En ce moment, Napalm Records, c'est un peu le havre du stoner / psyché / rock / metal, avec plein de bons groupes qui rejoignent le label. On a Monster Magnet, Karma to Burn, My Sleeping Karma (qui m'avait fait une impression plus que positive sur scène), Monkey3, les excellents Lonely Kamel qui avaient enchantés les oreilles de notre belle Katarz, etc etc. C'est pas merveilleux tout ça ? On souffle dans l'oreillette un oubli ! Qui donc ? Glowsun, qu'ils s'appellent. Ah et en plus, ils proviennent du pays en forme d'hexagone qui s'appelle la France. Mais n'est-ce pas merveilleux ? Si la formation existe depuis maintenant 15 ans, Eternal Season n'est pourtant que le second album des lillois, après un premier opus, The Sundering, ayant vu le jour quatre ans plus tôt. Une signature sur un tel label leur garantira peut-être un certain succès ? Encore faut-il que celui-ci soit mérité, avec une œuvre à la hauteur de nos attentes. Vont-ils parvenir à se classer parmi les références du genre avec cette nouvelle galette à la si belle pochette ?
Histoire de situer ce que donne leur musique, voyez plutôt cela dans un stoner rock, globalement très instrumental. Qui dit donc instrumental, dit que le chant sera très en retrait, ce qui est le cas ici, les interventions de Johan Jaccob étant presque inexistantes, très ponctuelles. La musique pratiquée n'est pas non plus spécialement originale ni novatrice, mais recèle quand même quelques intéressants secrets, pour peu qu'on puisse adhérer à cet univers qui n'est, finalement, pas si facile d'accès (l'absence de chant ou les longs morceaux pouvant rebuter certaines oreilles, provoquer une certaine lassitude). Ceci dit, l'exécution y est impeccable, et les ficelles du genre bien utilisées, à bon escient. La musique ne bouscule pas les codes établis, mais ne souffre aucunement d'un quelconque manque de personnalité. Difficile de dire s'ils restent réellement dans les carcans, ou s'ils s'en servent pour apporter leur petite touche à eux. Glowsun est un trio inventif, qui ne fait pas dans la demi-mesure.
Si une grande partie de combos du style aiment se reposer sur des atmosphères plus aériennes pour faire planer l'auditeur, le groupe français s'y prend différemment. Plutôt que de laisser des accalmies régulières, les lillois jouent sur une certaine lourdeur, où la guitare prend un rôle de premier plan. C'est ce qui leur permet de se démarquer dans un paysage où il n'est pas toujours évident de faire le tri, de séparer le bon grain de l'ivraie. Et tout porte à croire que Glowsun a davantage sa place dans la première catégorie. Se permettant de diversifier suffisamment sa musique, la formation réussit à faire abstraction de la quasi-absence de chant, pour nous captiver et laisser une portée d'entrée vers les ambiances développées au sein d'Eternal Season, qui ne laisse pas la place aux approximations et autres mauvaises surprises. Le professionnalisme est évident, d'autant plus que, n'étant pas à leur premier coup d'essai, certaines attentes étaient déjà exigées. Cahier des charges rempli avec succès.
Le crâne, quatrième membre de Glowsun.
Doit-on voir une faille quelque part ? Un moment où l'on décrocherait un peu ? Malheureusement, oui, tout n'est pas parfait. En dépit des grandes qualités dont Eternal Season fait preuve, il arrive quelques moments moins passionnants, moins envoûtants. « Monkey Time » et « Lost Soul », piégées dans l'aspect très monolithique du brûlot, passent assez rapidement à la trappe. Elles ne marquent pas au premier coup d'oreille, et ne marqueront pas plus par la suite, ne possédant pas autant de magie que les autres pièces. Il faut cependant bien comprendre que ces pistes ne sont pas mauvaises, et ce loin de là. Mais en réussissant à surprendre plus que positivement par certains morceaux presque brillants, il est normal que le niveau ne soit pas constamment au plus haut. De même, des longueurs arrivent de temps en temps. Encore une fois, ces ombres sur le tableau laissent cependant une fresque qui n'en souffre pas vraiment. La traversée est semée d'embûches, mais le trio ne lâche pas son auditeur, lui laissant assez de temps pour souffler, et ne pas se lasser en plein milieu de l’œuvre. Les changements de rythme et les morceaux moins lourds (« Dragon Witch », « From the Sky ») laissent entrevoir des perspectives différentes, et profiter de saveurs supplémentaires de la part de Glowsun.
Il y a d'excellents moments, dans Eternal Season. Des ambiances prenantes, majestueusement délivrées par ces chants fantomatiques, par cette guitare tantôt groovy, tantôt emplie de lourdeur et de puissance … il s'agit vraiment du point fort de Glowsun. La création d'atmosphères est un petit jeu dans lequel ils sont maîtres. Et si quelques relents musicaux pourraient faire penser à Electric Wizard (les fans de ce groupe pourront ainsi se jeter les yeux fermés sur ce brûlot), le groupe a son petit quelque chose. La question qui consistait à se demander s'ils apportaient leur pierre à l'édifice se soldera par une réponse positive. Un « Sleepwalker » s'apprivoise avec le temps et les écoutes, mais ce titre a ce petit quelque chose d'attractif, de prenant qui le démarque de tous les autres. Même s'il est plus simple, pour s'imprégner de l'aura de l'ensemble de l'album, d'écouter Eternal Season d'une traite, « Sleepwalker » a ce pouvoir de synthétiser l'opus à lui tout seul, tout en laissant une grande part de dévoilement dans le reste des morceaux. La basse fait un gros travail sur « The Thing », une autre pièce maîtresse. Cette pierre angulaire, superbement modulée, à tout pour plaire : sur cette base stoner lourde, quelques breaks viennent perturber cette délicate continuité. Les apparitions vocales contribuent en renforçant encore l'aspect varié et attractif de cette piste.
Les rares passages à vide ne décourageront pas les amateurs du genre, qui pourront foncer sur cet Eternal Season. Avec cette nouvelle offrande, Glowsun laisse entrevoir un très bel avenir, d'autant plus que la signature sur Napalm Records n'est pas un événement anodin. S'il reste quelques corrections à effectuer par-ci, par-là, et la trace de certaines influences à gommer un peu plus pour pouvoir prétendre à une personnalité plus affirmée, ce second opus est un ravissement. Espérons que le prochain album des lillois soit encore meilleur que celui-ci, car prétendre à faire partir des têtes de série du stoner rock / metal psychédélique ne leur semble pas impossible. A suivre de très près.
Note finale : 7,5/10