Entretien avec Maik Weichert de Heaven Shall Burn

"Si tu as déjà écrit dix morceaux et que tu veux en écrire dix de plus pour un double album, alors tu expérimentes plus et ça rend les choses plus faciles pour tester des sons comme ça."

A l'occasion de la sortie de leur nouveau double album, Of Truth and Sacrifice, Maik Weichert, le guitariste leader de Heaven Shall Burn nous a accordé quelques temps pour discuter de cet album. Temps de pause pour composer, vraie vérité, documentaire, nous avons fait le point avec lui autour de cette promotion.

Salut Maik, merci d’accorder du temps à La Grosse Radio. Comment vas-tu en cette période compliquée ?

Maik : Bonjour ! Jusqu’ici, ça va toujours. J’ai un jeune enfant à la maison donc je ne sais pas si mon rhume est le virus ou juste un rhume, on ne sait jamais, mais je me sens plutôt bien.

Parlons de votre album, Of Truth and Sacrifice. C’est un double album, ce qui est un pari risqué. Pourquoi avez-vous choisi de le sortir en une fois et pas en plusieurs fois ? Ne penses-tu pas que ce sera un peu beaucoup pour les auditeurs ?

Maik : J’espère que ce sera lourd (NDLR : « heavy ») car c’est du heavy metal (rires). C’était une idée que nous voulions amener, nous détestons que les groupes aujourd'hui sortent sans cesse des EPs ou des singles, afin de toujours rafraîchir leur liste de titres en streaming. Nous voulions donner à ceux qui continuent d’acheter des albums CD quelque chose qui a vraiment de la valeur pour leur argent, c’est ce que nous avions en tête. C’est pourquoi nous avons fait un double album, nous pourrions facilement tirer cinq ou six EPs de cet enregistrement et étendre les sorties sur deux ans ou quelque chose comme ça mais je ne pense pas que ce soit ça le heavy metal.

Oui bien sûr et les metalleux continuent d’acheter des CDs, des patchs, des t-shirts…

Maik : Oui, heureusement.

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Vous avez voulu prendre du temps pour écrire cet album, comment avez-vous convaincu votre label Century Media Records d’attendre quatre ans entre le précédent album et celui-ci ?

Maik : Nous ne leur avons rien dit. Nous n’avons pas de contrat qui stipule que nous avons quelque chose à fournir s’ils le voulaient, nous avons un contrat qui dit que nous pouvons faire ce que nous voulons et s’ils n’aiment pas ça alors ils peuvent écrire un album eux-mêmes (rires). Century Media a toujours été un label qui nous faisait confiance et des fois ils nous demandent « alors quand y aura-t-il quelque chose de nouveau, les fans attendent, etc » et nous leur répondons « Soyez patient, l’attente en vaut la peine, nous travaillons cette fois sur quelque chose de gros » et ils sont contents et nous font confiance. Nous travaillons avec eux depuis 2004 et ça a été du bon travail ensemble. Ils nous font confiance, ça n’a pas été compliqué de les persuader.

Les thèmes présents dans cet album sont la protection des animaux et un message disant aux gens de chercher la vraie vérité et pas celle qui nous est imposée, est-ce bien ça ? Peux-tu m’en dire plus ?

Maik : Nous avons le sentiment que la question de la vérité est vraiment quelque chose d’important de nos jours. Par exemple, si tu as un problème et que tu cherches la vérité sur Internet et tu n’aimes pas cette vérité alors cela te prendra à peine cinq minutes de faire une recherche sur Google et tu trouveras cinq autres explications au problème et tu peux choisir entre ces différentes vérités, n’est-ce pas fou ? A l’époque tu prenais un livre sur l’étagère et ce qu’il y avait dans ce livre était l’unique explication à ton problème, maintenant tout le monde prétend connaître tout mieux que les autres. C’est quelque chose qui s’envenime vraiment. D’ailleurs c’est la même chose à propos du Coronavirus quand on pense à toutes les théories de conspirations, les explications stupides, les fake news et ce genre de choses, les gens sont perdus et veulent connaître la vérité. C’est toujours l’approche basique pour les gens. Mais qu’on ne se méprenne pas, je ne dis pas que nous avons la vérité absolue sur tous les sujets, je ne parle ici que de normes basiques et éthiques. Il y a des vérités dont tu ne peux pas discuter la réalité. Tu ne peux pas discuter pour savoir si une vie humaine en Afrique vaut moins qu’une vie humaine en Europe ou si tout le monde doit avoir accès à l’eau. Ce sont les vérités dont nous parlons dans l’album, celles qui ne sont pas discutables.

