Avec un nouvel album à la fin du mois de février, Regarde Les Hommes Tomber signe son grand retour cinq ans après la sortie de Exile et vient conclure le triptyque initié au préalable. Pour l'occasion, La Grosse Radio a pu discuter longuement avec Thomas (ou TC) et Antoine (ou AM), respectivement chanteur et guitariste de Regarde Les Hommes Tomber. Projets futurs, retour sur leurs carrières, plongeons sans plus attendre dans cet entretien.
Salut TC et merci d’être avec nous aujourd’hui sur La Grosse Radio. Nous sommes ici pour parler de votre prochain album Ascension, mais avant toute chose, on aimerait revenir sur l’origine de Regarde les Hommes Tomber. Comment le groupe est né ?
TC : C’est assez particulier car je n'étais pas là à la création du groupe. Le groupe est né en 2012 et était purement instrumental, il n’y avait pas chant. Ce qui est marrant c’est que j’ai fait les premières répètes avec eux. Et du coup ils avaient été contactés par Ulrich d' Otargos. Ils ont fait donc un choix assez classique et ils ont choisi Ulrich comme chanteur tout en me disant que j’avais fait un bon travail ! Après quoi Ulrich s’est barré et ils m’ont rappelé. C’était donc en 2014 et j’ai accepté de revenir avec plaisir. C’était un peu le début. Et depuis que je suis dans le groupe le line up est resté assez stable, on se connait bien tous, on s’est tous bien apprivoisés et ça marche comme sur des roulettes.
Si tu devais présenter Regarde Les Hommes Tomber à quelqu’un qui n’a aucune idée de ce que vous faites. Comment le ferais-tu ?
TC : C’est assez complexe mais bêtement je leur dirais qu’on ferait du black metal, et on est assez assimilé à la scène post-black. Nous, ça nous parle pas trop car on n’est pas vraiment sur les étiquettes. On fait une musique organique, sentie et qu’on veut puissante. Donc voilà qu’on peut assimiler au black metal, mais nous on est au delà de ça on se définit pas comme faisant un style en particulier voilà tout simplement.
En février, soit cinq ans après votre dernier album Exile vous allez sortir votre troisième album, Ascension qui clôt le triptyque que vous aviez ouvert avec l’album RLHT. Vous pouvez nous parler du processus d’écriture de cet album et comment l’idée du triptyque vous est venue ?
TC : L’idée du triptyque est justement venue pendant le précédent album, pendant Exile. On s’est dit que ça pouvait être sympa symboliquement de faire trois volets. Après le process d’Ascension a été assez complexe. On a beaucoup beaucoup tourné pendant deux ans pour Exile et finalement on a ressenti le besoin de prendre un gros break. On a terminé la tournée de Exile fin 2017. On avait tellement fait de route qu’on s’est dit qu’il fallait qu’on se pose un peu. On a commencé à composer à la fin du printemps 2018. C’était pas forcément simple au départ car on partait sur des bases toutes neuves. On avait pris l’habitude, peut-être un peu mauvaise, de se laisser porter par la route et de jouer tout le temps les mêmes compositions. On compose difficilement sur la route, il nous faut un cadre, un local de répétitions, c’est une musique qui est assez ressentie. Et c’était pas simple au départ car il y avait des idées différentes, on partait sur des directions assez opposées. Donc il a fallu faire du consensus pour garder la patte du groupe. Et on est très fiers du résultat au final. Car malgré tous les conflits et les tensions qu’il y a pu avoir on a su sublimer ça et faire une catharsis de tout ça pour pondre un CD qui nous ressemble et qui est à notre image, qui est véritable.
Tu peux nous parler du thème abordé par cette dernière partie du triptyque ?
T.C : Toutes nos paroles sont écrites par Enok, c’est notre parolier. Sur les deux précédents il a abordé toute la mythologie biblique en relatant tous ces thèmes judéo-chrétiens. Pour Ascension c’est un peu différent car il est parti de ce prisme pour justement faire une création originale. Il a créé toute une histoire en reprenant de là où il s’était arrêté sur Exile. « A New Order », le premier titre qui ouvre l’album après l’intro fait suite directement à « The Incandescent March » qui clôturait Exile. Je vais pas trop m’étendre après sur la narration de l’album car il faut que ça reste encore un peu secret. Mais il y a eu un véritable travail d’effectué et on est très fiers du résultat.
On sait aussi que c’est le premier album que vous sortez sur votre nouveau label Season of Mist car vous étiez auparavant chez Les Acteurs de L’Ombre. Vous pouvez nous en dire plus sur ce que votre collaboration avec LADLO suivi de Season of Mist vous a apporté ?
