Orchid – Heretic (EP)

"Orchid", c'est quoi ?? Résumons, si l'on pose aujourd'hui cette question au premier métalleux qui passe, on aura droit quasi-systématiquement à : « Le nom du premier album d'Opeth! » ... Subtilité, atmosphères et sophistication, donc. Les plus romantiques vous diront aussi : « C'est le nom d'une fleur bien délicate à entretenir, symbole de raffinement et de sensualité », ce qui pourrait renvoyer également à la scène goth, dark et leurs joyeux amis (la fanfare de 'Mon Epouse Qui se Meurt' par exemple...). A moins que le but ne soit de créer un décalage entre la beauté éternelle exprimée par cette fleur et la dureté d'une réalité changeante et des plus implacable, ce afin de délivrer un pur hard-rock/punko/glamouze sans concessions... C'est vrai, quoi, à quand le groupe Rifles and Orchids pour faire la nique aux Guns n' Roses??!!

Oui, mais voilà, pour nos irréductibles Ricains d'aujourd'hui, "Orchid" c'est avant tout l'instrumentale servant d'introduction au morceau "Lord of this World" de Black Sabbath (ou de conclusion à "Children of the Grave", c'est selon!) sur l'inusable Master of Reality... Dès lors, ce dernier EP 4 titres (leur deuxième, un premier album ayant toutefois pointé le bout de son nez entre les deux), sorti cette fois sur la grosse écurie Nuclear Blast en septembre, sera donc plutôt à considérer comme un nouvel hommage à la troupe de Tony Iommi (petite pensée pour le Maître, et de nouveau tous nos vœux pour un prompt rétablissement...), avec un certain savoir-faire traditionnel en héritage.

En cela, le groupe ne se défait pas de la ligne de conduite qui avait été la sienne jusqu'alors. L'album Capricorn (2011) avait en effet déjà été un bon condensé de 'doom' Sabbathien avec des relents de 'stoner' racé (et non, pas rassis...), bref un bon disque de rock 70's délicieusement anachronique aujourd'hui ! A destination, en somme, de tous ceux qui ont déjà usé leurs vinyles de la discographie du Noir Sabbat jusqu'à la corde, et pour tous ceux qui voudraient retrouver en concert les sensations d'antan, qui ne seront évidemment plus jamais les mêmes aujourd'hui avec le line-up originel du Sabbath à peine réunifié que déjà bien entaché (avec un Bill Ward dissident, un Iommi malade et un Ozzy qui sucre les fraises) ... Qu'en est-il en revanche pour les encore fringants Orchid aujourd'hui sur disque, un an seulement après leur dernier méfait ?

 

Orchid band promo pic

Le morceau-titre introducteur se veut sans surprise un mélange de 'stoner', dans le côté plutôt expéditif et implacable de son exécution (avec en outre un refrain assez imparable), et de pur 'doom' ronronnant à l'ancienne, digne des meilleurs Saint Vitus (en moins embrumé toutefois) et Sheavy (mais en moins sophistiqué, avec moins d'"enrobage"). Comme l'on pouvait s'y attendre, le chanteur tend quelque peu à copier Ozzy Osbourne dans les intonations, notamment sur les fins de phrases et le côté 'pincé'. Pourtant, il se démarque par un timbre différent et une voix plus rauque, plus proche d'un Bobby Liebling de Pentagram ou du chanteur d'Electric Wizard croisés avec un Blackie Lawless (!), ce qui nous pousse à nous interroger encore une fois sur les raisons d'un tel mimétisme parfois contre-nature. D'autant que sur le premier album Capricorn (et notamment sur son morceau-titre), on pouvait également identifier un phrasé davantage à la Dio par moments, que l'on pouvait d'ailleurs préférer dans ce contexte (même si l'on n'atteint pas la même puissance et là n'est pas le but d'ailleurs). Alors, faculté d'adaptation à plusieurs registres, grande versatilité, ou juste syndrome du frontman qui se cherche encore vocalement ? Avec un tel bagage pourtant, ce serait bien dommage, il faudra bientôt pouvoir trancher...
D'autant que le reste du titre, hormis sa lourdeur, n'évoque que de loin la légende britannique. Des nappes d'orgues très "seventies" font en outre une apparition discrète mais remarquée.

