Ivar Bjørnson possède de nombreuses cordes à son arc, ce qui lui permet d’être toujours occupé et encore plus pendant ces périodes de confinement. Enslaved reste bien sûr sa principale préoccupation puisque c’est le groupe qu’il a créé quand il avait 13 ans en compagnie de Grutle Kjellson. Nous avons pu parler de Utgard le nouvel album qui donne une direction encore plus prog au groupe…
Lionel/Born666 : Comment as-tu vécu cette période de confinement en Norvège ?
Ivar Bjørnson : Après toutes ces années sur les routes, ça faisait du bien de se retrouver à la maison en famille. En Norvège, avec le gouvernement qui avait fermé les frontières, je pense que c’était beaucoup plus facile de vivre ce confinement que dans d’autres pays. C’était facile, ce n’était pas trop compliqué de vivre dans la nature. C’était beaucoup plus agréable que dans certains pays, on était assez libre. On a aussi répété ensemble en avril pour se préparer aux différents shows qu’on a fait en streaming sur le web.
Utgard peut représenter d'innombrables choses », déclare Grutle Kjellson (chanteur/bassiste d’Enslaved). Pour lui c’est « Une image, une métaphore, un lieu ésotérique. De la mythologie nordique, nous le connaissons comme un paysage où habitent les géants, où les dieux d'Asgard n'ont aucun contrôle. Sur le plan psychologique, il peut représenter les sphères du sommeil, des rêves ou des rêves lucides ». Revenons-en à toi : Que représente cet album pour toi ?
C’est un album dont le concept va dans le sens d’un challenge personnel. Il se dirige vers le côté le plus obscur de ta personne, vers un lieu sans nom. C’est un processus organique, un voyage sans destination précise où l’être est perdu dans l’espace et le temps. C’est un peu ce qu’on a vécu en studio fin 2019 en étant isolés en Suède en plein hiver, seuls au monde alors que l’hiver y était extrême. Un voyage à travers les ténèbres de l’hiver…
Utgard c’est ce que tu peux trouver dans ton esprit. Avec l’album on a voulu explorer des choses que l’on n’avait encore jamais faites avec Enslaved. C’est donc un album très énergique. D’ailleurs, on sent que le groupe est très heureux de jouer ensemble. Pour moi c’est un album très positif.
C’est donc un concept album ?
Oui, on peut dire ça car toutes les chansons font partie d’un voyage. Ce sont les fondements d’un voyage vers un pays sans nom. C’est un concept d’unité. Une acceptation de l’obscurité et de la lumière. La musique et les paroles fonctionnent bien ensemble. Il y a un côté psychologique, un concept, une entité derrière tout ça. Je suis très satisfait de cet album. J’en suis très fier.
Est-ce qu’on peut dire que l’album est constitué de deux parties avec le titre éponyme au milieu ? Avec une première partie plus énervée et plus "black metal" et une deuxième partie plus progressive ?
Oui ! Dans le développement de sa conception, c’est un peu comme sur les vinyles avec une bonne face A et une bonne face B. Le tout fonctionne à merveille avec ce côté plus rentre-dedans d’un côté et l’autre plus proggy. A toi de deviner lequel ! (Rires)
Tu as dit : « Je me suis assis dans mon salon avec ma guitare acoustique et tout d'un coup les compositions sont arrivées… ». C’était vraiment aussi facile et rapide ?
Oui tout à fait c’était très facile, très logique : la musique me venait comme ça d’une façon très naturelle. Je jouais avec ma famille juste à côté dans le salon, naturellement avec mon téléphone qui enregistrait mes riffs de guitare. Ensuite j’ai commencé à faire écouter les morceaux aux autres membres d’Enslaved. Ils ont trouvé que j’étais vraiment inspiré. Ensuite, ils ont compris ce que je ressentais et ont tout de suite su comment l’interpréter, comment rendre ce que je voulais au travers de leurs instruments. Cela s’est enchaîné naturellement.
