Slipknot (+ Behemoth), AccorHotels Arena (Paris), 30.01.20


Notes à nos lecteurs : Nous n'avons pas eu l'autorisation de photographier le concert, aussi nous avons demandé à Maël, artiste en herbe, d'illustrer ce report à sa façon. 

Le public français attendait cette date de pied ferme, après la prestation du Knotfest en juin 2019. De longues files d'attente se forment aux entrées de l'AccorHotels Arena pour le grand retour du groupe légendaire Slipknot en terre parisienne. Les gars de Des Moines voient les choses en grand pour cette tournée mondiale We Are Not Your Kind World Tour, avec en ouverture Behemoth, formation polonaise incontournable. Report d'un show spectaculaire qui s'est révélé bien plus qu'un concert dédié au dernier opus : ce soir, Bercy a été le témoin d'une soirée enflammée de célébration de vingt ans d'histoire d'amour entre Slipknot et ses fans, rien que ça ! 

 

Behemoth

Si les Polonais ont le vent en poupe depuis quelques temps, multipliant les tournées à guichets fermés, nous pouvons toutefois nous demander si leur place de groupe d'ouverture, qui plus est dans une très grande salle telle que l'AccorHotels Arena à Bercy, leur conviendra au mieux. Les messes black / death très cérémoniales de Behemoth se prêtent effectivement davantage à des ambiances plus intimes, et l'on peut regretter ce soir que la scène réservée au quatuor soit très réduite, ceintrée par de grands panneaux latéraux. L'essentiel du groupe est maheureusement quasiment invisible pour le public perché dans les côtés des gradins ou des balcons, qui aura bien du mal à entrer pleinement en communion avec les musiciens. 
 

Behemoth, Bercy, concert, 2020, Slipknot


La prestation de Behemoth est pourtant impressionnante et fait trembler l'Arena à plus d'une reprise. Dès le premier morceau, "Wolves ov Siberia" (issu du onzième et dernier opus de Behemoth, I Loved You at Your Darkest), le son est très bien équilibré, les growls bien audibles, et le groove entraînant de certains titres plus efficace que jamais. La fosse semble déjà bien pleine et les premiers mouvements de foule s'amorcent sur le tonitruant "Ora Pro Nobis Lucifer". Le batteur Inferno est dans une forme olympique, s'agitant sans cesse et communiquant avec le public, à l'instar de ses camarades sur le devant de la scène. Nergal impose sa présence menaçante et solennelle à chaque instant, flanqué de ses deux acolytes, Orion et Seth, très dynamiques également (même si nous n'avons fait qu'entrapercevoir ce dernier, caché derrière le panneau). 

La setlist est certes très limitée, mais le lourd combo final avec les superbes "Blow Your Trumpets Gabriel" / "Ov Fire and the Void" / "Chant for Eschaton" achève ce set d'une façon redoutable. Porté par une scénographie élaborée, avec profusion de flammes, de fumées et de lumières bleues,  le rituel de Behemoth a plongé l'immense salle de Bercy dans une ambiance digne des enfers invoqués dans les paroles. L'excellente cérémonie s'achève avec les quatre musiciens encapuchonnés qui reviennent sur scène frapper des percussions pour une conclusion hypnotique et magistrale. 

Behemoth a posté sur les réseaux sociaux une video dédiée à la date française, à découvrir ici : 
 

Setlist Behemoth : 

Intro : Solve
- Wolves ov Siberia
- Daimonos
- Ora Pro Nobis Lucifer
- Bartzabel
- Rom 5:8
- Blow Your Trumpets Gabriel
- Ov Fire and the Void
- Chant for Eschaton 2000
Outro : Coagvla

 

L'avant - Slipknot 

 