Le chant dans « Expatriate » est presque un cri appelant à la résistance et vous avez aussi une chanson intitulée « La Résistance » avec des mots en français. Est-ce quelque chose d’important pour toi, la Résistance ?

Maik : J’ai toujours été inspiré par la Résistance française. C’était un des seuls mouvements intransigeants de résistance de la Seconde Guerre Mondiale, ça a toujours été très inspirant. La France et l’Allemagne ont toujours eu cette relation spéciale. Je sais que beaucoup de soldats allemands, qui venaient de perdre la France, devaient occuper le pays et ils détestaient avoir recours à la violence contre un pays qu’ils aimaient tellement. En sachant ça, des gens qui devraient être amis étaient obligés de se battre, c’est quelque chose qui est vraiment tragique et qui ne devrait jamais se reproduire. Cette Résistance s’est battue pour protéger son pays contre l’envahisseur, c’est quelque chose qui est vraiment inspirant pour moi.

Je suis d’accord. Qui prononce ces mots en français dans cette chanson ?

Maik : Oh c’est une amie française. C’est la femme du réalisateur de notre clip de « My Heart and The Ocean ». C’est une vétérante de Sea Shepherd également et je sais qu’elle vient de France alors nous lui avons demandé. Est-ce que ce qu’elle dit est compréhensible ?

Oui, parfaitement. (NDLR : « Tant que mon cœur battra, il se battra de défi. Tant que mes yeux pourront voir, ils chercheront de l’espoir. Tu ne me briseras jamais. Tant que je respirerai, je serrerai les poings. »)

Maik : Tant mieux, je suis content. J’avais un peu peur qu’elle dise quelque chose de stupide et se moque de moi (rires). Elle est vraiment gentille, c’était cool.

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En parlant de ce morceau, « La Résistance », il y a beaucoup de styles différents dans l’album et deux d’entre eux sortent un peu du lot : justement « La Résistance » qui est de la synthwave et « The Sorrows of Victory » qui est aussi un peu différent, un style un peu plus power metal. Comment vous est venue l’idée d’écrire des morceaux si différents, et ne pas garder un style unique deathcore, metalcore ?

Maik : Je pense que c’est parce que c’est un double album. Tous ces éléments que tu entends dans ces morceaux, on avait déjà ça dans d’autres albums, mais pas en tant que morceau complet. C’était juste des riffs surprenants ou un pont musical qui étaient un peu différents mais là on a fait des morceaux complets qui peuvent être des surprises, des expérimentations. Et tu as de l’espace disque et de la facilité quand tu composes un double album. Si tu écris dix morceaux pour un seul album, tu ne feras pas autant d’expériences, parce que tu ne veux pas troubler tes fans. Mais si tu as déjà écrit dix morceaux et que tu veux en écrire dix de plus pour un double album, alors tu expérimentes plus et ça rend les choses plus faciles pour tester des sons comme ça.

Qu’en est-il de la voix de Marcus (NDLR : le chanteur) ? Il n’a peut-être pas l’habitude de chanter tant de styles différents, il jongle d’un chant death, à un chant black en passant par d’autres chants, comment a-t-il géré la chose ?

Maik : C’était marrant pour lui d’essayer. C’est ennuyeux de hurler toujours de la même façon. Il est toujours partant pour essayer de nouvelles choses. Nous l’avons vraiment encouragé : « essaie un peu de death metal, essaie un peu de black metal, essaie une voix plus grindcore ».

A propos de « The Ashes of my Enemies », comment vous avez travaillé pour ajouter cette section de cordes ?

Maik : Dans le passé, Ólafur Arnalds a effectué toutes les parties classiques pour nous mais il n’avait pas le temps cette fois. C’est pourquoi nous avons décidé de faire quelque chose nous-mêmes. C’était vraiment amusant de rentrer dans ce monde du classique et de travailler comme ça, c’est tellement différent que de composer des chansons de metal. Ca a pris du temps : nous avons mis au moins un mois à essayer de faire quelque chose comme ça, parce que c’était la première fois, mais c’était vraiment amusant. Quand Sven Helbig est arrivé, le musicien qui a aussi effectué les parties classiques de Rammstein par exemple, c’était vraiment sympa de travailler avec lui, avec un si bon musicien. On a appris beaucoup de lui, et on le refera à nouveau c’est sûr.

J’imagine que c’est la même chose pour le piano dans « Weakness Leaving my Heart » ?

Maik : Oui, on a composé le piano par ordinateur d’abord, et ensuite quelqu’un l’a joué sur un piano. Donc oui c’était la même chose, Alex (NDLR : Alexander Dietz, le deuxième guitariste) et moi l’avons écrit, et il a fallu trouver quelqu’un pour jouer cette partie.

