S’il y a bien un ovni que nous pouvons nommer dans la musique extrême actuelle française, nombreux sont ceux qui citeront d’emblée Igorrr, et cela depuis de nombreuses années. Le projet de Gautier Serre, qui a signé chez Metal Blade Records en 2017, nous propose donc Spirituality and Distorsion, album dans la droite lignée de son prédécesseur Savage Sinusoid, c’est à dire complètement barrée mais qui nous montre une nouvelle fois qu’Igorrr se perfectionne et peut encore nous surprendre.
Pour résumer brièvement le concept, pour ceux qui ne le connaissent pas, il s’agit d’une rencontre entre electro et metal dans des contextes musicaux complètement opposés, afin de nous présenter une mutation qui peut paraître complètement incohérente aux premiers abords, mais auquel Igorrr va trouver le petit quelque chose qui nous fera apprécier ce mélange des plus atypiques.
C’est donc par une agréable surprise que débute ce nouvel opus, en entendant les premières notes de “Downgrade Desert” . Ce titre met en avant un oud aux sonorités orientales, pour un rendu fort appréciable et inédit chez Igorrr. En effet, cette nouvelle influence revient sur certaines compositions de l’album, mêlant sons électroniques et rythmiques metal bien évidemment, comme sur “Overweight Poesy” aux parties complètement improbables ou bien “Camel Dancefloor” comportant des breaks de basse très sympathiques.
Spirituality And Distortion comporte inévitablement des compositions classiques qu’on retrouve dans la discographie antérieure d’Igorrr, telles que “Musette Maximum” avec cet accordéon qui va rencontrer une rythmique basse/batterie metal très puissante, “Hollow Tree” ou encore “Nervous Waltz” avec des passages plus baroques et un chant lyrique, toujours dans un contexte metal pour épicer le tout. Ce type de chant revient aussi accompagné de violoncelles pour des rendus épiques, notamment sur “Barocca Satani” et le très réussi “Paranoïd Bulldozer Italiano” qui vous hérissera le poil par sa beauté et sa puissance musicale, marquant un grand moment de cet album.
Après son nombreux lots de surprises, Igorrr en rajoute encore en faisant appel à un invité de choix pour le morceau “Parpaing”: il s’agit de George Fisher qui vient poser sa voix pour une composition qui transpire le metal et la violence, avant de se transformer à la limite de la musique de jeu vidéo pour découvrir le leader de Cannibal Corpse dans un contexte en totale inadéquation avec son genre de prédilection! On est de même impressionné par le premier single “Very Noise”, très court mais totalement déjanté et qui reste en tête tellement il est efficace et à contre-courant de ce qui se fait actuellement.
On retrouve aussi davantage de passages instrumentaux sur l’album. Les parties scream sont en effet mises un peu plus de côté pour faire place à plus de chant lyrique, avec même de nombreuses apparitions a capela comme sur “Polyphonic Rust”, “Lost in Introspection” mené par un piano dans un contexte plus sombre, ou encore l’ultime “Kung-Fu Chèvre”. Sur ce dernier, on retrouve d'ailleurs une introduction chant féminin/masculin dans une langue incroyable, suivie de tous les ingrédients retrouvés précédemment : accordéon, rythmique metal, violons, … pour un final plus qu’étonnant et qui nous laisse sans voix.
Comme les précédents opus, on ne s’étonne pas à constater que ce style de musique est totalement inclassable tellement les genres sont décalés et leur association puisse être autant “écoutable” ! Ce son avant-gardiste nous emmène loin, très loin, et plus on l’écoute, plus on a envie de partir dans ce délire des plus loufoques! Igorrr nous aura une nouvelle fois emporté avec lui et c’est avec plaisir qu’on ira retrouver le projet en live pour une expérience qui doit être encore plus folle qu’en studio!
TRACKLIST :
01. Downgrade Desert
02. Nervous Waltz
03. Very Noise
04. Hollow Tree
05. Camel Dancefloor
06. Parpaing
07. Musette Maximum
08. Himalaya Massive Ritual
09. Lost In Introspection
10. Overweight Poesy
11. Paranoïd Bulldozer Italiano
12. Barocco Satani
13. Polyphonic Rust
14. Kung-Fu Chèvre
Sortie via Metal Blade Records le 27/03/2020.