Le Z7 de Pratteln en Suisse, voilà une excellente salle ! Une bonne scène, une bonne capacité de personnes, beaucoup de groupes aiment s'y arrêter. Pas étonnant que ce soit, en Europe, la salle de concert préférée du groupe Tristania. Accompagnés en tournée de Kells (ou Fenrir selon les dates), Sound Storm et Sarah Jezebel Deva, voilà un live-report de leur escale dans les terres helvètes.
SOUND STORM
C'est devant une salle presque vide que les italiens de Sound Storm vont débuter leur set, pas réellement dans les meilleures conditions possible …
Rendons à César ce qui est à César : on repère des compositions suffisamment bien écrites et rodées dans un genre power metal qui va de plus en plus vers la surdose de groupes. Et sur le point de vue de l'écriture musicale, nos amis trans-Alpins ne souffrent pas des défauts habituels du manque d'inspiration, ni d'efficacité. Preuve en est, les titres passent à merveille l'épreuve de la scène, dynamiques et enjoués, nous offrant un bon temps, grâce à une instrumentale de qualité (tant, parfois, on semble assister à un set instrumental).
Conditions difficiles ? En effet. Déjà, les larsens étaient fréquents, et c'est pas forcément réjouissant pour profiter de la performance d'une formation qui a déjà un certain mal à occuper l'espace, seuls le guitariste et la chanteuse semblant bouger un peu par rapport aux autres, un peu trop immobiles. Donc oui, le son n'est pas franchement optimal, mais il n'y a pas que ça. Il y a les voix. Car le son des micros n'est pas très bien réglé, et le chanteur Phillipe d'Orange est totalement noyé. Quand l'instrumentale se fait plus légère, on commence à l'entendre un peu mieux … un peu, seulement. Et c'est là qu'on se pose une question : est-ce vraiment son micro qui ne va pas, ou le frontman a une puissance vocale d'une rare faiblesse ? Car son homologue féminine, Ilaria Lucille De Santis, réussit à le renvoyer dans l'aphonie à chaque intervention, tant il est difficile de percevoir un quelconque son émanant de ce chanteur tentant, de temps en temps, tant bien que mal d'acquérir à sa cause une foule placide, molle. Ilaria, elle, nous offre un lyrique plutôt agréable, et un jeu de scène au point : elle semble littéralement vivre la musique, et n'hésite pas à assurer la communication avec la foule.
Le grand mystère proviendra donc de ce chanteur : serait-il poussé excessivement en avant pour être audible sur support physique ? Quoiqu'il en soit, bilan mitigé pour Sound Storm. Indéniablement, la formation a du potentiel mais les problèmes sonores et le chanteur n'ont pas permis d'apprécier pleinement la performance de ce soir, qui aurait pu être, c'est certain, bien meilleure ! Un groupe à suivre tout de même …
KELLS
Autant être clair tout de suite : Kells, sur CD, c'est pas ma tasse de thé. Pas mon genre, dirons-nous. Mais le potentiel d'une formation se mesurant également sur scène, autant donner une chance à ce groupe français au succès grandissant, enchaînant les tournées (avec Epica, Tarja, Eths, et maintenant Tristania). Qu'en est-il lorsqu'ils ont l'occasion d'occuper leur terrain de prédilection ?
Hé bien autant le dire tout de suite, Kells en live, c'est excellent, ni plus ni moins. La formation a réussit le pari de faire passer le temps à une vitesse phénoménale. Cela vient sans doute de l'énergie folle que les membres ont, sur scène. Ils s'éclatent, et ça se voit très vite qu'une scène devient rapidement un terrain de jeu pour les lyonnais, qui en profitent pour communiquer leur art avec un vrai talent. Décor de rigueur aux couleurs d'Anachromie, ce dernier album en date sera d'ailleurs très bien représenté dans la setlist. D'un « Bleu » qui fait son effet en guise d'ouverture où Virginie Goncalves s'évertue à prouver que ses progrès vocaux sont bien réels, en passant par le single « Se Taire » qui, s'il peut sembler un peu plat sur support physique, trouve un second souffle en live, une nouvelle vie en quelque sorte. Et quelle nouvelle vie ! Par ailleurs, le groupe a un nouveau petit jeu : sur un morceau, il faut s'asseoir … pour sauter au moment venu ! Un petit exercice pour juger de l'entrain de la foule et, apparemment, ce soir en Suisse, ils auront marqué quelques points ! Et leur chanteuse alors ?