T.C : On était sur une phase où on sentait que le groupe avait un potentiel pour grandir à l’international, et on voulait capter cette vibe de jouer en dehors de la France. On savait que LADLO restait sur un public assez franco-français et nous on avait une velléité d’exportation. C’était vraiment un choix purement empirique. On avait deux propositions, on a pris la meilleure pour le groupe tout simplement. Mais cela n’occulte en rien tout l’historique qu’on a avec LADLO. Ce qui est sûr c’est qu’on n’en serait jamais là si Gérald n’avait pas fait un travail de fou furieux pour nous avec LADLO. Ce qui est sûr c’est qu’il a cravaché pour ça et que c’est grâce à lui qu’on a pu signer sur Season of Mist. Après ce qui est cool c’est que l’on garde d’excellents rapports avec lui, il n’y a aucun soucis, il savait que cela devait arriver un jour ou l’autre, c’est arrivé pour The Great Old Ones. De son côté il a un roster de qualité. Son but c’est de signer les groupes qui sont de niches et qui sont bons. Il est excellent dans ce domaine. Je vois les trucs récents là comme Pénitence Onirique, ils font vraiment des trucs géniaux.
Sur cet album, un seul titre est chanté en français, il s’agit du dernier morceau de l’album, quelles ont été vos motivations pour ce choix ?
T.C : Ça a été un choix assez naturel. Vu qu’on est sur un style qui est assez senti et émotionnel, on s’est dit que c’était assez con de passer à côté de chanter un titre en français. Moi c’est la première fois que je faisais ça, c’était un peu le défi. Et après coup on s’est dit qu’on aurait peut-être du faire tout l’album en français. Après bon c’est pas grave. En tout cas c’était vraiment plaisant à faire car quand tu chantes en anglais, tu sens le texte mais moins car ce n’est pas ta langue natale. En français, bah là c’était génial. En plus c’était dans un contexte un peu particulier c’était à la fin de l’enregistrement en studio, j’avais torché tous les textes. J’étais rincé j’avais fait une nuit blanche à me prendre la tête sur de la compo. Et j’étais arrivé en studio crevé. Ce morceau c’était vraiment le chant du cygne. Mais au final je suis quand même content car ça se prête bien à l’intention qui est portée. Ça apporte une autre dimension, c’était le but de faire quelque chose qui prenne le pas sur tout ce qu’on a fait avec cet album et amener un clap de fin à cette trilogie et y apporter une certaine ouverture.
En septembre 2019 vous avez pris part au festival Major Arcana durant lequel vous avez joué un set un peu particulier avec Hangman’s Chair. Vous pouvez nous en dire plus ? Comment ça s’est fait, comment s’est passé l’expérience, ce que vous en avez tiré ?
T.C : C’était beaucoup de plaisir. Ce qui est assez marrant c’est qu’on a commencé à répéter avec eux à peu près à la même période où on enregistrait. C’est à dire en juillet 2019. On avait assez peur car on se disait qu’on serait rincé par le studio, qu’il faudrait assurer derrière avec Hangman’s Chair. Au final ça s’est fait très naturellement et vu qu’on en avait marre de jouer nos compos d’Ascension. On est repartis sur nos anciens morceaux et les leurs. Et le fait de les déconstruire et de les reconstruire avec eux, avec les ressources de chacun ça été hyper exaltant ! On s’est dit « C’est génial on est en train de créer un troisième groupe ». On a vraiment bossé comme un groupe de rock classique, on ne s’est pas échangé des mails ou quoi, on n’a pas bossé à distance. On a vraiment bossé ensemble en répétitions. Et c’était pas forcément simple car eux sont de Paris et nous de Nantes. Mais ça s’est finalement bien fait. Et avoir pu être en résidence avant le concert ensemble, ça été assez cool. Je pense que le concert était assez cool, nous en tout cas on en garde un super souvenir que ce soit artistiquement ou humainement. C’est des super potes en plus, et on est super pressés de jouer dans cette configuration à nouveau avec quinze minutes de rab au Roadburn Festival.
Comment tu as ressenti ça toi de jouer sur scène avec huit musiciens ?
T.C : C’était cool car pour une fois j’étais pas l’élément central ! Et c’était plutôt chouette d’être sur le côté. Initialement on ne savait pas trop comment faire. Les gars voulaient mettre le chanteur d’Hangman’s Chair et moi au centre et moi je leur ai dis « Non non les gars, faut pas faire comme ça ! Là on est plusieurs, on est une espèce d’hydre il faut qu’on la joue collectif. ». Et c’est moi qui leur ai dit de nous mettre à jardin et à court. Donc sur les côtés de la scène pour avoir une espèce d’arc de cercle de musiciens qui soit vraiment assez orchestral. C’était chouette. Quand je chantais j’avais la vue sur la scène, sur les gars qui jouaient et le public, c’était vraiment génial.
