Alors qu’on le rangeait du côté des vieilleries suintantes de bière et de gras, le thrash metal ne s’est jamais aussi bien porté que depuis quelques années. Et en 2020 nous avons été gâtés. Que ce soit Sepultura, Havok, Testament ou encore Annihilator, les gros du genre ne nous ont pas déçus. Mais dans ce monde de la veste en jeans et de la paire de sneakers, ceux-ci ne sont pas seuls. D’autres attendent, dans l’ombre, prêt à sortir les crocs. Et dans les groupes de qualité, mais dont on ne parle pas assez, Warbringer a décidé de montrer l’artillerie lourde en 2020 avec ce Weapons of Tomorrow.
Dans cet univers où se nichent les artistes dont la reconnaissance n’est à la mesure de leur talent, Warbringer avait assené quelques claques avec son précédent disque. Woe To The Vanquished, leur cinquième méfait datant de 2017, était leur premier au sein de Napalm Records et avait permis aux Américains d’acquérir, que ça soit via l’album ou les festivals européens, une plus grande renommée.
Vous aimez le thrash quand il se fait incisif ? Warbringer aussi ! Vous aimez quand celui-ci se fait mélodique ? Ca tombe bien Warbringer aussi. Nourri d’une parfaite connaissance du style, le groupe américain emmené par son charismatique chanteur John Kevill est un carrefour. Carrefour des genres, des temps, des riffs et des mélodies, dès les premiers instants de "Firepower Kills", on sent tant la déférence au thrash que son envie de l’amener vers de nouveaux horizons.
Encore heureux me direz vous après six albums, mais l’essentiel est là. Warbringer emprunte au passé sans être périmé. Et le résultat n’est pas piqué des hannetons. Riffs originaux, tempo furieux, solos qui partent dans tous les sens, le tout surplombé d’hurlements écorchés, le premier tiers de l’album est ainsi très énervé. Rythmiques incisives, changement de cadences, accélérations fracassantes et accords brises nuques, tout chez Warbringer transpire le meilleur du thrash metal.
Et, après ce premier enchainement qui parlera aux fans d’Exodus et de Kreator, vient la première grosse claque du disque, "Defiance of Fate". Avec une structure en mid-tempo, des ambiances très lourdes et le chant écorché de John Kevill, on croirait voir une version énervée du Metallica de And Justice For All. La composition est aussi l’occasion de parfaitement mettre en avant le nouveau bassiste Chase Bryant, qui ramène avec lui des influences un poil plus progressives. Déjà connu pour son travail dans le groupe canadien Oni, le musicien est ici à ses aises et transcende les lignes de guitares avec brio, bien aidé par la production réussie de Zack Ohren.
Tout l’album est ainsi un enchainement raffiné - pour autant que le soit un CD de thrash -, passant sans coup férir de mid-tempos aux accélérations enflammées sans que l’on puisse reprendre son souffle. L’autre morceau de sept minutes, "Heart Of Darkness", est tout aussi marquant que le précédent, bien que beaucoup plus énervé. Encore une fois, le talent de composition est là et l’interprétation est sans faille. Malgré ses changements de line-up constants, Warbringer est une machine, une entité prête à tout dévaster.
John Kevill mène le groupe de main de maître, possédant une large palette vocale. Bien qu’ayant un chant plutôt classique pour le genre à première vue, agressif, mais pas criard, celui-ci y parsème hurlements stridents et phrasés aux frontières du black. Quant aux autres musiciens, ceux-ci semblent se faire bien plaisir. Le duo de guitare formé d’Adam Carroll et Chase Becker est excellent. Ainsi les riffs du premier répondent parfaitement aux solos du second tandis que Carlos Cruz, à la batterie, livre une prestation de très haute volée. C’est simple, celui-ci n’a pas un moment de pause et arrive à apporter un groove intéressant derrière la vitesse et la technique de l’album.
Et comment en tant que Français, faire l’impasse sur l’impressionnant brulot "Notre Dame (King of Fools)" qui conte l’histoire de Quasimodo. Le héros maudit de Victor Hugo se retrouve donc entrainé, comme dans le roman, jusqu’à l’église en proie aux flammes. La chanson possède une narration complexe, cassant les rythmes et les tonalités pour mieux servir cette terrible vision que nous avons connue il y a peu. Peut être aurait-il fallu finir le disque sur cette note quasi apocalyptique que sur la plus classique, quoi que très efficace, "Glorious End".
Qu’on ne dise pas que le metal ne peut pas être politique. A travers ses compositions, Warbringer arrive à allier deux opposés. Celui de montrer le pire de l’humain et de sa violence inhérente, mais en l’accompagnant d’une musique ô combien de qualité. Weapons of Tomorrow ne déroge pas à la règle et se hisse parmi les meilleures sorties du groupe. Moins rentre dedans, plus réfléchis dans la structure de leurs morceaux, les Américains en deviennent encore plus incisifs et percutants. C’est désormais une certitude, Warbringer peut s’asseoir sans problèmes à la table des plus grands. Il ne reste plus qu’à espérer que le public suive tant Kevill et sa bande méritent une popularité bien plus importante que celle qui est la leur aujourd’hui.
TRACKLIST
Firepower Kills
The Black Hand Reaches Out
Crushed Beneath The Tracks
Defiance of Fate
Unraveling
Heart of Darkness
Power Unsurpassed
Outer Reaches
Notre Dame (King Of Fools)
Glorious End
Warbringer - Weapons of Tomorrow : sortie le 24 avril 2020 chez Napalm Records