Le Badakhshan est une région historique localisée à la frontière du Tadjikistan et de l'Afghanistan, dominée par ses chaînes montagneuses et ses hauts-plateaux. Ces paysages sauvages ont ainsi inspiré Hashshashin, formation australienne qui mêle post-rock, metal progressif et sonorités moyen-orientales, le tout sous une forme uniquement instrumentale. Sorti à l'automne 2019, mais récemment découvert par votre serviteur à la faveur des algorithmes de Youtube, nous nous devions de vous en parler, tant cet album a su nous captiver. Hashshashin nous emmène en voyage à l'heure du confinement.
Certes, associer sonorités orientales et musiques actuelles, cela a déjà été réalisé à plusieurs reprises. En effet, Myrath, Orphaned Land et de nombreuses autres formations ont déjà popularisé ce concept. Mais Hashshashin réalise les choses de façon fort différente. D'une part, en optant pour une approche totalement instrumentale, d'autre part, en s'inspirant des sonorités de cette région du monde où la musique fait partie intégrante de la culture locale, Hashshashin se place au carrefour entre post-rock musclé et musique du monde.
Mené par Lachlan R. Dale, multi-instrumentiste de talent, la formation australienne n'hésite pas à incorporer des instruments traditionnels de cette région du monde, tels que le setâr (luth iranien), le rubab afghan (autre forme de luth) ou encore le setor, un instrument à corde originaire du Tadjikistan. Si bien que dès l'introduction "Qom", l'auditeur se retrouve propulsé dans les paysages rocailleux, magnifiquement illustrés par la pochette de l'album.
"Crossing the Panj" muscle un peu plus le jeu, à travers des mélodies hypnotisantes, renforcées par le jeu basse / batterie subtil de la paire McGregor (batterie) / MacDonald (basse) et les riffs de guitare plus mordants de Lachlan Dale (notamment à partir de 5:40). Tantôt ambiant ("Death in Langar", "Sarhadd"), tantôt percutant (la polyrythmie presque djent sur The Taklamakan à 4:12), la musique d'Hashshashin évoque, à travers de longs titres, l'aridité des terres afghanes drainées par leurs larges vallées glaciaires (celle du Wakhan est d'ailleurs évoquée sur le morceau "Srines of the Wakhan"). La longueur des compositions est en effet l'une des caractéristiques majeures de la musique d'Hashshashin ("The Taklamakan" et ses douze minutes), qui recherche le juste développement des ambiances et des émotions.
Ce qui fait la force de cet album, outre sa capacité à faire voyager, c'est la cohésion du trio de musicien, renforcée par la polyvalence du jeu de batterie d'Evan McGregor, la maîtrise des instruments traditionnels par Lachlan R. Dale et le groove des parties de basse de Cameron Macdonald. Le trio est au service de la musique et le concept ne prend jamais le pas sur l'émotion dégagée par les sept titres, dont l'enchaînement est d'une fluidité extrême. Cette cohésion entre les trois musiciens est d'ailleurs à son paroxysme sur le titre final, "Then He Hid Himself in the Refine Fire".
Plus de cinquante minutes d'évasion, c'est ce que nous propose ce trio australien atypique. Moins cher qu'un billet d'avion, Badakhstan saura toucher les amateurs d'un post-rock puissant aux relents de metal progressif et de musique du monde.
Tracklist :
Qom
Crossing the Panj
Death in Langar
Shrines of the Wakhan
Sarhadd
The Taklamakan
Then He Hid Himself in the Refine Fire
Déjà disponible chez Art as Catharsis records