière-fond, ce qui permet véritablement une immersion pour les spectateurs. Au programme, des éclairs, des robots dans le design du groupe, un vrai retour vers le futur. Pour mieux imaginer, regardez la pochette du dernier album en date ou le micro du chanteur, ça donne une bonne idée de l’atmosphère qu’on avait ce soir sur scène. On ressent aussi un peu ce message sur la réflexion de la place de la société, et le négativisme des chansons de Dream Theater, malgré de très belles mélodies, qui donnent d’ailleurs et souvent le sourire.
Premier couac notable d’entrée, James Labrie n’est vraisemblablement pas très en forme. En effet, quelques soucis de voix empêchent le chanteur de la formation de monter très haut, ce qui peut provoquer quelques irritations auditives pour nos oreilles. Heureusement, Labrie saura se ressaisir quelques morceaux plus tard, même si quelques petites fautes de justesse resteront perceptibles jusqu’à la fin. Sûrement la faute de l’âge, mais on peut le pardonner par le plaisir que nous procure l’ensemble des musiciens. Et on apprécie toujours de voir James Labrie bouger partout et faire des aller retours réglés à la seconde près entre les parties instrumentales des morceaux de plusieurs minutes, et les quelques parties chantées. On peut dire que c’est quand même sympa d’être le chanteur de Dream Theater en termes de coût/horaire de travail !
Aparté terminé, la première partie se poursuit avec des morceaux du nouvel album. On notera notamment la présence de "Bartool Warrior", une chanson aux inspirations rock irlandais, assez douce et avec un solo lent, mais plein d’émotion, un peu à la Gary Moore, exécuté de la main de maître du guitariste John Petrucci. D’autres sont aussi très efficaces comme la courte, mais pas moins bonne "Paralyzed" et son riff ultra-efficace qui nous fait adhérer dès les premiers accords. Pour cette première partie, on aura aussi été agréablement surpris par deux chansons tirées d’autres albums, "In the presence of Enemies" et "A Nightmare to Remember", deux chansons ultra progressives quI font la part belle aux musiciens, notamment au clavieriste Jordan Rudess qui se permet même des solos de keyboard très appréciables devant l’audience. D’ailleurs coïncidence ? Car ce dernier était arrivé dans le groupe lors de la sortie de l’album anniversaire qu’on attend ce soir tous avec impatience. Et il arrive bientôt , car le premier acte se clôt par "Pale Blue Dot", un morceau du dernier album à la fois bien heavy et bien progressif.
Après un entracte d’une vingtaine de minutes, qui d’ailleurs nous permet de reprendre quelques forces, on est parti pour une interprétation intégrale de Metropolis Part 2. Après un retour vers le futur, on se retrouve quelques années en arrière dans une ambiance beaucoup plus rétro, avec des jeux de lumières plus tournés vers le rouge (contre le bleu du premier acte). Les vidéos sur l’écran géant qui s’inspirent en outre des comics à la Marvel nous plongent dans l’atmosphère de l’album concept de Dream Theater. Avec "Regression" et "Overture 1928", le bal progressif est bel est bien lancé.
On notera ce soir que la majorité du public est plutôt constituée de connaisseurs du groupe, et semble connaître par cœur la tracklist de l’album. Et c’est bien avec nostalgie que le groupe enchaîne des classiques comme "Strange Déjà vu" et "Beyond this Life", des morceaux qui mettent en avant le guitariste emblématique du groupe, John Petrucci, dont il faut vraiment toucher deux mots. Le grand barbu, décontracté, se montre en effet toujours super en forme sur scène années après années. Poseur à tout moment pour les photographes, et faisant preuve d'une facilité déconcertante à la guitare même sur des plans ultra complexe, ce dernier porte véritablement le groupe pour notre plus grand plaisir. Et comme tous les musiciens, il a l’air content d’être là pour nous faire passer un bon moment.
Après d’autres classiques, et un speech plus ou moins long de James Labrie, le chanteur demande si le public connaît la chanson suivante. Évidemment, puisque le public semble plutôt être composé de fans de longue date que de curieux. C’est l’heure de jouer ce classique prog aux touches orientales : "Home" repris en cœur par le public. D’ailleurs, ce morceau n’est d’ailleurs pas joué sur un schéma rythmique progressif, mais bien un schéma 4/4. C’est-à-dire sans cette impression de contretemps typiques du prog. S’il fallait garder une chanson du concert, ce serait sûrement celle-là… tant cette chanson nous transporte dans une autre dimension.
Le show passe trop rapidement, les chansons s’enchaînent pour atteindre les deux ballades que sont "One Last Time" et "The Spirit Carries On", reprises en cœur par le public au milieu d’une nuée de lumières de smartphones. Mais le final de l’album qu’est "Finally Free" finit par mettre tout le monde d’accord avec ce thème musical qui oscille entre une ballade mélancolique et un riff metal envoûtant et obscur. Et nous n'oublierons évidemment pas la magnifique partie solo finale de batterie que l’on doit à l'ancien batteur Mike Portnoy et qui permet de montrer encore une fois les talents de son successeur, l'excellent Mike Mangini.
Mais pouvait-on vraiment finir là-dessus ? Certainement pas, car le combo américain a encore la force pour revenir nous jouer un des morceaux les plus réussis de leur dernier album, "At Wit’s End", pour nous transporter une dernière fois ce soir.
On ne boude pas son plaisir d’un dernier morceau, mais certains auront certainement regretté l’absence de très grands classiques comme "Pull Me Under", ou d’un "As I Am". Mais la nostalgie et le show de grande qualité que nous aura offert Dream Theater suffit à notre bonheur et c’est avec des étoiles plein les yeux qu’on ressort de la salle pour retourner à la réalité. "Open your eyes Nicholas" ! Les trois petites heures seront passées bien vite…
Setlist :
Première partie
Untethered Angel
A Nightmare to Remember
Paralyzed
Barstool Warrior
In the Presence of Enemies, Part I
Pale Blue Dot
Deuxième Partie
Act 2 (Metropolis, Part 2: Scenes From a Memory):
Act I: Scene One: Regression
Act I: Scene Two: I. Overture 1928
Act I: Scene Two: II. Strange Déjà Vu
Act I: Scene Three: I. Through My Words
Act I: Scene Three: II. Fatal Tragedy
Act I: Scene Four: Beyond This Life
Act I: Scene Five: Through Her Eyes
Act II: Scene Six: Home
Act II: Scene Seven: I. The Dance of Eternity
Act II: Scene Seven: II. One Last Time
Act II: Scene Eight: The Spirit Carries On
Act II: Scene Nine: Finally Free
Encore:
At Wit's End
Crédits photos : Arnaud Dionisio, toute reproduction sans autorisation du photographe est interdite.