Lorsque la ballade acoustique recueillie "Falling Away" commence, on pencherait presque pour une relecture du "Solitude" de Black Sabbath dans une version moins « hippie » mais plus dramatique et "hispanisante" (!), avant que le morceau ne monte progressivement en puissance et en émotion (superbe prestation du chanteur Theo Mindell, plus authentiquement incarné et moins en force et en mimiques cette fois...), et que l'ensemble ne s'emporte vraiment à la fin, nous évoquant alors davantage Blue Öyster Cult dans ses interventions de guitare. Indéniablement LA grande réussite de cet EP !

 

"Saviours of the Blind" est également très convaincante, mais dans un registre cette fois très proche du Sabbath plus emporté (même le jeu de guitare en solo est criant de mimétisme avec celui du Iommi des premières années, à tel point qu'on croirait entendre le frottement des prothèses du Maître, c'est dire!). Ici encore, les clins d'œil ne manquent pas et les alternances entre couplets en retenue portés par une basse dodelinante 'Geezeresque' et passages plus énervés transforment ce titre en un véritable "Hand of Doom" version 2.0 ! Le break central voit aussi le groupe glisser quelques notes du "Into the Void" de 'qui-vous-savez'... Les leads doublées dans la plus pure tradition ressurgissent, même si l'une des deux guitares dépareille un peu dans ce contexte au niveau du son (cf la deuxième séance de solos notamment). Morceau très entraînant, donc, même si sur ce coup-là le plagiat n'est vraiment pas loin!

Quant à "He Who Walks Alone", la plus 'doom', elle affiche plus clairement la polyvalence dont le groupe peut faire preuve, avec par intermittences des passages très « hard de bikers », idéal pour se bouffer de la route, même si la même ombre plane encore et toujours sur l'oeuvre... La deuxième moitié du titre est le coup bien plus convaincante, avec une session instrumentale "psyché" qui sent bon la bonne vieille 'jam' collégiale ! Un peu de libertés (on pense un instant à T.Rex ou Nazareth avec cette petite cowbell 'vintage' de batterie) au sein d'un disque que l'on pourrait juger un peu trop convenu par ailleurs... Reste qu'il s'agit simplement de la reprise d'un titre déjà présent sur Capricorn, donc la surprise et l'intérêt sont finalement assez limités.

Bref, du bon son il va sans dire, mais rien de bien nouveau "under the sun" (ça, c'est pour leur faire plaisir...)! Ne vous méprenez pas, nous adorons tous Black Sab' ici, et de là à ce que le prochain album hypothétique de ce groupe mythique sorte et soit au moins aussi bon que cet EP, on ne se risquerait peut-être pas à prendre les paris ! Donc, d'aucuns sauront peut-être se contenter de cette énième copie de disciples appliqués et inspirés (hmm, très inspirés, très influencés aussi parfois, c'est 50/50!)... Mais la plupart des autres n'auront qu'à se repasser pour la millionième fois les 4 premiers albums de la légendaire formation d'Aston pour atteindre la complète plénitude qu'ils n'obtiendront pas réellement ici (un peu court, quand même...). Alors, si en la matière les 'yankees' d'Orchid ne sont en rien des "hérétiques", on attendra vraiment avant de s'enthousiasmer qu'ils soient enfin passés du stade de simple dévot à celui d'authentique prédicateur. Et qu'ils deviennent plus prolifiques aussi! En tout cas, la relève est bel et bien là... En attendant, vous pouvez toujours réécouter leur Capricorn, qui vous tiendra plus durablement en haleine. Dédié à tous ceux qui avaient flashé sur un Witchcraft tout aussi 70's naguère, avant qu'ils ne dénaturent leur son tout récemment ... mais ceci est une autre histoire!
 


LeBoucherSlave


3,5/5
 

Orchid, promo band pic heretic

 

NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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