Une chanteuse qui, elle, alterne entre un chant clair parfaitement maîtrisé, au timbre flirtant toujours quelque part entre Amy Lee (Evanescence) et Cristina Scabbia (Lacuna Coil) mais avec sa petite touche d'identité. Cette frontwoman charismatique a réussit à trouver sa voie, et même sa voix, avec une capacité à atteindre des notes très aigues pour laisser place très rapidement à des growls à la Candace Kucsulain (Walls of Jericho), et le tout sans cassures. Sur « La Sphère », morceau désormais emblématique pour Kells, la présence de Mariangela Demurtas est à noter (Tristania), la belle italienne chantant les parties vocales de Virginie, et la française, elle, remplaçant dans le duo Candice (ex-Eths). Le petit côté oriental et l'accent italien de la jeune femme sont irrésistibles, et les voix des deux demoiselles très complémentaires.
C'est avec « Lueur » que le set termine. Kells nous aura prouvé que les progrès accomplis sont impressionnants, et que ce groupe peut désormais rivaliser avec d'autres à la réputation déjà bien acquise. S'ils ne voleront pas la vedette à Tristania ce soir-là, force est de constater que le metal français peut compter sur une nouvelle formation capable de s'imposer à l'étranger. On en reparlera dans quelques années, mais leur futur peut, lui, s'avérer brillant.
Setlist :
Bleu
Se Taire
Illusion d'une aire
L'heure que le temps va figer
L'écho
L'autre rive
Emmurés
La sphère (feat. Mariangela Demurtas)
Lueur
SARAH JEZEBEL DEVA
Sarah Jezebel Deva n'est aujourd'hui plus une inconnue dans le monde du metal. La britannique s'est fait son nom et sa réputation en participant au chant dans Cradle of Filth et dans Angtoria, avant de se lancer en solo. Ce soir, c'est donc elle avec son groupe mais elle et bien dont est marqué le nom, et pas quelqu'un d'autre : qu'est-ce qu'elle vaut en solo, cette chanteuse ?
Une déception, tout simplement, tant le set de Sarah ne sera pas à la hauteur ce soir. Premièrement, question composition, comment ne pas remarquer les moult répétitions ? Que ce soit dans les riffs, dans les structures, dans les lignes de chant, l'impression d'entendre le même morceau est parfois flagrante. Pire, ceux-ci peinent vraiment à décoller … Pourtant, le guitariste et le bassiste survolté font de leur mieux pour animer un peu tout cela, mais beaucoup trop de faux pas entachent ces morceaux globalement peu convaincants. D'un « I'm Calling » qui tombe presque à l'eau, à « God Has a Plan For Us All » terminant en gros raté ou « This is My Curse » avec les samples de Dani Filth (Cradle of Filth), difficile pour les anglais de captiver une foule très divisée, certains semblant apprécier, d'autres pas du tout …
Question voix ce n'est pas ça non plus … la jeune femme accuse de réels problèmes de justesse, surtout dans les graves, un comble car elle évolue majoritairement dans ces sphères. Peu convaincante dans son jeu de scène, Sarah semble également très affaiblie ce soir-là...
Que s'est-il passé pour arriver à une prestation aussi décevante ? Amateurisme ou réels problèmes ce soir-là, tant de voix que de cohésion ? Un set à revoir intégralement, il y va de la survie scénique d'une Sarah Jezebel Deva montrant un visage bien indigne de son rang ce soir-là …
TRISTANIA
Tristania sur scène, c'est de la bombe. C'est la conclusion qui m'était venue les deux premières fois où j'avais vu le groupe. Mais ce sera, ce soir, la première fois en tant que tête d'affiche, après avoir pu assister à leurs performances en tant que sous-tête d'affiche au Out of the Dark Tour de l'an passé (à Karlsruhe et à Dortmund).