Pendant la pause, la scène est dissimulée derrière un grand drapeau à l'effigie de Slipknot, les patrons de la soirée. Le montage des nombreux éléments de la scène des "neuf de Des Moines" prend forcément du temps, c'est l'occasion pour le public d'aller se ruiner en boissons aux tarifs prohibitifs ou en merchandising tout aussi onéreux. Les plus raisonnables restent sagement à leur place et peuvent profiter des réclames diffusées sur les deux grands écrans. Tiens donc, l'ensemble des spots publicitaires sont également estampillés Slipknot : on y vante en boucle la future tournée d'été, la super croisière Knotfest at Sea ou le "Slipknot Iowa Whiskey". Il est donc légitime de se demander si les considérations financières ne risquent pas d'empiéter sur la qualité artistique du show à venir … fin du suspense très vite, en reprenant textuellement les propos de Corey Taylor : "Ce soir, Paris, tu vas en avoir pour ton argent !". 

 

Slipknot

Car il y a des moyens, oui, mais pour quel show ! "For Those About to Rock (We Salute You)" d'AC/DC retentit, et dès le tomber de rideau le côté grandiose de la scène saute aux yeux. Une immense structure à plusieurs étages s'élève, avec deux grands piliers sur les côtés ornés des fûts des deux percussionnistes. Un écran géant est suspendu au plafond, et l'on devine des panneaux-écrans disséminés un peu partout dans le décor. L'ensemble du public peut profiter du spectacle sur scène car tout est fait pour rendre visibles les musiciens qui font leur entrée en courant pour débuter "Unsainted", extrait du récent We Are Not Your Kind, et venir retourner littéralement l'Arena. Impossible de résister au groove de cet excellent titre et à l'explosion de son et d'énergie venant de cette scène surpeuplée où les neuf artistes masqués, vêtus de rouge et de noir, rivalisent d'énergie communicative. L'AccorHotels Arena ne se fait pas prier, et la fosse bascule dans la même furie, moshpits, sauts et crowdsurfs touchant aussi bien la fosse or que le parterre général.
  
Le son d'ensemble est toutefois brouillon sur le début du set, et malheureusement les guitares et le chant clair disparaissent quelque peu, perdus dans l'immensité de la salle et recouverts par le vrombissement impressionnant de la section rythmique qui se distingue vraiment ce soir : les lignes de basse de VMan sont magistrales, et Jay Weinberg enchaîne les parties de double pédale avec une facilité déconcertante, pour un effet bombastique de folie.

Les problèmes se règleront partiellement, notamment au niveau du chant clair de Corey Taylor, mieux mixé au-delà du troisième titre. Le vocaliste, très en forme, arpente la scène en exhortant le public à bouger et réagir, arrose ça et là les premiers rangs, tout en produisant ses growls surpuissants au phrasé désormais légendaire, transportant illico les plus anciens du public vers les premières heures du groupe avec l'enchaînement "Disasterpiece" et surtout l'énorme "Eeyore" qui fête cette année ses vingt ans mais n'a pas pris une ride.  

Slipknot, 2020, Bercy, Paris, concert, We Are Not Your Kind

Le show à l'américaine, entendez par là un spectacle qui tient autant de la performance scénique que du son et lumière ou du concert, est déroulé par les neuf compères qui ne cessent de s'agiter, en lien permanent avec le public, dans une ambiance fiévreuse - mais chorégraphiée. Le public de Bercy en prend plein les yeux, par exemple sur "Before I Forget", où pyro, étincelles et détonations font vite monter d'un cran la température, tandis que les amples mouvements synchrones des deux percussionnistes hypnotisent.

Chacun à leur poste, dominant la fosse mais également proches des gradins, ces derniers jouent d'ailleurs un grand rôle dans le tempo de la soirée, par leur présence percutante et leurs interventions aux growls puissants, mais aussi sur le plan scénique. Jamais statiques, toujours engagés, ils interagissent avec le public et font preuve d'une énergie et d'une puissance d'interprétation toute théâtrale, lorsqu'il s'agit de mimer une bagarre fratricide, de frapper des bidons métalliques avec des armes enflammées (Clown), ou de se mettre en danger en escaladant les percussions pour se suspendre au-dessus du vide ou même sauter sur scène dans un accès de folie (Tortilla Man, charismatique et bondissant nouveau venu). 