Cette soirée était illustré par le duo d’artistes Fortifem, et ce sont eux qui ont réalisé également l’artwork de votre album, comment s’est passé cette collaboration ?
T.C : Le lien entre Fortifem et le groupe est assez ancien en fait. En gros ce sont eux qui font nos artworks depuis le début. C’est à la base une simple collaboration mais ce sont devenus très très vite de bons potes. Et c’est vrai qu’avec le Major Arcana c’était super qu’ils aient pu mettre en avant leurs oeuvres par le biais de la création musicale. Eux ont trouvé ça cohérent de nous contacter et il fallait qu’on trouve un binôme. Et ça a été également assez cohérent de contacter Hangman’s Chair car on les connait aussi un petit peu et on apprécie leur musique. Mais pour revenir à Fortifem c’est vrai qu’on est assez fans de leurs créations c’est pour ça qu’on fait appel à eux. Ils ont une patte assez reconnaissable et atypique qui illustre parfaitement le côté épique de notre musique.
Vous organisez une tournée pour la sortie de Ascension avec deux release party, une à Nantes et une à Paris et vous allez également passer au Hellfest en Juin. Comment tu te sens vis à vis de la tournée ?
T.C : On a juste hyper hâte. Mis à part le LADLO Fest et le Major Arcana on n’a pas fait de concerts ou de tournées depuis 2017. Donc là ça nous démange on a qu’une envie c’est de jouer les compos sur scène et de voir la réaction du public. On est déterminés comme jamais.
T.C nous quitte pour laisser la place à A.M. On remercie beaucoup le temps qu’a pris T.C pour nous répondre.
A.M : Pour l’instant on n’a pas vraiment de vraie tournée avec un groupe ancré ce sont plus des dates éparses qui se cumulent. On a une quinzaine de dates aujourd’hui et c’est génial. Et de ce que Thomas t’as dit avant, nous on essaie de faire le maximum de concerts et on verra comment l’album est reçu. On va tout faire en tout cas pour aller le plus loin possible.
Parlons maintenant un peu de toi, peux-tu nous en dire plus sur ceux qui t’ont inspiré et t’inspirent encore aujourd’hui dans ta carrière musicale ?
A.M : J’étais un fan de metal quand j’étais ado donc forcément t’apprends à faire de la guitare, tu veux monter un groupe t’as envie de réussir. Mais après il y a un truc de magique quand même qui agit, une sorte de main invisible tu vois. C’est Christian Vander de Magma qui dit « Il faut laisser la musique venir à soi ». Et nous c’est exactement comme ça qu’on a vu les choses. Comme on n’est pas des musiciens professionnels, on n’a pas fait d’école de musique, la musique on fait ça par plaisir. Mais ensuite ça devient rapidement une nécessité. Et on a du coup tous un peu foutu en l’air nos carrières professionnelles pour la musique. Et on n’est pas en train de se plaindre, on le vit pas du tout comme une malédiction, même si c’est compliqué, on le vit pas mal. Car on a la chance d’avoir un groupe avec qui il se passe beaucoup de choses et avec lequel on a eu beaucoup de retours positifs et ça c’est extrêmement gratifiant car il faut pas se leurrer. On fait ça pour nous mais le fait qu’il y ait également de bons retours ça permet d’avancer. Et je pense qu’on continuera à faire de la musique tant que ça nous parle.
Ton meilleur souvenir de musicien ?
A.M : Je vais juste prendre un exemple récent : le Major Arcana. C’était un truc de fou. On a bossé cette collaboration en même temps qu’on enregistrait notre album en studio donc c’était un processus extrêmement compliqué car on travaillait la semaine sur notre album et le week-end on travaillait sur cette collab'. Et le truc c’est que nous ça faisait très longtemps qu’on n’avait pas fait de concert. Et on s’est retrouvé à faire ce concert en oubliant quasiment que le public existait. Car on était neuf à bosser avec Hangman’s Chair. Neuf mecs dans la même pièce, mais tu joues aussi pour tout le monde. Et là d’arriver et de monter sur scène et de voir que la salle est complète et noire de monde. En plus c’était le jour de mon anniversaire. C’était incroyable. En plus j’avais vécu un truc très difficile, j’avais perdu ma mère il y a quelques semaines, elle était extrêmement malade. J’ai donc vécu ce concert comme un truc imprévu, comme quelque chose qui m’a fait extrêmement de bien.
Un dernier mot ?
A.M : Merci à toi, je pense que Thomas a tout dit. On a hâte d’aller défendre cet album en live.
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