Maintenant Enslaved dispose de trois chanteurs ? [Iver Sandøy joue de la batterie, est aussi producteur mais chante sur certains titres]
(Rire), Oui l’arrivée d’Iver Sandøy en tant que batteur et le fait qu’il nous connaissait depuis une dizaine d’année comme producteur a changé beaucoup de choses. Il sait tout faire, chanter, jouer de la batterie et comme producteur, c’est une force de proposition, il a été très important en ce qui concerne nos prestations en streaming.
Peux-tu m’expliquer ce qu’un titre électro punk rock ‘n’roll comme « Urjotun » fait au milieu du disque ?
C’est un peu un délire entre moi et Håkon [Vinje - guitare, ndr]. Comme je le fais dans mon projet Barspec, où je fais de la musique électronique et je joue du synthé. C’est en bidouillant avec le séquenceur qu’on est arrivé à ça… Håkon a trouvé ça sympa comme départ alors on a continué à développer cette idée. Je ne te cache pas que cela a été assez rapide à composer. Cette ambiance dark wave electro 80’s a plu au reste du groupe.
Tu dis que « Utgard est une étape importante pour Enslaved, tout comme Frost ou Below the Lights l’ont été ». Est-ce pour cela que vous avec joué ce dernier en entier sur votre chaîne Youtube en collaboration avec le Beyond the Gates Festival ?
Tu sais, Below the Lights se trouve au milieu de notre discographie. Il est sorti en 2003. Pour ceux qui ne nous connaissent pas, ils peuvent commencer par l’écouter. Si tu y aimes les parties prog que l’on y retrouve tu peux continuer en écoutant les albums qui sont sortis après jusqu’à Ultard. En revanche si tu y préfères le côté plus black metal, tu retournes en arrière pour retourner aux source d’Enslaved jusqu’à ses débuts.
Vous avez fait trois concerts pendant le confinement sans vos fans devant la scène… vous êtes devenu le groupe n°1 des concerts sans public. Est-ce frustrant ? Faire un concert sans public, c'est un peu comme faire du sexe devant Youporn ?
(Rires) Nous devons nous tenir à distance désormais. C’est comme ça, on doit faire avec. Nous sommes tous isolés à divers degrés, et la musique live nous manque tous. Mais nos shows étaient très sympas à faire. On a pu le faire grâce à Nuclear Blast, les gens qui nous entourent et c’était bien filmé. Le décor était nouveau, sobre et beau. Mais oui le public nous manque.
Enslaved explore des territoires progressifs et psychédéliques combinant black metal et rock progressif. Qui sont tes héros, tes musiciens préférés en tant que guitariste ?
J’aime la musique et l’art en général dans tout son ensemble. Bien sûr je m’intéresse à la musique actuelle mais je considère les groupes de prog’ des années 70 comme importants. Ces groupes ont une place importante dans mon cœur. Je suis fan de Pink Floyd, de Bowie et surtout de King Crimson. Les années 70 étaient source de créativité. Entre progression et fusion, ils n’hésitaient pas à flirter avec la musique classique. J’aime bien aussi le prog’ de nos jours mais je le trouve plus technique, donc moins dans son côté ambiant et atmosphérique que j’appréciais. Je suis un grand fan de King Crimson et surtout de Robert Fripp en particulier. Et de l’autre côté j’ai une admiration pour Bathory et la scène black metal des débuts.
As-tu quelque chose en préparation avec Einar Selvik (Ivar Bjørnson & Einar Selvik, Wardruna) ? Comme vous avez sorti deux albums en quatre ans, allons-nous découvrir quelque chose cette année ?
Non pas cette année mais surement l’année prochaine. Cette année je me concentre sur Enslaved, notre nouvel album et c’est beaucoup de travail.
Quand pensez vous être de retour sur les routes ?
Franchement je ne sais pas. On est toujours en contact avec notre label mais franchement je ne sais pas…
Date de sortie : le 2 octobre 2020 chez Nuclear Blast Records