Et en tête d'affiche, c'est encore mieux. Qui dit set plus long, dit encore plus de morceaux. Les ambiances sont toujours aussi magiques, d'autant que la formation aime se tourner également vers son passé. Jonglant entre des titres plus heavy et directs (« Year of the Rat », « Sacrilege ») ou vers du plus ambiant (« Shadowman », « Tender Trip on Earth »), le groupe aime varier les atmosphères et nous fait voyager au travers de différents tableaux, tous plus sublimes les uns que les autres. Généralement, la formule est simple avec les norvégiens : il suffit de fermer les yeux et de se laisser emporter par les voix, par la musique... Avec souvent peu de mouvements, ils parviennent cependant à laisser transparaître une réelle aura, un petit quelque chose de spectaculaire, et les scandinaves affichent une vraie cohésion au sein de la formation. Chacun semble y trouver sa place, d'un chanteur aux airs solennels à une guitariste plus timorée mais qui sait également se faire remarquer.
Mais LA surprise de la soirée viendra d'une Mariangela Demurtas plus excellente que jamais. Sa voix était déjà remarquable de justesse et de versatilité, mais ce soir, elle enfonce encore plus le clou et montre aux autres chanteuses qu'elles ont du souci à se faire. La jeune italienne apporte sa personnalité, et ses propres émotions aux morceaux. Elle laisse sa trace dans Tristania et cela s'entend, se ressent. Outre un chant lyrique qui a encore gagné en maîtrise (tout simplement éblouissant sur « Angina » où elle n'a désormais plus rien à envier à sa prédécesseur !), sa voix plus rock, chaude et énergique s'adapte à merveille aux morceaux, tant anciens que nouveaux. Sur « Tender Trip on Earth », son chant est plus cristallin, tout en émotion, et la frontwoman semble à fleur de peau, touchante. Idem avec « Shadowman », où le chanteur Kjetil Nordhus fait également des prouesses. L'alliance de ces deux voix est gagnante, tant l'un et l'autre se complètement. Mais qu'on se le dise : Mariangela Demurtas est l'une des meilleures chanteuses dans le metal.
Deux nouveaux titres seront joués ce soir, provenant d'un album qui sortira en Mai 2013 : « Requiem » et « Cathedral ». La seconde semble tout droit provenir de Rubicon, sympathique, tubesque, mais manquant encore d'un petit quelque chose. Mais « Requiem », elle, est une réussite. Se situant peut-être davantage dans la lignée d'un Illumination, ce morceau possède une construction pas aussi simpliste qu'il n'y paraît, mais, surtout, un superbe refrain en chœur, où Mariangela s'illustre encore une fois.
On ne va pas y aller par quatre chemins : l'arrivée de Mariangela Demurtas est la meilleure chose qu'il pouvait arriver à Tristania, tant cette dernière a su apporter un renouveau salvateur aux norvégiens. Si leur prochain effort studio est aussi bon que la prestation de cette soirée, alors attendez-vous à un des albums de l'année. En attendant, Tristania nous a prouvé une fois de plus sa capacité à s'emparer de la scène et à livrer des shows dignes de ce nom. Pas d'effets pyro, ni autres agréments. Un concert tout en sobriété, mais, surtout, en beauté. Les norvégiens peuvent prétendre à la couronne du metal goth / heavy, et leur chanteuse pourrait être intronisé en tant que reine. Le prochain concert est attendu avec une grande impatience.
Setlst :
Angina
The Wretched
Requiem
Exile
(Acoustic)
Libre
Shadowman
Cathedral
Tender Trip On Earth
Beyond The Veil
Year of the Rat
Sacrilege
Illumination
Photos : © 2012 Yannick Pfaadt
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