Quarante-et-un an d’activité, c’est une longévité que très peu de groupes français – et un nombre limité de formations même à l’étranger – peuvent se targuer de connaître. C’est pourtant l’âge de Nightmare, qui a donc traversé les décennies avec dix albums studios et une poignée d’EP et d’albums live. Le son du groupe a fluctué au fil des changements de line-up, et la formation revient aujourd'hui avec son onzième effort et la volonté de gagner encore en puissance.
Depuis sa naissance en 1979, l’un des plus vieux groupes de metal français a connu des périodes plus prolifiques que d’autres, et même vécu une séparation de douze ans à la fin des années 80, mais depuis sa reformation à la fin des années 90, il affiche une certaine régularité dans ses sorties d’albums. On pourrait presque en dire autant de ses changements de line-up, entre autre de chanteurs, puisque depuis son premier album signé en 1984 il a usé trois vocalistes sur ses albums studio (sans compter deux autres sur les cinq premières années de formation et un autre sur des démos ultérieures), deux chanteurs puis une chanteuse, et c’est une quatrième qui prend le relai sur Aeternam, onzième opus de Nightmare.
En quatre décennies, le son du groupe a logiquement énormément évolué – certains lui reprochent parfois son manque d’identité, et les deux premières sorties des années 80, culte pour une poignée de fans de la première heure, au chant si particulier mais à la production douteuse pour des oreilles contemporaines, n’a plus grand-chose à voir avec les disques des années 2010, au son plus massif mais parfois un peu générique.
Avec Aeternam, les Grenoblois semblent vouloir redoubler de rage dans leur musique. L’album est beaucoup plus agressif que ceux du début de carrière, et franchit même un palier par rapport aux travaux précédents, souvent en demi-teinte. Si le groupe reste indéniablement ancré dans le heavy metal, il a endurci le son, et les envolées power qui le caractérisaient jusqu’à présent se retrouvent difficilement. A l’inverse, des sonorités se rapprochant du black se font entendre, certes par touches, mais qui confèrent une plus grande obscurité et agressivité à l’ensemble. Sur certains passages, les guitares (Franck Milleliri et Matt Asselberghs) sont jouées particulièrement graves et saturées, accompagnées par la batterie (Niels Quiais, nouvelle recrue arrivée en 2019) qui enchaine les blasts, dans une atmosphère extrêmement sombre qu’on avait rarement entendue de la part du groupe. Il faut dire que de la formation originale, seul subsiste le bassiste Yves Campion ; les multiples changements de personnel auraient-il impulsé une dynamique positive dans le groupe ?
La présence relativement importante de claviers vient tour à tour renforcer cette atmosphère sombre, contraster avec des passages plus mélodieux ou étoffer l’ambiance avec des éléments gothiques voire très légèrement symphoniques. Plus sombre et agressif, l’album n’en reste pas moins très mélodique, avec des lignes parfois très accrocheuses, notamment sur les refrains, et des soli de guitares rapides et techniques typiquement heavy (« Temple of Acheron », « Divine Nemesis », « The Passenger » - à la lisière du cliché, « Under the Ice »). On observe d’ailleurs souvent deux schémas au fil des chansons, qui parfois se superposent au sein d’un même titre : l’un où les guitares, la basse et la batterie jouent sur des motifs particulièrement agressifs et saturés sur l’ensemble du titre, tandis que le chant et la ligne mélodique des claviers vont être plus accessibles et plus clairs, l’autre où l’ensemble va opérer dans un registre plus rentre-dedans sur les couplets et s’adoucir pour un refrain plus mélodieux, mais aussi du coup souvent plus faibles.
La voix de la nouvelle chanteuse, Maid Madie, qui a officié dans Faith In Agony, s’accorde plus que bien aux sonorités de l’album dans son ensemble. Chaude, très différente de ses prédécesseurs, elle est directe et puissante, sans fioriture mais capable de variations, particulièrement prenante quand elle descend dans les graves. Elle chante très essentiellement en voix claire mais s’essaye parfois à un chant qui se sature un peu, pas très loin du scream sans vraiment en être (« Divine Nemesis », « The Passenger », « Downfall of the Tyrant »). Du growl se fait aussi entendre sur plusieurs morceaux (« Under the Ice », « Black September », « Anneliese »), renforçant la puissance de l’ensemble.
L’album n’échappe pas à quelques morceaux plus convenus, sans être mauvais pour autant (la ballade « Crystal Lake », les morceaux plus heavy traditionnel « Light On » et « Aeternam »), mais dans l’ensemble, il offre un son modernisé (les fans de la première heure pourraient le trouver un poil trop propre) et trouve le juste équilibre entre une certaine agressivité et un sens des mélodies imparables. Les titres qui allient le mieux les différents éléments sont peut-être l’ouverture et la clôture d’Aeternam. « Temple of Acheron » s’ouvre sur des riffs et une orchestration qui évoquent des styles beaucoup plus agressifs que le heavy, à tel point qu’on est grandement surpris d’entendre juste après une voix claire et mélodieuse ; et « Anneliese » introduit au milieu des guitares heavy agressives, des claviers et du growl, un chant masculin clair un peu éraillé et des chœurs gothiques, comme si le groupe explorait de nouvelles pistes jusqu’au dernier instant. Aeternam prouve qu’après plus de quarante ans de carrière, le plus bel avenir de Nightmare est peut-être devant lui.
Tracklist
01 - Temple Of Acheron
02 - Divine Nemesis
03 - The Passenger
04 - Downfall Of A Tyrant
05 - Crystal Lake
06 - Lights On
07 - Aeternam
08 - Under The Ice
09 - Black September
10 - Anneliese
Sortie le 2 octobre chez AFM Records