Le douzième album des norvégiens se retrouvera dans les bacs dès le 28 Septembre 2012. Il sort chez Nuclear Blast Records.
L’album est intitulé Riitiir ou plutôt RIITIIR (plus impactant en majuscule). C'est-à-dire « Rituels », soit un bricolage « Nord-ifié» des mots «Rites», ceux de l'homme et les rituels afin de l’écrire d’une façon plus facile (pouvant être lu aussi bien de gauche à droite que de droite à gauche) comme le dit le guitariste et fondateur Ivar Bjørnson.
L’œuvre est déstabilisante à la première écoute. Un conseil : pour rester concentrer écouter Riitiir avec un casque pour y découvrir toutes les subtilités des norvégiens…
Car depuis quelques albums et maxis, Enslaved possède la recette pour créer un bon titre Black Metal Progressif :
1. Prenez une intro puissante pendant quelques secondes.
2. Ralentissement du tempo tout en y laissant les growls de Grutle, ajoutez en accompagnement les chœurs de Herbrand (claviers).
3. Accentuez le duel entre l’approche Black et les envolées Prog.
4. Faites mijoter la progression du riff pour aboutir à un changement de rythme qui débouche dans l’univers progressif.
5. Y ajouter un refrain très aérien, en mettant en avant la voix claire subissant une accélération par la batterie où Cato n’hésite jamais à blaster.
6. Refaite le 2.
7. Refaites le 5.
8. Retour au 3.
9. Créer un break avec une guitare acoustique.
10. Envoyez les solos d’Arve.
11. Un soupçon de growl de Grutle où il prononce les mots comme sur « IiiiiiiSsssAaaaaaa ».
12. Finir par un final où les voix se rejoignent et où les guitares sont sublimées par une mise en avant.
13. Déclinaison du riff d’Ivar.
14. Retour de la voix prog.
15. Duel entre growl et voix claire.
Il en sera de même ainsi pour des titres comme « Thoughts Like Hammers », « Veilburner » avec des une couche de claviers très Purplelien où le rythme de la batterie y est encore plus soutenu avec peu de changement.
« Death in the Eyes of Dawn » ne déroge pas à la règle où le riff d’introduction sera suivi d’un growl sur une mélodie très agréable non agressive. Succédera un passage Prog où l’auditeur pourra percevoir le travail monstrueux de la basse et où la batterie sera utiliser à contretemps. Très belle ambiance.
Le contraste entre voix claire et grave refait son apparition pour aboutir sur un duo des plus plaisants avant de culminer vers des sommets de prog où la voix claire prendra définitivement le dessus…puis…passage prog – solos – violence BM en break – passage prog – calme…bref la routine.
« Roots of the Mountain » respecte la règle préétablie concernant l’intro mais juste avant la puissance de la voix de Grutle aux alentours des 2 minutes, on retrouve un synthé avec un son très Beatles (époque psyché on part en Inde) avant l’avalanche des guitares et de growls sur la fin qui remettent à plat le savoir-faire d’Enslaved. Les breaks y sont assez déconcertant, assez avant-gardistes avec une voix totalement écorchée.
Sur « Materal », Enslaved au travers du travail de Cato (Bekkevold) à la batterie change la donne en nous faisant un rythme à la Kiss où la voix d’ Herbrand vient nous caresser les tympans avant qu’un riff très aiguisé Black Metal 90’s vienne tout retourner avant de revenir à un schéma de construction classique en alternant de façon systématique toutes ces ambiances.
Bien sûr on apprécie les norvégiens qui ont su sortir du cadre du Black Metal et n’ont pas hésité à s’aventurer vers les mélodies influencées par le rock progressif et en particulier celles de King Crimson dont raffole Grutle.
Les envolés mélodiques sont toujours aussi présentes mais avec un côté poignant lié aux origines du groupe, ces rituels que l’on retrouve dans le titre de l’album, ces chœurs qui assouplissent les cordes rêches des riffs Black Metalliens.
Le titre éponyme est peut-être le plus progressif de l’album par son riff rebondissant où growl et voix claires se réuniront pour la bonne cause et aboutiront sur un break aux consonances des plus progressives.
On tente des expérimentations avec « Forsaken » où un piano de baltringue caché au fond d’un saloon poussiéreux vient vous sortir des notes à la limite du faux, avant de percuter sur un départ saisissant d’un growl dominateur où le progressif a définitivement disparu sauf peut-être pendant un passage aux synthés digne d’un vieux Floyd à la « Astronomy Domine » ou sur le traitement de la basse sur le trop poussif et ennuyeux « Storm of Memories ».
La musique pourtant arrive toujours à former un bloc monolithique mais agrémentée de finesse et de subtilité comme sur « Death in the Eyes of Dawn » mais Enslaved sait nous laisser des moments de répits, des petites fissures dans ce menhir nordique qui pointe vers le ciel pour prouver aux anciennes divinités qu’ils ont encore la fibre.
Et puis faire un morceau long à tiroir c’est progresser dans les méandres des riffs er des rythmes différents en augmentant graduellement l’intensité de la musique…en gros la définition du prog !
Ils arrivent donc à nous proposer un Black Metal extrême avec finesse et intelligence. Serait-ce la Méthode Coué made in Norway pour faire rentrer cette musique extrême dans le calme apparent des chaumières endormies ?
Lionel / Born 666