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Votre promotion actuelle ne concerne pas que l’album, vous avez aussi un documentaire vidéo : Mein Grünes Herz in Dunklen Zeiten. Vous l’avez diffusé dans des cinémas allemands et il est disponible dans une édition spéciale avec votre CD. Peux-tu nous en dire plus sur ce documentaire ?

Maik : L’idée principale est de montrer aux gens qui est le groupe, quel genre de personnes nous sommes. Le récit porte principalement sur le making-of de Of Truth and Sacrifice. On peut voir la composition des musiques, l’enregistrement, le mixage, les répétitions… c’est vraiment le principal cadre du film mais à part ça on peut voir quel genre de personnes nous sommes. Il y a des interviews, des visites de lieux spéciaux donc on peut voir qui on est, d’où on vient, comment on a grandi, quels sont nos plans pour le futur... Donc si on regarde le film, on sait comment l’album a été fait mais on sait aussi comment le groupe vit, qui nous sommes.

Qui a voulu faire ce documentaire ?

Maik : C’était une décision du groupe, nous cherchions un réalisateur de documentaires et nous avons travaillé avec quelqu’un qui a déjà beaucoup travaillé avec Heaven Shall Burn, c’est plus facile de faire ça avec quelqu’un qu’on connaît. (NDLR : Ingo Schmoll)

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Quelle est ta propre analyse de la couverture de l’album dessinée par Eliran Kantor ?

Maik : Quand on a discuté avec Eliran et que je lui ai parlé du titre de l’album et du concept, il a tout de suite dit « on devrait travailler comme les anciens peintres, les anciens maîtres et amener cette terminologie de vérité et de sacrifice en allégories ». Il a choisi une mère comme symbole de sacrifice et un enfant nu comme symbole de la vérité nue et la lance qui a transpercé la mère aide l’enfant à se tenir droit. C’est la relation entre la vérité et le sacrifice. Il y a beaucoup à découvrir à travers cette peinture et ça a vraiment bien rendu. J’adore Eliran Kantor, c'est un très bon artiste.

Etait-ce une vraie peinture ?

Maik : Il a vraiment une façon étrange de travailler. Je crois qu’il peint quelque chose, ensuite il le scanne pour travailler dessus sur ordinateur, puis il l’imprime et peint encore, etc. C’est une œuvre mixte mais oui il y a vraiment de la peinture.

Vous n’avez pas tourné depuis deux ans, est-ce que ça te manque ? Es-tu content de reprendre les concerts cet été ?

Maik : Oui j’espère que nous irons jouer cet été. Et nous sommes vraiment prêt pour ça, ne pas jouer de concert pendant deux ans est vraiment dur ! Nous répétons beaucoup et nous maintenons en forme. On a vraiment hâte de retourner sur scène et jouer pour les gens cet été.

Que penses-tu des différentes chroniques sur les magasines et les webzines ? Est-ce que ça vous aide ?

Maik : Ca peut paraître bizarre mais je suis plus intéressé par les chroniques négatives parce que c’est là où tu peux apprendre quelque chose. Si tu as une très bonne critique, évidemment je serai content, mais ça ne t’aide pas à faire tes preuves. Et évidemment il y a des critiques négatives qui sont des conneries parce que la personne qui l’a écrit n’y connaît rien, mais parfois il y en a qui font ressortir des points qui sont pertinents et les rédacteurs peuvent avoir raison sur certains points critiques de l’album et on aime vraiment tomber sur ce genre de chroniques pour nous améliorer.

Vous jouez au Hellfest cette année, qu’est-ce que vous nous réservez ?

Maik : On n’y a pas vraiment pensé parce que nous ne savons pas sur quelle scène nous jouons (NDLR : ils sont prévus sur la Mainstage 1) mais nous ne viendrons définitivement pas en jeans et t-shirts ! La dernière fois que nous avons joué au Hellfest c’était vraiment fun. C’est un des festivals les plus cool du monde, c’est sûr. C’est donc sûr que nous allons faire un spectacle spécial.

Super ! C’est la fin de notre conversation, as-tu quelque chose à dire aux lecteurs de La Grosse Radio ?

Maik : Ecoutez notre album et dites-nous ce que vous en pensez, c’est vraiment important pour nous.

Merci beaucoup Maik, c’était un plaisir de discuter avec toi. Prends soin de toi et de ta famille.

Maik : Merci, toi aussi prends soin de toi.

Entretien réalisé sur Skype le 18 mars 2020.



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