Deftones – Ohms

Alors qu’on pensait que Deftones ne fêterait cette année que les vingt ans de White Pony, quelle ne fut pas la surprise à l’annonce d’un nouvel album. Après quelques messages cryptiques postés ou affichés ici et là, nous avions enfin son officialisation. Intitulé Ohms, celui-ci, précédé du clip éponyme, laissait songer à un retour rageur mené par un Chino Moreno en grande forme. Mais on sait pertinemment que les surprises sont toujours nombreuses avec ces Californiens qui s’amusent à prendre les attentes de leurs fans à contrepied. La question est donc sibylline : que vaut ce nouveau présent du quintet ?

Deftones nous avait quitté il y a quatre ans avec l’album Gore qui avait énormément fait jaser. Pour certains trop calme et pas assez metal, celui-ci était pourtant une suite logique dans la carrière du groupe. Mais il semblait délaisser le metal pour une musique plus éthérée, aux ambiances plus prononcées, chose qui, peut-être, était pour certains trop abrupte. Pour le coup, cet état de fait est largement "corrigé" sur Ohms, porté aussi par les thématiques de l’album.

Stephen Carpenter et sa huit cordes sont ainsi très présents sur le disque, contrairement à Gore. Les guitares, bien mises en avant par Terry Date - qui retrouve le groupe pour la première fois depuis 2003 et l’éponyme Deftones – sont là un vrai délice. Les riffs mémorables s’enchainent, de la première à la dernière piste, avec une lourdeur qui, délicatement, vient apporter ce contraste avec les claviers éthérés de Franck Delgado. Porté par le producteur ayant le plus approché le quintet, Deftones revient ici avec cette patte si caractéristique, unique et reconnaissable. Les Californiens ne jouent pas le metal le plus violent qui soit, et ne sont pas ceux qui sortiront un album d’ambiant. Et pourtant, rares sont les musiciens capables de créer cette harmonie, ténue, entre pesanteur et apaisement, au milieu desquels la voix de Chino Moreno sert de fil conducteur.

Car chez Deftones cet équilibre, cette cohérence entre les moments les plus brutaux et la douceur ne serait rien sans son chanteur. Sa manière de poser ses notes, d’aller chercher son phrasé et ses notes est toujours aussi unique et distinguable. Chaque cri résonne tel une explosion, tant cela peut arriver à n’importe quel instant. Comme sur "Radiant City", composition portée par le groove imparable de la basse de Sergio Vega et surplombée de toute la panoplie que peut offrir son frontman. On passe sans crier gare (ni aéroport) de cris sursaturés à une alternance de chants clairs à un refrain dans un parfait entre-deux.
 


Un des éléments fascinants de Ohms est que malgré ses disparités, il s’agit d’un disque d’une grande cohérence. Les évolutions des morceaux, des ambiances, semblent parfaitement agencées, à tel point que l’on ne se rend parfois pas compte de changer de piste. En termes de tracklisting étudié, Ohms est un cas d’école tant il n’y a rien à redire. Et à une heure où certains – coucou Daniel "Spotify" Ek – considèrent chaque chanson comme un appât à dollars, voire un album construit comme tel, de manière tout à fait homogène est un réel plaisir.

Que ce soit l’énorme riff d’intro d’"Urantia" qui s’évapore dans les couplets avant un refrain évanescent, le chant des mouettes avant l’explosion de "Pompeji", le côté immédiat d’"Error", tout est millimétré. Alors, on pourra pester contre le manque de surprises et de nouveautés, mais cela serait faire la fine bouche tant Ohms est un bel album qui pourtant fait encore évoluer Deftones. En effet, il s’agit d’un tout terriblement sombre, dont les paroles et les thématiques semblent écorcher les sentiments de Chino Moreno, le quintet revêtant une noirceur que l’on ne pensait pas voir après plus de trente ans d’existence.
 


Beaucoup moins facile d’accès qu’il y paraît, Ohms est un disque remplit de failles, de cassures et de douceurs qui se révèlent toujours plus à chaque écoute. Sonnant tant comme un best of - la patte du groupe est immédiatement reconnaissable - qu’étant la continuité logique de Gore, Deftones a parfaitement nommé sa neuvième offrande. Résistance et résilience au temps qui passe et aux affres de cette vie qui vous enveloppe parfois de chaleur, les émotions contraires s’opposent et se mélangent ici avec brio. Difficile de dire quelle place prendra Ohms dans la discographie du groupe, mais être déçu relèverait du caprice tant l'album représente une sublime symbiose, la plus pure essence, de la musique des Californiens.

Deftones - Ohms : sortie le 25 septembre 2020 chez Reprise Records

Tracklist :
Genesis
Ceremony
Urantia
Error
The Spell of Mathematics
Pompeji
This Link Is Dead
Radiant City
Headless
Ohms

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces articles en relation peuvent aussi vous intéresser...

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...