Formé il y désormais vingt ans, c'est au cours de la dernière décennie qu'Ulcerate a réellement explosé sur la scène death internationale. The Destroyers of All (2011), Vermis (2013) et Shrines of Paralysis (2016) sont de petites pépites qui ont contribué à donner ses lettres de noblesse au trio néo-zélandais. Stare into Death and Be Still, sixième offrande du trio, était donc particulièrement attendue. Avec ce nouvel effort, Ulcerate offre son album le plus mélodieux et accessible, tout en gardant sa puissance et le caractère tortueux qui l'anime depuis ses débuts.
A l'heure où le death metal semble partagé entre un revival death old school (certes plaisant) et une scène toujours plus technique (aux sonorités parfois aseptisées), le mix dissonant inspiré par Gorguts et Deathspell Omega que propose Ulcerate offre une belle alternative à la scène.
Un nouvel album d'Ulcerate n'est jamais évident à appréhender. Les oreilles de l'auditeur ne sont pas toujours préparée aux compositions complexes, labyrinthiques et dissonantes du combo. Pourtant, avec "The Lifeless Advance" ou "Exhale The Ash", on se sent immédiatement en terrain familier. Les codes propres à la formation sont présents : la pieuvre humaine Jamie Saint-Merat nous en met plein la vue derrière ses fûts, le growl monolithique de Paul Kelland écrase l'ensemble, et les textures sonores abyssales de Michael Hoggard (guitare) jouent intelligemment avec l'auditeur (notez ce mix panoramique sur l'introduction du morceau titre).
Les titres qui composent ce Stare Into Death and Be Still semblent également moins complexes, mis en brillance par une production bien plus propre que ce à quoi les Néo-zélandais nous avaient habitués depuis leurs débuts. Brillance, c'est également le terme qui ressort de l'ensemble de l'album. Certes, la musique du combo reste toujours aussi sombre, mais comparé aux deux précédents opus, les touches mélodiques et la répétition des riffs offrent une ambiance bien moins oppressante et étouffante qu'à l'accoutumée. Le pont à 5:30 sur "Stare Into Death and Be Still" l'illustre parfaitemen , tout comme l'introduction lancinante en son clair de "There is No Horizon" ou celle de "Dissolved Orders".
Reste qu'un opus de cette qualité est un tour de force de composition. Tout d'abord car chaque titre est d'une cohérence inouïe et que l'on sent que le trio sait où il va depuis le début, malgré des titres longs, nébuleux qui naviguent en eaux troubles ("Drawn into the Next Void"). D'ailleurs, preuve que rien n'est laissé au hasard, l'artwork vaporeux illustre parfaitement le contenu de l'album et fait par ailleurs écho aux pochettes des deux précédents efforts studio d'Ulcerate.
La cohésion précédemment mentionnée au sein de l'oeuvre est telle que l'album ne peut s'apprécier pleinement que lors d'une écoute ininterrompue. La tracklist, intelligemment pensée, est conçue pour faire voyager l'auditeur de la violence pure ("There is No Horizon" 2:39) à la lumière (même titre à 3:38, "Dissolved Orders"), avec une approche sonore organique et viscérale ("Inversion", "Visceral Ends") qui ne peut pas laisser indifférent.
A travers ces huit titres, on remarque également qu'Ulcerate se détache de plus en plus de l'influence de Gorguts qui émanait de l'ensemble de son oeuvre, pour proposer une musique plus personnelle et immédiatement identifiable.
Exigeante, progressive, pesante et toujours dissonante, l'oeuvre d'Ulcerate se fait pourtant plus accessible sur ce Stare into Death and Be Still. Le trio maîtrise toujours autant son art, et si l'effet de surprise des premiers opus n'est plus là, Jamie Saint-Merat et ses acolytes parviennent une fois de plus à faire mouche et à proposer une oeuvre d'art qui sublime et dépasse le simple cadre du death metal. D'une beauté à couper le souffle !
Tracklist :
The Lifeless Advance
Exhale The Ash
Stare Into Death and Be Still
There is No Horizon
Inversion
Visceral Ends
Drawn Into the Next Void
Dissolved Orders
Sorti le 18 avril 2020 chez Debemur Morti Production
Photographies : © DR Ulcerate