Slipknot, concert, 2020, Bercy, Paris, We Are Not Your Kind

Malgré l'allure clownesque et grand-guignolesque des héros du soir, l'expérience et la maîtrise se ressent dans la qualité indéniable de la setlist, travaillée et soignée pour offrir au public de ce We Are Not Your Kind World Tour une expérience exceptionnelle. Les morceaux choisis sont efficaces et emportent tout le monde. Slipknot ne joue que quatre titres du dernier opus, à grands coups d'effets pyrotechniques et de jeux de scènes impressionnants très rammstein-esques – le lance-flammes intégré à la basse de VMan fera des merveilles sur "Birth of the Cruel" - mais sait avant tout donner le meilleur de sa discographie, des tubes incontournables aux titres moins connus mais issus des premiers opus du groupe.

La fosse saute comme un seul homme sur le très lourd "Psychosocial", tout en contretemps, avant une annonce qui va achever tout le monde : Corey Taylor, dans l'une de ses nombreuses interventions, promet des morceaux de Slipknot, paru en 1999, dédiés au public qui les suit depuis 20 ans. La fosse est folle sur "Wait and Bleed", et c'est le feu sur le tempo très rapide de l'excellent "Eyeless", pendant lequel le vocaliste est soutenu par des milliers de choristes / hurleurs. "All Out Life" voit la quasi totalité de la fosse or se lancer dans un pit circulaire et fiévreux. L'air exténué, les membres du groupe saluent, acclamés par le public, avant de revenir pour un rappel des plus meurtriers avec "(Sic)", "People = Shit" et "Surfacing". Ce final explosif et accrocheur achèvera de briser les dernières nuques dans la fosse mais aussi dans les gradins, tellement il est impossible de ne pas vociférer le refrain en headbangant, en souvenir du bon vieux temps !
 


Ah, nostalgie, quand tu nous tiens ! Il est évident qu'il se passe un moment de communion particulier ce soir, à entendre l'Arena s'époumonner sur  les titres vieux de vingt ans, et à écouter les prises de parole de Corey Taylor qui se confond en remerciements et en déclarations d'amour pour le public. Certes, le show de ce soir est bien huilé, très maîtrisé, et avec neuf artistes aussi mobiles sur scène, il n'y aucune place pour l'improvisation ni pour la spontanéité. Mais tout de même, le jeu entier et l'investissement de chacun des membres de Slipknot est palpable, tout comme cette belle volonté de tout donner, chaque soir. Corey Taylor n'aura jamais lâché le public du regard, les musiciens sont en échange permanent avec la fosse ou les gradins, et l'on est forcé d'admettre que le set entier transpire le partage.

Ajoutons à cela une setlist best-of généreuse et faite pour plaire au plus grand nombre, et il suffit d'observer les visages satisfaits et les sourires aux lèvres du public qui se dirige vers la sortie pour comprendre que les appréhensions d'avant-concert ne sont plus qu'un lointain souvenir et que Slipknot a été complètement à la hauteur des attentes ce soir : pour les plus jeunes, un show énorme et un groupe mythique enfin découvert, pour les autres, une cure de jouvence, le temps d'une soirée, avec à la clé pour certains – dont la rédactrice de ce report - la perspective d'avoir la voix enrouée pendant quelques jours...

Setlist Slipknot : 

1. Unsainted
2. Disasterpiece
3. Eeyore
4. Nero Forte
5. Before I Forget
6. New Abortion
7. Psychosocial
8. Solway Firth
9. Vermilion
10. Birth of the Cruel
11. Wait and Bleed
12. Eyeless
13. All Out Life
14. Duality
piste enregistrée  : 742617000027
15. (Sic)
16. People = Shit
17. Surfacing
piste enregistrée   : 'Til We Die

Illustrations : Maël. 



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